12-14 juillet 2006, Salvador de Bahia, Brésil, www.ciad.mre.gov.br
“Economie et société en Afrique et dans la Diaspora : défis actuels”
Afrique – Amérique latine et les Caraïbes : Capacité d’influence et refondation de l’interdépendance
Par Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
Directeur du groupe de réflexion et d’action « Afrology » et Economiste à l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel.
Cet article n’engage nullement l’ONUDI.
Résumé
Les relations entre l’Afrique et l’Amérique latine et les Caraïbes ont été souvent « platoniques » si l’on se réfère aux échanges des biens et services entre les deux continents. La solidarité tant souhaitée ne peut que reposer sur une organisation solide et fondée sur des organisations travaillant en réseaux avec pour objectif premier : la transparence, la performance et la solidarité.
Pour se faire, il est suggéré ici de retrouver des synergies entre une Diaspora qui doit retrouver ses repères dans un monde glocal et servir d’effet de levier pour que les pays du Sud retrouvent une capacité d’influence minimale. Plus qu’une réforme, il s’agit d’opérationnaliser une économie de l’agglomération en refondant les institutions d’appui, la gouvernance de compétitivité qui les rend pérenne et programmer les sauts qualitatifs et technologiques au travers d’un observatoire de la compétitivité, de la solidarité et de l’emploi décent.
Pour passer de la réflexion à l’action, il convient de proposer des concepts et des espaces de polarisation des synergies au service des populations. Il est donc question d’identifier des projets où la complémentarité stratégique va de pair avec des solidarités historiques. Des concepts comme l’interdépendance et le co-développement devraient retrouver leurs lettres de noblesse au fur et à mesure du retour de la capacité d’influence collective de l’Afrique et de l’Amérique latine et les Caraïbes. Il faut alors accepter le principe de subsidiarité pour que la coopération interrégionale et l’économie de proximité, symboles du glocal, puissent permettre de créer réellement des relations d’affaires à des fins de progrès mutuel. Avec la Diaspora, il est possible de soutenir des pôles de compétitivité et d’emplois, qui ne verront leur essor que si au préalable, des visas ou des Passeports Diaspora sont acceptés entre régions ou, à défaut entre Etats. L’avenir passe alors par l’institutionnalisation d’un système d’agglomération fonctionnant en réseau ouvert.
En filigrane, c’est une réforme en profondeur qui est proposée pour faciliter la renaissance d’un panafricanisme poussiéreux entre Africains et Amérindiens. Cette renaissance est d’abord culturelle car elle suppose une refonte des attitudes et la diffusion d’une culture de la performance et de la résistance.
Introduction : glocalisation[1] de la Diaspora
Les pays en développement tendent à souffrir de la non-homogénéité grandissante entre leurs différentes économies et cultures. L’Afrique et l’Amérique latine et les Caraïbes (ALC) n’y échappent pas. Le phénomène de la glocalisation[2], alliant centralisation et décentralisation des échanges, des finances, de la production et de la circulation aseptisée et sélective des populations, tend à favoriser la segmentation de la création du savoir et la fragmentation et la diffusion de la connaissance. Accéder au savoir ne suffit plus pour créer de la valeur ajoutée. Il faut en maîtriser les dynamiques positives et se les approprier, si possible rapidement. Les populations des pays en développement, celles des zones rurales d’Afrique et d’Amérique latine et les Caraïbes en particulier, en sont les premières victimes.
Les conséquences sur les cultures qui peinent à se moderniser ou sur les attitudes qui continuent de privilégier les rentes de situation comme vecteur de la croissance sont multiples et dramatiques pour les peuples appartenant à des nations n’ayant pas pu ou ayant été empêchées, de développer leur capacité d’influence. Dans un monde de compétition exacerbée, un nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique et de l’ALC se déclinant comme une entreprise de refondation interrégionale devient indispensable pour trouver des solutions endogènes aux problèmes de proximité tout en utilisant la globalisation comme un effet de levier. La Diaspora, et plus particulièrement les élites, ceux qui constituent les noyaux de la connaissance, du savoir et du savoir-faire, ne peuvent plus être laissés-pour-compte ou tout simplement mis à l’écart du développement du secteur privé pour des raisons obscures de politiques intérieures non transparentes.
Complémentarité, solidarité et émulations dynamisantes et productives doivent retrouver leurs lettres de noblesse. Il est possible d’institutionnaliser des structures, des politiques et des attitudes positives permettant d’organiser une véritable capacité d’influence de l’Afrique et de l’ALC. Encore faut-il en prendre conscience collectivement et confier à de nouvelles entités « interdépendantes » le soin de soutenir les dynamiques interrégionales.
L’Afrique et l’ALC constituent des espaces où la Diaspora n’a pas encore fini de jouer son rôle de catalyse. Si le terme grec « Diaspora » rappelle historiquement un phénomène de dispersion à travers le monde, il ne s’agit certainement pas d’un exil. Deux phénomènes sont à relever :
- la volonté pour les émigrés d’essaimer sous la forme de communautés, et
- la volonté de fuir les persécutions de tous genres comprenant tant la pauvreté, les inégalités que les persécutions dues à des déficits démocratiques chroniques. Ceux-ci tendent à brouiller les voies sinueuses de l’espoir et du retour à la création de la richesse endogène au service des populations.
Les migrations sont principalement dues à des pressions économiques et démographiques et répondent à un besoin précis : une asymétrie entre ressources disponibles et effectifs humains. L’inégalité dans les répartitions des richesses et la perception d’un horizon bouché en termes d’opportunités de changement de la situation finissent par convaincre non plus des individus, mais des familles et des villages, des ethnies et des nations d’organiser l’accès à la création de la richesse en misant sur l’extérieur. Il faut toutefois distinguer entre les émigrés qui s’exilent pour des motifs non économiques (fuir l’oppression, le non-respect des droits humains, l’absence de sécurité sanitaire ou éducationnelle, l’impossible prédictibilité de la préservation de la propriété des biens due à des interventions intempestives des autorités locales…) avec ceux qui s’expatrient pour des raisons économiques et commerciales.
Les pays d’accueil fonctionnent comme des pôles d’attraction. Les migrations volontaires concernent en principe les plus aisés, les progénitures des chefs traditionnels éclairés, les intellectuels. L’esclavage, l’exploitation de la force humaine, la colonisation et le besoin structurel de puiser dans des réserves importantes de ressources agricoles, minérales et humaines sans ou avec un minimum de contrepartie ont servi de modèle stratégique de développement économique pour les pays disposant d’une avance militaire, puis économique. Une deuxième vague de migration concerne les populations laissées pour compte qui décident aussi de tenter leur « chance » et de profiter du phénomène, malheureusement dans un contexte où le pays d’accueil n’est plus toujours demandeur ou l’est pour des périodes de plus en plus courtes. Même le statut de résident de longue durée est de plus en plus remis en cause dans les pays européens au motif que la nouvelle politique de l’immigration accorde la priorité à la sélection.
Originellement attirés par les pôles d’attraction de richesse et d’emplois au Nord, puis dans les sous-régions en Afrique et en Amérique latine et par les possibilités offertes par les travaux en zones rurales ou en proximité des zones urbaines, les migrations s’expliquent aussi d’une part par la structure sociale des populations émigrées, laquelle permettait leur mobilisation massive de manière forcée dans l’histoire, et d’autre part par leur cohésion et leur relation dans le pays d’accueil. La nouvelle vague d’organisation de l’immigration sélective dans les pays riches (OCDE) risque de servir de catalyseur pour trouver des solutions endogènes afin de fixer les populations, même si certains pays comme le Mali considèrent que les revenus provenant de la Diaspora (138 millions de $US en 2003) sont aussi importants et dépassent parfois les transferts liés aux investissements étrangers directs (129 millions de $US en 2003) par l’aide au développement affectée à la coopération technique (128 millions de $US)[3]. En réalité, les générations passent et des liens commerciaux et culturels se tissent et créent des univers aux frontières floues qui dépassent les frontières tant des pays d’origine ou d’accueil de l’émigré. Ainsi, plutôt que les retours d’émigrés ne se fassent de manière forcée et parfois humiliante, il devient important de s’intéresser à ce phénomène dans un cadre économique et social et repenser les stratégies de développement économique et social en mettant en avant la contribution positive des migrants à la croissance mondiale.
Grâce à une prise de conscience de groupe, souvent initiée par les intellectuels et ceux qui maîtrisent un savoir-faire, les communautés ont pu organiser leur capacité d’influence dans le site d’accueil tout en assurant leur intégration[4]. Cette approche de la sitologie[5] de l’influence semble avoir manqué à la plupart des communautés africaines, ceci en comparaison avec les communautés chinoise, indienne… D’autre part, partout où la Diaspora a pu s’organiser dans le cadre d’une agglomération géographique où les agents innovants sont venus appuyer l’ensemble de la communauté pour fonder une culture de l’innovation et de la modernisation, cette communauté s’est développée au point de s’appuyer sur son pays d’origine pour continuer à créer des richesses et contribuer à la création d’emplois. Là encore, en dehors du cadre bloquant du triptyque esclavage-exploitation-colonisation, les Africains[6] ont plutôt brillé par un attachement à une forme obsolète du conservatisme et à un manque d’initiative et d’audace certain. Beaucoup ont plutôt tenté d’exporter leur mode de vie, de comportements, d’attitudes et leur culture héritée de générations de pratiques ancestrales dans des sociétés modernes. La conséquence directe fut double :
- l’émergence des individualités que la société d’accueil intègre rapidement tout en veillant à formaliser, au travers des nouvelles générations, une forme de séparation culturelle de fait avec les origines. Ces individualités ont parfois perdu le sens de la collectivité et se sont concentrées sur la réussite personnelle et familiale avec d’ailleurs beaucoup de succès. Pourtant, la création de richesse collective passe justement par une conscience claire de la dynamique de l’agglomération ;
- La difficulté à accumuler et investir dans des activités génératrices de revenus et permettant de pérenniser les acquis. Ainsi, les sommes nombreuses envoyées par les émigrés dans leur pays d’origine sont massivement investies dans la « consommation » ou des activités dont l’investissement reste indirect ou à très long terme comme l’habitation, la santé… Les montants des gains et revenus étant eux-mêmes peu importants, les sacrifices consentis tant sur le plan familial, personnel n’ont pas véritablement produit leurs effets car dans le pays d’accueil, l’approche communautaire des problèmes notamment dans les zones rurales, a contribué à favoriser des décisions collectives donnant la priorité à la survie des individus les plus âgés. Le respect quasi-religieux de l’aîné dans les structures sociales, la prédominance de l’homme sur la femme dans les décisions engageant la cité ont conduit à des investissements qui se sont dirigés plus vers des activités peu productives où la prise de conscience sur le retour sur investissement n’était pas d’actualité.
Face aux bouleversements introduits par la disponibilité de l’information, le changement rapide de la société pour une main d’œuvre de plus en plus qualifiée, l’Afrique de part son programme éducationnel post-colonial n’a pas toujours pris conscience de ces changements rapides et a formé un nombre important de personnes dans des domaines qui n’intéressent pas le marché. L’adéquation entre l’information, la formation, le savoir et le secteur privé productif devient un impératif de survie pour les pays en développement. Le rapport malgré tout encore de dépendance entre le Nord et le Sud conduit logiquement à privilégier les relations et la coopération sud-sud et interrégionale. Pourtant, cette voie n’est pas apparue dans la pratique comme celle choisie par l’Afrique et les pays d’Afrique et d’Amérique latine depuis les dernières décades. Certains chefs d’Etat, comme le Président brésilien Luís Inácio Lula da Silva,ont indiqué la direction en faisant des missions régulières sur le continent africain. L’inverse est moins vrai. Au-delà de ces symboles, il est plus question d’institutionnaliser les relations à tous les niveaux des activités humaines entre les deux continents.
Pour ce faire, il convient de repenser les stratégies de développement économique et social autour de l’approche de l’agglomération en proximité comme en virtuel. La Diaspora ne peut que servir d’effet de levier en venant s’inscrire dans les initiatives locales et régionales en cours d’émergence ou en création. La condition sine qua non pour réussir dans un monde de compétition et d’inégalité en termes de rapport de force réside dans l’organisation d’une capacité d’influence pacifique sous toutes ses formes.
1. Afrique – Amérique latine et les Caraïbes : retrouver la capacité d’influence
1.1 Les élites organiques et les intellectuels « alimentaires »
Le processus de prise de décision en Afrique et en Amérique latine exclut encore largement la Diaspora, les intellectuels et ceux qui disposent d’un savoir-faire. Aux Etats-Unis et dans une moindre mesure, des organisations non gouvernementales, des associations, des groupes d’intérêts sont plus actifs et surtout sont reconnus et souvent financés pour justement offrir du savoir. Chercher à influencer devient une partie intégrante du processus d’organisation de la « bonne » gouvernance politique et économique. Pourtant, le rôle de ces centres du savoir (knowledge centers) ou groupes d’influence (Think tank) ont plus de chances d’émerger si la Diaspora dans son ensemble, le secteur privé et les Gouvernements les acceptent comme des instruments indispensables pour organiser la capacité d’influence d’un pays ou d’une région dans un environnement global structuré plus autour d’un système de compétition que d’un système de coopération. Paradoxalement, c’est justement, la construction et la maîtrise de cette capacité d’influence qui permet de mieux structurer la coopération. Il est donc urgent de repenser les nouvelles formes d’agglomération (clustering) des centres du savoir, des groupes d’influence dans un cadre inter-régional afin de créer de nouveaux espaces de création et de diffusion du savoir et des compétences à des fins de croissance économique partagée et de progrès. Ces tentatives nouvelles ne peuvent faire l’économie de prendre en compte les critères éthiques tels le respect des droits humains, la démocratie et la solidarité. Ainsi, c’est tout un modèle de prise de décision du bas vers le haut qui est mis en cause ici. Il devra être remplacé par une approche itérative et pluridisciplinaire qui devra prendre le pas sur l’approche dite « politique » où prédominent en priorité le pouvoir et l’arbitraire au risque de faire passer aux oubliettes le processus scientifique d’organisation de la prise de décision.
Il est question en fait de promouvoir des « réservoirs à penser » pour mieux structurer l’opérationnalité des actions. Si les élites sont considérées en priorité comme les principaux acteurs, il est clair que dans un monde interdépendant où cohabitent des cultures variées et riches en expérience réussies, c’est plutôt l’interdépendance[7] entre les acteurs politiques, les universitaires, les intellectuels, les syndicalistes et les chefs d’entreprises, les hommes et femmes d’action à vouloir réfléchir ensemble pour relever les défis du futur[8] en trouvant les moyens adéquats pour le rendre meilleur et au service de la population les plus défavorisées qui devient une gageure, mais paradoxalement se révèle être la solution.
Il est question d’organiser les changements structurels en usant de l’influence positive à des fins de programmation des espaces d’innovations[9] s’inscrivant dans la création, la diffusion et la maîtrise des idées et du savoir-faire technologique au service du développement humain et de la création de la richesse. Ce phénomène organisé dans le cadre de nouvelles formes d’agglomération entre l’Afrique et l’Amérique latine et les Caraïbes devrait favoriser les avancées démocratiques, une meilleure responsabilisation des acteurs décisionnels et une nouvelle culture de l’innovation qui ne rejettent en rien les traditions et les cultures ancestrales. Bref, il convient alors de penser et d’agir différemment par la conviction et non par la coercition sans pour autant sous-estimer l’impact des attitudes contre-productives dans les initiatives collectives.
Le rôle de l’Etat est plus que nécessaire. Ceux qui ont cru trop rapidement à une retraite de l’Etat[10] doivent réviser leur position car il s’agit en fait d’une nouvelle dynamique où le nouveau rôle de régulateur et de catalyseur de l’Etat, nourri par les groupes d’influence et les acteurs pragmatiques du secteur privé, doit ouvrir le champ à un nouveau paradigme : celui du partage et de la diffusion du pouvoir. En contrepartie, il y a lieu d’inciter à une prise de responsabilité nouvelle favorisant la performance. Celle-ci risque d’être en contradiction avec l’ancien paradigme qui a cours encore aujourd’hui et qui repose trop souvent sur la concentration du pouvoir et la dilution des responsabilités.
Une fois la confiance établie envers les équipes formant des réservoirs à penser, il importe de s’assurer que la légitimité ne s’achète pas… Les intellectuels « alimentaires » ou les élites organiques[11] ne pourront à long terme faire le poids face à l’impératif de la démocratie, des droits de l’homme, de l’éthique, de la performance, et de l’indépendance. Ainsi, c’est une conception erronée de certains dirigeants politiques que de s’aventurer à utiliser la Diaspora et les élites intellectuelles pour organiser une légitimité douteuse, source de déficits démocratiques encore trop nombreux. En effet, les pays du Sud se prive d’un véritable effet de levier en passant sous silence les collusions entre pouvoir, élites organiques et réduction de la pauvreté. Les tentatives éparses pour faire émerger une Diaspora « organiques » ou « alimentaire » rencontrent des résistances. La « ventrologie[12] » ne s’accommode pas des espaces de liberté. L’attitude des élites organiques du Sud[13] apparaît de plus en plus comme une forme de trahison que les populations tendent rapidement de condamner, souvent sans appel. Sous-estimé ou nié, le rôle ambivalent des élites organiques ralentit souvent le processus de modernisation endogène, avec des effets pervers sur une dépendance accélérée du maillage décisionnel local par des puissances extérieures bien peu neutres dans cette histoire.
1.2 Institutionnaliser l’effet de levier
A la suite des résultats plus que mitigés des politiques d’ajustements dites « structurelles » dans le cadre du Consensus de Washington, les institutions de Bretton-Woods ont réussi le tour de force de faire oublier qu’elles sont des institutions publiques qui pourraient être privatisées pour plus d’efficacité. En introduisant la notion de gouvernance dans le discours sur le développement international, les institutions de Washington et leurs réseaux avancés en Afrique ont, elles-mêmes, failli en terme de gouvernance et de veille stratégique en oubliant de mettre le citoyen-responsable au centre de leur préoccupation. Le financement partiel et partial de l’infrastructure d’interconnexion et des principales structures de santé publique, d’éducation, de sécurité alimentaire ou de communication en Afrique, témoigne du travail inachevé de l’approche exogène du « financement de projet de développement ». Avec le poids grandissant d’une dette et des méthodes de calcul de cette dernière reposant sur un auto-renouvellement de la dépendance financière, il faut croire que le rôle des élites organiques ne favorise pas une structuration positive et un approfondissement des indépendances économiques. Les pays du Sud qui sont concernés ne peuvent donc projeter le développement, encore moins en laisser le soin aux bénéficiaires locaux potentiels. Il faut donc trouver d’autres formes d’effet de levier pour soutenir une résistance aux stratégies dé-structurantes de la croissance économique partagée.
La nouvelle génération de mesures exogènes relatives à la gouvernance, propose de mettre l’accent sur les institutions. Cette évolution porte, entre autres, sur le renforcement des capacités institutionnelles, de l’amélioration des pratiques, une attaque en règle contre la corruption sans par ailleurs responsabiliser les corrupteurs, un discours sur la décentralisation des pouvoirs. Tous ces efforts tendent en apparence à augmenter la participation des citoyens africains à la mise en œuvre des projets de développement. La réalité est que les acteurs restent ceux du secteur public que l’on se spécialise sur le fonctionnement interne des institutions de Bretton-Woods et leurs relais à des fins d’accélération des procédures de décaissement et de crédits obtenus de haute lutte. Les liens entre les décaissements et les réalisations se font par ailleurs de manière « éclatée » et sans responsabilisation collective des vrais donneurs d’ordre.
Il existe une volonté extérieure et sélective d’œuvrer, sous la forme de pressions diverses, pour promouvoir une forme de démocratie, qui tend à devenir une démocratie à l’africaine[1]. Mais en faisant fi de la participation des acteurs concernés dans l’élaboration même des projets de développement, en oubliant que l’essentiel du capital humain éduqué et disponible est souvent absorbé par les mêmes institutions d’appui aux développements bilatéraux ou multilatéraux pour « administrer » leurs projets, la plupart des bailleurs de fonds ont financé et transformé des « bureaucrates » et des « intellectuels organiques » africains en consultant nationaux et internationaux. Pour tenter de calmer les effets connexes désastreux des programmes d’ajustements conjoncturels à répétition[2] sur les populations, des mesures d’accompagnement social à des fins de limitation de la pauvreté, sont apparus comme des feux de paille sans lendemain en Afrique subsaharienne. L’Afrique subsaharienne reste la région du monde où le nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour reste le plus élevé 76,6 % en 2001[3] avec des estimations à la hausse d’ici 2015. En parallèle, c’est aussi la région où le nombre d’enfants de moins de 14 ans considérés comme main d’œuvre est le plus élevé, soit 28 % en 2003[4]. Cette partie du continent reste l’une des régions vulnérables du monde en terme d’appauvrissement et d’augmentation des inégalités.
Les effets pervers et collatéraux de l’interventionnisme des institutions de Bretton-Woods dans la gouvernance des pays de la sous-région ne doivent pas être sous-estimés, ni passés aux oubliettes comme au demeurant les responsabilités des dirigeants africains eux-mêmes. En effet, sans accord avec ces institutions, l’octroi de crédit ou de dons de la part des institutions bilatérales est une mission quasi-impossible. La réalité est que nul n’a cherché réellement à augmenter la capacité de création de richesses en Afrique, avec ou par les Africains eux-mêmes. On a rarement vu des mesures d’accompagnement pour ceux qui, aux niveaux national ou sous-régional et ceci malgré de multiples obstacles, tentent de créer des richesses et de promouvoir la création de valeur ajoutée et de l’innovation. La plupart des propriétaires locaux de capacités productives voient leurs titres de propriété transférés grâce à des opérations, justifiées ou non, de privatisation vers des entités non-africaines. Les motivations de ces dernières ne sont plus nécessairement le développement, la redistribution, le réinvestissement en Afrique ou la décentralisation au profit d’une population locale, souvent confinée dans une forme de léthargie informationnelle permettant à la fatalité, tel du levain dans la pâte à pain, de neutraliser les esprits frondeurs ou alternatifs.
Les stratégies endogènes et les mesures typiquement africaines deviennent alors des options qu’il faut rapidement contrôler, infiltrer, détourner de leur objectif premier, si possible avec les acteurs concernés et maîtrisant parfois peu l’enjeu du combat. Le problème alimentaire quotidien, allié à des formes plus subtiles de ventrologie[5], conduit souvent à diviser l’Afrique en deux camps bien distincts. Les pays ayant atteint un certain niveau d’autonomie budgétaire peuvent organiser leur autodétermination alors que d’autres continuent d’être tributaires des subsides extérieurs, ce qui n’a d’ailleurs pas un effet bénéfique avéré sur l’amélioration de la gouvernance en général, sur l’appropriation locale en particulier.
Dans l’un ou l’autre cas, la participation de la population reste un défi quant elle est tolérée. La mise en œuvre d’une gouvernance d’autodétermination reste souvent proscrite et les sanctions sous la forme, entre autres, d’« embargo financier » ou de coups d’Etat téléguidés sont encore légions sur le continent. La forme la plus pacifique reste, malgré tout, la manipulation des constitutions pour en modifier les termes et les contenus avec des pseudo-référendums proposés dans des Etats policiers et souffrant de déficit démocratique plus ou moins prononcé. Dans ce contexte, l’approfondissement de la gouvernance au niveau de la décentralisation à l’intérieur d’un pays ou de l’organisation de la subsidiarité au niveau des sous-régions regroupant plusieurs pays, demeurent un défi majeur en Afrique. Les stratégies de développement peuvent bien sûr être rediscutées. Mais elles n’auront aucune chance d’être mises en œuvre si toutes les analyses font fi du rapport de forces inégalitaires qui existent entre ceux qui prônent l’ingérence feutrée[6] dans les affaires intérieures des pays et ceux qui au niveau de la direction des pays, refusent, avec toutes les astuces modernes que confère la légitimité, réelle ou imposée du pouvoir, de favoriser la décentralisation du pouvoir. L’appropriation locale de la gouvernance par les citoyens africains, notamment ceux vivant en zones rurales ou ceux considérés comme les plus vulnérables est devenue une urgence pour sauvegarder la démocratie en Afrique. On peut s’affranchir de la prise de conscience de plus en plus grande des populations sur les méthodes mystificatrices et les stratagèmes imitateurs d’une certaine démocratie formelle.
Prendre en compte uniquement le volet régionalisation[14] en considérant que la notion de gouvernance « fonctionne » en Afrique est une erreur de parallaxe. Les efforts de démocratie représentative de certains pays africains comme l’Afrique du Sud, le Bénin, le Botswana, le Cap-Vert, le Ghana, l’île Maurice, et le Sénégal (pour ne citer qu’eux) permettent de croire que le processus de démocratisation doit se poursuivre et s’approfondir à tous les niveaux et en toutes circonstances. Face à la difficulté de poursuivre ce mouvement de démocratisation uniquement en laissant les gouvernements décider du rythme et du niveau d’approfondissement, les dirigeants africains ont collectivement décidé de donner un coup d’accélération au processus en créant un mécanisme supranational qui aura pour objectif de s’opérer au niveau national avec la participation de tous les représentants des partenaires au développement. L’objectif affiché est de promouvoir volontairement le changement de comportement et de fixer des objectifs fondés sur les bonnes pratiques régionales.
Le nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), instrument de l’Union africaine, est une institution de refondation des normes et standards de gestion performante des affaires publiques avec en filigrane la comparaison avec la meilleure performance de la sous-région ou du continent. Le NEPAD a créé en son sein, en octobre 2001, un mécanisme africain d’évaluation des pairs (MAEP) qui n’a pas d’équivalant outre-mer. Ce MAEP pourra-t-il évoluer vers l’instauration d’une gouvernance décentralisée tant au niveau des communes à l’intérieur des pays, qu’au niveau d’une régionalisation aux niveaux des communautés économiques régionales ou sous-régionales ? Il s’agit, de manière originale de trouver des solutions africaines à la médiation des conflits, d’encourager le processus de démocratisation selon un rythme accepté et validé par les acteurs eux-mêmes et d’appuyer le processus de croissance économique accélérée et partagée. Ce mécanisme mérite de s’exporter en ALC afin de bénéficier en retour du nouveau souffle de prise en charge du destin commun en ALC.
L’idée du NEPAD n’est pas originale puisqu’elle repose sur les pratiques anciennes de démocratie villageoise en Afrique[7]. Elle véhicule d’ailleurs le même défaut majeur ancestral. Cette pratique nécessite beaucoup de temps, qui lui-même est considéré comme un « instrument » qu’il ne convient pas « d’apprivoiser », selon la tradition africaine. Dans un monde globalisé où les rapports entre le global et le local sont de plus en plus conflictuels, le non-contrôle du facteur temps dans toutes initiatives de structuration et d’adhésion de la population peut s’avérer contre-productif. En effet, tout consensus obtenu, mais mis en œuvre en décalage avec les pratiques du marché global, risque de n’avoir qu’un effet mitigé sur l’évolution réelle des bonnes pratiques. C’est donc plus l’organisation de la flexibilité et la capacité à mettre en place un système de mise à niveau systémique des pratiques en comparaison avec les progrès des voisins géographiques ou sectoriels qui pourront permettre véritablement au NEPAD/MAEP d’atteindre les objectifs d’amélioration de la gouvernance économique, sociale et institutionnelle en Afrique. Ce n’est alors que face à des résultats tangibles que ces mécanismes pourront trouver des échos en guise de « bonnes pratiques » en ALC ou ailleurs. Alors seulement, la renaissance panafricaine (Africains et Amérindiens) viendra compléter les efforts disparates d’améliorer du bien-être des populations en déficit de capacité d’influence.
1.3 Les ressorts d’une capacité d’influence du Sud
Dans un processus d’accumulation basée sur la concurrence, le modèle qui a prédominé pour la création de richesses reposait principalement sur la dotation-spécialisation et les capacités des acteurs organisés en groupes de s’organiser pour innover. Ce modèle appliqué au pays en développement dans le cadre de la mondialisation des économies devient plus complexe à mettre en œuvre du fait de l’interconnexion des marchés et des acteurs grâce à la révolution des technologies de communication et des modes de transports de plus en plus performants. Une nouvelle dynamique est née où le processus de création de richesse basée sur la production passe par la valorisation de ressources de manière la plus efficiente sur un espace territorial réel ou virtuel et par l’organisation des rapports d’interdépendances positives que doivent entretenir les acteurs et les institutions vivant au sein de un espace qui doit graduellement s’attacher à mettre intégrer la culture de la performance dans sa culture traditionnelle.
Les rapports d’influence réciproque et donc l’organisation des pouvoirs d’influence sont fondamentaux pour expliquer et promouvoir ces nouveaux espaces de développement et de progrès. En prenant comme espace les régions, il est possible à partir de ressources non-génératrices de revenues comme les investissements directs étrangers, les dons excluant les fonds liés à l’assistance technique accordée à un pays, les investissements en portefeuille et les apports financiers de la Diaspora de se faire une idée approximative des capacités d’un pays à organiser sa capacité d’influence réduite ici à un effet de levier économique. La capacité à générer, à maintenir dans le long terme les flux des principales ressources non génératrices d’endettement et mesurer par un indice de la capacité d’influence permet de développer une nouvelle image de la gouvernance sous-jacente à la création de richesse dans le pays.
En comparant les régions en développement à partir de l’indice de la capacité d’influence basée sur les principales ressources non génératrices d’endettement, il est possible de donner le profil de la capabilité économique d’un pays à utiliser comme levier économique pour se développer. Les lectures sont multiples (voir tableau 1).
Les comparaisons entre régions ou pays se fait à partir de l’année de référence, 1980 qui voit l’ALC arriver en tête avec une capacité d’influence supérieure à la moyenne des pays et des régions en développement. La comparaison entre 1980 et 2003 par régions ou pays et entre régions ou pays est un témoin de l’évolution positive ou négative de la capacité d’influence. Il importe que le pays ou la région puisse avoir un indice de 2003 supérieur à l’année de référence pour conclure à une progression (voir colonne de la tendance). Alors que l’ensemble des pays en développement doublait leur capacité d’influence (de 1 à 2,22), l’Afrique subsaharienne stagnait avec un indice de la capacité d’influence inchangé (0,32) entre les deux périodes. Au cours de la même période, la région Amérique latine et les Caraïbes a progressé de 56 % en terme de capacité d’influence alors que l’Asie région Est et Pacifique a tout simplement décollé avec un bond de 718 %, largement au-dessus de la progression moyenne de l’ensemble des pays en développement estimé à 122 %.
Au niveau des pays choisis, il importe de noter en Afrique le cas de la Côte d’Ivoire qui a régulièrement perdu de sa capacité d’influence en 23 ans bien avant la séparation du pays en deux. La bonne performance de la Tunisie avec un indice de capacité d’influence de 5,97, 2,6 fois supérieure à la moyenne des pays en développement et 20 fois supérieure à la moyenne de l’Afrique subsaharienne en 2003. L’arrivée du pétrole en Guinée Equatoriale ne passe pas inaperçue avec un ICI passant de 0 en 1995 à 30,83 en 2003. Justement, le pétrole ne garantit justement pas une capacité d’influence forte puisque le Nigeria après avoir bénéficié d’apports massifs en terme d’investissements étrangers directs en 1980 est passé d’un ICI de 133,6 en 1980 à 9,44 en 2003.
Tableau 1 : Indice de la capacité d’influence de régions et pays en développement1980, 1994, 1995, 2003, 2004 |
|||||||
1980 | 1994 | 1995 | 2003 | 2004 | Tendance 1980-2003/4 | ||
Régions en développement | |||||||
Afrique subsaharienne | 0,32 | – | 0,15 | 0.30 | 0,32 | = | |
Amérique latine et les Caraïbes | 4,95 | – | 3,95 | 8,00 | 7,735 | + | |
Asie région Est et Pacifique | 1,47 | – | 5,60 | 9,77 | 12,03 | + | |
Tous les pays en développement | 1 | 1,36 | 1,47 | 2,26 | 2,22 | + | |
Pays en développement – Afrique 2003 | |||||||
Afrique du Sud | Nd | Nd | 12,88* | 4,04 | – | ||
Botswana | 1,1 | 1,74 | 3,25 | 27,80 | + | ||
Côte d’Ivoire | 2,70 | 0,03 | 0,04 | 0,50 | – | ||
Ghana | 0,35 | 0,9 | 0,55 | 0,12 | – | ||
Guinée Equatoriale | 0 | 0,59 | 0,015 | 30,83 | + | ||
Maroc | 4,0 | 2,6 | 6,18 | 7,05 | + | ||
Nigeria | 133,6 | 12,4 | 11,38 | 9,44 | – | ||
Togo | 0,67 | 0,07 | 0,035 | 0,33 | – | ||
Tunisie | 6,79 | 3,91 | 5,12 | 5,97 | – | ||
Pays en développement – Amérique latine et les Caraïbes | |||||||
Argentine | 160 | 45,74 | 19,65 | 19,19 | – | ||
Brésil | 51,18 | 39 | 57,65 | 66,65 | + | ||
Haïti | 1,08 | 0,07 | 0,004 | 2,15 | + | ||
Mexique | 75 | 114,5 | 110,11 | 288,37 | + | ||
Pays en développement – Asie région Centrale et Sud-Est | |||||||
Chine | Nd | Nd | 63,63* | 62,62 | = | ||
Inde | 1,10 | 4,22 | 3,25 | 6,98 | + | ||
Indonésie | 1,08 | 6,69 | 12,90 | 4,22 | + | ||
Malaisie | 88 | 61,8 | 274,97 | 184,21 | + | ||
Thaïlande | 0,75 | 1,35 | 11,86 | 38,44 | + | ||
L’indice de la capacité d’influence (ICI) est déterminé à partir d’une formule composite basée sur les ressources non génératrices d’endettement : ICI = Ratio A + Ratio B + Ratio C + Ratio D divisé par 4
Ratio A = Investissements étrangers directs nets sur dons Ratio B = Investissement en portefeuille sur dons Ratio C = Apports de la Diaspora sur dons Ratio D = Profits sur investissements étrangers directs nets sur dons Nd : données non disponibles * : Données de 1997 (1995 non disponibles) Source : A partir de Yves Ekoué Amaïzo, De la dépendance à l’interdépendance : mondialisation et marginalisation : une chance pour l’Afrique ? Editions L’Harmattan, Paris, 1998, p. 425 ; données extraites de World Bank, World Debt Tables, 1996, et World Bank, Global Development Finance 1997 et 2005. |
En mettant en perspective ces résultats avec ceux de quelques pays d’ALC, il est possible de rappeler la crise en Argentine qui se retrouve après une chute sévère (ICI passant de 160 en 1980 à 19,19 en 2003) à ne représenter qu’un tiers de la capacité d’influence du Brésil en 2003 alors que la situation était justement l’inverse en 1980. La proximité du marché américain et les accords de libre-échange facilitant les délocalisations ont permis au Mexique de se retrouver avec un ICI extrêmement élevé avec 288,37, correspondant à un quadruplement de son influence en 1980.
En Asie, la performance de la Malaisie est remarquable en 2003 passant d’un ICI de 88 en 1980 à 184,21 malgré une meilleure performance en 1995 avec 274,97. Il apparaît que l’organisation d’espaces agglomérés locaux avec des pays disposant d’une capacité d’influence importante ne peut que produire des effets bénéfiques en terme de développement local et de progrès social.
Toute amélioration collective de la capacité d’influence des pays du Sud passe par des nouvelles formes de coopération et d’agglomération en privilégiant les activités et les acteurs qui contribuent au progrès à partir de ressources non génératrices d’endettement. Le rôle de la Diaspora sous toutes ses formes, transferts de fonds, diffusion du savoir et du savoir-faire et création de capabilités nouvelles sont à promouvoir. Le rôle proactif et non réactif du gouvernement du pays d’accueil à favoriser cette tendance, dans des espaces sous-régionales et dans le cadre de coopération inter-régions, constitue encore un défi à relever pour relancer l’esprit de la coopération Sud-Sud… Des projets d’envergure comme la gestion commune des ressources pétrolières et ses dérivées industrielles « Pétrosud », la création d’un système d’information et de télévisions au service des populations « Telésud », la création d’un système d’accès au crédit adapté aux besoins des pays du sud, « la banque du sud » et un système d’acquisition et de transmission du savoir et de la connaissance au travers de « l’Université du sud » peuvent permettre d’initier la démarche de la coopération entre les peuples africains et amérindiens. Ces propositions émanent du président vénézuélien Hugo Chavez, officialisés au cours de son discours prononcé devant les chefs d’Etat africains présents au 7e sommet de l’UA[15] qui s’est tenu à Banjul, en Gambie. Ces projets n’ont de chance de devenir opérationnel, de garantir un progrès social et d’améliorer les conditions de vie des populations que si la coopération inter-régions et l’agglomération des compétences et des expertises avec une présence massive de la Diaspora et des intellectuels sont institutionnalisées. Il importe donc de créer ou d’identifier les institutions d’Afrique et d’ALC qui pourront jouer ce rôle de catalyseur.
1.4 Economie de l’agglomération : refondation des institutions d’appui
L’importance du rôle des institutions d’appui a souvent été négligée par les instances décisionnelles étatiques en Afrique et en Amérique latine au cours des 4 dernières décennies. Avec la guerre froide, les thèses de l’économie basée sur le « libéralisme » et celle basée sur la « solidarité » s’opposèrent. Pourtant, lorsqu’on tente d’intégrer un de pragmatisme, le rôle des acteurs y compris l’Etat semblent minimiser le rôle des institutions notamment celles qui apportent des informations que le marché et l’Etat ne peuvent apporter ou celles qui tendent de compenser les insuffisances du marché. Aujourd’hui, les institutions sont devenues incontournables principalement du fait de la complexité du jeu des acteurs dans un système de segmentation-fragmentation de la production et de la commercialisation des biens et services dans un monde interdépendant. S’il est préférable d’y introduire de la démocratie dans le choix des acteurs décisionnels, il importe aussi de bien distinguer entre au moins deux types d’association :
- celle où l’agglomération des acteurs se fait de manière fortuite du fait de la proximité géographique;
- celle où l’agglomération est voulue, encouragée et repose sur une volonté de maîtrise de la complexité. Cela se fait par le biais d’une spécialisation des acteurs autour d’un ensemble d’activités fonctionnant comme un pôle de compétitivité. Cela peut aussi apparaître sous la forme d’un besoin de répondre à une norme ou une spécification, ce qui conduit l’ensemble des acteurs au développement à joindre leur effort pour atteindre le résultat recherché.
Ainsi, le rôle moteur d’interface des responsables des institutions qui se retrouvent au carrefour de l’information, de la communication, de la cohésion et la complémentarité et de l’évolution de ce système de l’agglomération se doit de reposer sur des institutions dont la mode de fonctionnement et le mode opératoire demande souvent une maîtrise du global et du local. La Diaspora et les élites ayant un savoir, un savoir-faire et une expérience à partager sont souvent les mieux placés, mais malheureusement, les plus souvent absent. Il y a donc un effort particulier à faire quant à la transparence dans le système de sélection des élites afin d’éviter justement de tomber dans le travers des élites organiques. Ce préalable est d’autant plus important qu’il s’agit d’organiser et de faire adhérer aux règles de la compétitivité au niveau micro-économique, là où justement se fait la création de la valeur ajoutée et des richesses. Ceci concerne à tous les échelons et implique les acteurs aussi divers que le gouvernement, les entreprises, les associations, les centres du savoir et de la connaissance y compris les universités et les institutions d’appui.
Il est communément accepté aujourd’hui que la création des avantages comparatifs ne réside plus nécessairement et uniquement au niveau d’une structure isolée dans son contexte comme l’entreprise ou l’Etat. Cela dépend aussi en partie de la participation active à une forme officielle ou officieuse de l’agglomération… Le succès partiel du secteur informel est en partie lié à cette forme d’agglomération. Si la participation dans une forme agglomération de complémentarité des actions, alors il n’y a pas de raison que la Diaspora ne soit pas présente puisqu’il est question d’organier l’économie non plus sur la base des facteurs de production mais en intégrant toutes les formes d’innovation et du savoir, souvent apporté rapidement grâce à des investisseurs locaux ou étrangers. Ces stratégies d’agglomération au niveau local avec la participation de la Diaspora devraient permettre aussi d’intégrer avec plus de chance de succès les pays les moins compétitifs dans un réseau inter-régional, bénéficiant ainsi des acquis et des meilleures pratiques d’ailleurs. Les apports de l’ALC ne peuvent qu’être complémentaires puisqu’il est de plus en plus question de la création de richesse dans le cadre de chaînes de valeur sans frontières.
C’est en cela que la compétition au sein de la zone aggloméré soutenu par les institutions d’appui servira d’effet de levier pour mieux se positionner dans la chaîne de valeur mondiale. Une collaboration entre l’Afrique et la région ALC ne peut que contribuer à l’émergence des espaces de maîtrise du processus productif et de commercialisation sur le marché global. C’est dans ce cadre de mobilisation des synergies et d’espaces de liberté entrepreunariale qu’il convient d’attirer les membres de la Diaspora. Toute mesure d’accompagnement et d’incitation de la part du Gouvernement venant soutenir cette dynamique conduira inéluctablement à asseoir l’Etat dans sa nouvelle fonction de régulateur et de catalyseur des initiatives d’organisation d’une nouvelle capacité d’influence au niveau micro-économique. Il s’agit de créer les meilleures conditions pour faire émerger dans un espace de compétition saine de la productivité et de l’innovation. Cela ne peut se faire sans l’entreprise qui se retrouve au centre comme source de prospérité.
En réalité, il est question de s’éloigner de l’approche obsolète qui consiste à croire que dans la mondialisation économique, le progrès et la prospérité peuvent germer « principalement » à partir des seules ressources naturelles et de l’immobilier. La prospérité et le progrès aujourd’hui sont directement corrélés à un système d’agglomération d’acteurs se donnant comme objectifs de produire des biens et services de qualité à des fins de redistribution organisée de manière institutionnelle. Le rôle du Gouvernement en tant qu’agent permettant de créer un environnement prévisible et favorable pour le développement du secteur privé associant la Diaspora devient fondamental. Continuer à travailler isolément et en dehors d’un réseau et une agglomération est la voie royale vers une réduction accélérée de la capacité d’influence, précédée par des décroissances économiques et des arbitrages en terme de gouvernance discutables. Cette nouvelle stratégie de positionnement de l’espace aggloméré peut se faire à tous les niveaux : local (rural et urbain), régional, intra/inter-régional et global. L’une des conséquences immédiates de la mise en place d’une telle structure est souvent la fin graduelle de l’arbitraire et les décisions venant du haut vers le bas du fait de la non-performance des résultats obtenus avec de telles approches.
Créé en 1961, le groupe de pression “Acoplasticos”[16] était censé soutenir les intérêts du secteur manufacturier colombien spécialisé dans le plastic. Une vingtaine d’année après, le groupe de pression, véritable institution travaillant dans le cadre de réseaux du savoir et du savoir-faire s’est spécialisé en devenant de fait l’organisation « aggloméré » qui s’est fixé comme objectif non plus la défense des intérêts catégoriels mais plus largement la mise à niveau et l’amélioration de la productivité de l’ensemble des chaînes de valeur venant de près ou de loin contribuer à la productivité de la filière plastique et caoutchouc en Colombie Cette filière intègre des produits pétrochimiques, des fibres synthétiques, l’industrie de la peinture et des teintures et des encres… Très rapidement, cette institution travaillant dans le cadre de l’agglomération a trouvé nécessaire, à la demande pressante des membres, d’organiser des activités et de fournir des services dans des domaines connexes comme la mise à niveau technologique, les formations techniques et managériales, la promotion et la visibilité par le biais de foires internationales et nationales, des accords internes de type des achats groupés, des centres de coûts, une approche collective d’identification de l’information et sa diffusion.
Face à la compétition mondiale, Acoplasticos a opté pour une nouvelle approche pour la période de l’après 2002 en décidant d’améliorer et de rendre plus performant les liens au sein d’un système aggloméré qui dépasse de plus en plus les frontières nationales de la Colombie. Voici rapidement brossé, un groupe de pression qui évolue et devient un acteur incontournable de l’économie colombienne et même de l’économie mondiale compte tenu des nombreux contrats de sous-traitances qui ont permis au secteur caoutchouc et plastic de contribuer substantiellement à l’économie de ce pays. Le rôle de la Diaspora et des élites a été crucial notamment lors des diversifications et stratégies d’internationalisation. Cet exemple réussi de refondation des institutions locales venant en appui à la formation d’institutions organisant l’agglomération devrait petit à petit remplacer les « obsolètes » comités mixtes entre gouvernement d’Afrique et d’Amérique latine. La conjugaison de l’efficacité et la performance ne peut que donner des résultats positifs sur le retour d’une partie de la Diaspora africaine et amérindienne pour servir d’interfaces catalyseurs et créateur de croissance économique partagée à des fins de progrès social. Plutôt que d’opter pour l’économie libérale ou celle dite l’économie de « solidarité », il apparaît plus pragmatique d’opter pour la promotion d’une économie de l’agglomération. La gouvernance sous-jacente ne peut reposer uniquement sur la distribution si une certaine émulation ne vient pas créer de la valeur ajoutée et de la richesse.
1.5 Gouvernance de la compétitivité et pôles de compétitivité
Avec l’urgence de l’approche agglomération et un rôle croissant octroyé aux institutions, il s’avère difficile de ne pas remettre en cause le fâcheux automatisme consistant à transférer la gouvernance des entreprises une simple déclinaison de la gouvernance de la compétitivité[17]. Avec la gouvernance des entreprises, seules les actionnaires ont en fait le droit à la décision en dernier ressort. Rien n’exclut les erreurs grossières comme dans le cas de la falsification des comptes de l’entreprise dans le cas retentissant du groupe Enron aux Etats-Unis… Pris dans l’impératif de résultats dans le court terme, la compétitivité de long terme est souvent tout simplement oubliée. La gouvernance de la compétitivité traite principalement de la gouvernance structurelle et l’organisation de la capabilité de tous les acteurs participants à soutenir la compétitivité existante, à l’améliorer à des fins de retombées en terme de gains collectifs. Il s’agit principalement d’introduire de la prévisibilité dans la coordination des pouvoirs des ressources, de l’information et des capabilités innovatrices de la synergie ainsi créée par de nombreux acteurs, ceci dans le cadre d’une approche territoriale réelle ou virtuelle du développement économique et social et du progrès. Ce dernier point ne doit pas faire l’objet d’un réductionnisme en en limitant les effets à la réduction de la pauvreté.
La gouvernance de la compétitivité se propose de créer des pôles de compétitivité intra et inter-régionales avec la Diaspora et les élites non organiques jouant un rôle d’accélérateur du processus. Cette nouvelle stratégie de la compétitivité passe par :
- une acceptation du rôle clé du secteur privé et de l’entreprise dans les stratégies de croissance économique partagée et de création de la richesse ;
- la création et le renforcement des institutions d’appui réformées pour répondre aux besoins des entreprises ;
- de nouveaux modes de gouvernance de la compétitivité dans le cadre d’un système de décision distribuée et structurée du bas vers le haut basé sur le réseautage,
- l’agglomération, une organisation de liens « productifs » structurés autour de la complémentarité des compétences et le savoir où la veille et l’intelligence économique au service des acteurs du territoire aggloméré (réel ou virtuel) mettront à disposition des membres organisant la complexité de la création de la valeur ajoutée mettront la communication et la diffusion des informations et du savoir et des compétences au service du territoire aggloméré.
« La compétitivité structurelle », et la gouvernance de la compétitivité qui le sous-tend, est « une foule de petites choses qui donnent un avantage comparatif à certaines organisations, régions et districts ou pays »[18].
L’importance du processus d’agglomération se comprend aisément dès lors que l’on accepte que dans un système moderne et institutionnalisé d’organisation (entités productives), personne ne détient ou contrôle l’ensemble des segments de la connaissance et du pouvoir[19]. L’approche obsolète du haut vers le bas suppose des moyens coercitifs disproportionnés sans pour autant garantir des résultats tangibles et appréciables. Chacun des acteurs qui acceptent le principe de l’agglomération se doit d’imaginer des liens entre agents et groupes, entre secteurs et segments de la chaîne des valeurs. Ils doivent établir la confiance au sein d’institutions communes qui pourra identifier les besoins et trouver les solutions faisant l’objet de consensus et bénéficiant l’ensemble de la grappe (cluster) et du réseau. L’Etat devra retrouver sa fonction naturelle d’incitations permettant de le considérer comme un acteur proactif au service du groupe. La gouvernance de la compétitivité, gérer en réseautage aggloméré avec des acteurs déterminés à travailler ensemble pour une productivité et performance collective améliorée pose le problème de la responsabilité collective. Tout déni de responsabilité collective est un aveu d’échec à terme de la gouvernance structurelle et donc de l’économie dans son ensemble.
La gouvernance de la compétitivité répond au besoin d’une coordination plus efficiente entre des acteurs qui ont besoin d’avoir plus de liens (liens d’affaires, liens sociaux) pour créer l’espace de confiance nécessaire pour développer des visions à long terme et la promotion d’une compétitivité structurelle[20]. Pour résumer, il s’agirait d’identifier de mettre en œuvre les meilleures pratiques de gouvernance de la micro-économie entre plusieurs acteurs dont la capacité d’influence est à géométrie variable mais qui doivent prendre conscience de leur interdépendance pour survivre et réussir ensemble. Ainsi sans un système et de qualité de circulation de l’information mis à disposition des acteurs concernés et des règles du jeu claires, prévisibles, acceptées et respectées, l’agglomération comme système d’organisation aggloméré à des fins de création de valeur ajoutée, risque d’accoucher de « pathologies de gouvernance[21] ».
Celles-ci risquent de neutraliser l’effet de levier que devait constituer la capacité d’influence en gestation. Les attitudes corporatives ou celles qui augmentent les coûts de transaction, les pratiques culturelles contribuant à freiner l’organisation de la performance au sein de l’agglomération, une réelle adhésion à la transparence dans le jeu entre acteurs-partenaires aggloméré conduisent à la mise en place d’un tableau de bord et un mécanisme d’évaluation des pairs où les déterminants de la compétitivité et de la performance seront tout aussi important que les critères de participation proactive basée sur un système d’apprentissage permanent et une subsidiarité des pouvoirs de type polycentrique. Ce tableau de bord ne peut faire l’économie d’un système de veille et de programmation du futur prévisible notamment en terme d’innovation[22].
1.6 Pour un observatoire de la compétitivité, de la solidarité et de l’emploi décent
Au-delà d’une gouvernance d’un espace aggloméré au service de la population, il y a lieu de réconcilier sur le moyen-et long terme la réflexion et l’action. L’agglomération en peut être pérenne que si elle repose sur une certaine démocratie participative. Mais la concurrence sur les marchés internationaux, les avancées technologies et le fossé technologique qui en découle qui oppose les pays à capacité d’influence faible et ceux à capacité d’influence forte ne peut se résoudre que dans la programmation des sauts technologiques et la diffusion de ce savoir auprès des populations, notamment les zones rurales. Ainsi, toute relation pragmatique, durable et sérieuse entre l’Afrique et l’ALC ne peut faire l’économie de la création d’un réseau d’observatoire spécialisé permettant de discuter et programmer les trajectoires de l’innovation au lieu de se faire surprendre par les avancées venant d’ailleurs. Il y a donc lieu de financer un Observatoire (watch system) traitant de la compétitivité, de la solidarité et de l’emploi décent. Il est question d’organiser les étapes qui mènent de la veille à l’action.
Avec la puissance du virtuel et de l’Internet, il s’agira d’un réseau de centre du savoir, de la connaissance et du savoir-faire qui devra rapidement permettre d’aller vers un véritable marché de la complémentarité. Pour être concret, il faudra par exemple opérationnaliser une base de données entre l’ALC et l’Afrique. Il s’agira :
1) d’un répertoire de toutes les technologies simples d’appui aux populations vivant avec moins de 2 dollars US ($US) par jour ;
2) un répertoire inter-régional, couplé avec un système de transfert, de diffusion et de formation permanentes pour la mise en œuvre et la maintenance à des fins de production et d’échanges dans des espaces agglomérés ; le répertoire ira de pair avec la prolifération de centre de location d’équipements de « réduction de la pénibilité du travail » et une structure d’offres de services de proximité ; et
3) un système d’accès rapide à des fonds de la Diaspora ainsi qu’un accès moins bureaucratique au crédit y compris micro-crédit basé sur une forte décentralisation au sein d’un réseau d’institution existante ou à créer, membre d’une structure agglomérée inter-régionale. La mise en place d’un système de transfert de fonds gratuit doublé par un système d’affacturage (Factoring) avec des produits de facilitation financière devrait permettre réduire la pauvreté en un temps record si les gouvernements pouvaient rapidement prendre en charge les fonctions d’accompagnement que sont la mise à disposition d’infrastructure de communication physique et virtuelle, une amélioration de l’environnement juridique et légal des affaires, une transparence dans les alternances politiques permettant de garantir la stabilité et la prévisibilité des investissements ainsi consentis ;
4) Une adhésion des membres à une organisation représentative acceptant de s’éloigner de l’approche défensive de type catégorielle pour relever le défi de l’agglomération et rechercher les opportunités de performance et de progrès offertes par les synergies nouvelles identifiées entre l’Afrique et l’Amérique latine et les Caraïbes.
2. Afrique-Amérique latine et les Caraïbes : complémentarité et solidarité
2.1 Diaspora, migration et concentration
Avec les images fournies par les médias sur les travailleurs africains menottés et renvoyés manu-militari chez eux, une image globale du processus migratoire du Sud vers le Nord a pris corps. Le refoulement apparaît à sens unique, alors que la réalité est tout autre. Lorsque les élites africaines ou amérindiennes s’établissent à l’extérieur, volontairement ou pas, dès lors que le marché en ressent le besoin, le retour vers le Sud est plus laborieux. La libéralisation des marchés et la libre circulation ne concernent donc pas tous les individus, surtout ceux du Sud s’ils ne sont pas désirés. Si encore le plein emploi permettait de croire à l’eldorado rêvé au Nord, alors la migration à sens unique pourrait se comprendre. En réalité, il s’agit d’un marché comme un autre où l’offre et la demande ne se complète pas au point de faire passer l’interventionnisme étatique comme indispensable pour juguler le flux non prévisible des migrants.
Les pays du Sud ne peuvent rester insensibles, ni voir l’essentiel de leurs cerveaux et leurs talents être aspirés par les grandes sociétés du Nord. L’approche de l’agglomération dans le cadre de pôles de compétitivité dans les pays du Sud peut servir à refonder complètement la relation entre le pays du Nord et les Diasporas d’Afrique et d’Amérique latine et les Caraïbes. En effet, si la priorité est mise sur les problèmes économiques, rien n’explique pourquoi les Diaspora à l’étranger fonctionne souvent en vase clos. L’agglomération de la Diaspora des pays du Sud s’est faite partiellement au cours des études universitaires dans les pays du Nord et ne s’est pas poursuivie. Il faut retrouver cet élan au niveau
Avec un grand nombre de médecins, d’ingénieurs, d’infirmières, d’informaticiens, etc. des pays du Sud phagocytés par les firmes du Nord, on a à faire à un véritable détournement de fonds car ces professionnels ont financé leur formation et acquis leur savoir à leur frais et souvent dans l’environnement des pays du Sud qui globalement considère ceci comme un investissement. Si le retour sur investissement se fait dans les pays du Nord, il s’agit véritablement d’une perte sèche pour les pays du Sud. En y rajoutant les années et l’expérience, ce retour sur investissement pourrait se diffuser dans et au profit des pays du Sud si des politiques locales attractives sont conçues pour captiver cette Diaspora qui détient une grande part du savoir, de l’expérience, du savoir-faire, du talent et les contacts.
Faut-il rappeler qu’en 2000, une personne sur 35 est un migrant au plan global et que le nombre total des migrants avoisinent les 175 millions de personnes, soit près de 2,9 % de la population mondiale. Plus de 48 % sont des femmes et qu’entre 1965 et 2000, le nombre des migrants est passé de près de 70 millions à 175 millions. En terme de répartition, c’est l’Europe qui a accueilli près de 56,1 millions personnes, suivi par l’Asie avec 49,7 millions et l’Amérique du Nord avec 40,8 millions de personnes. Le nombre des Africains migrants s’élève à 16,2 millions de personnes, soit 2,1% de la population du continent. Ce nombre est plus élevé pour l’Amérique latine et les Caraïbes : 5,9 million de personnes, soit 1,1 % de la population. La plus grande partie de la population mondiale de migrants se trouvent en Océanie-Pacifique avec 19,1% de la population mondiale, suivie par l’Amérique du Nord avec 13% et l’Europe, 7,7%[23].
Depuis 1995, les pays accueillant le plus d’immigrants sont les Etats-Unis avec 16,7 millions suivis par l’Arabie saoudite 3,4 millions et l’Inde, 3,3 millions. Du côté des émigrants, c’est le Mexique qui est en tête avec 6 millions, Bengladesh, 4,1 et Afghanistan avec 4,1 millions[24].
Les transferts de revenus des migrants vers leur pays d’origine tend à devenir une source importante de revenu national d’un pays. L’Inde recevait près de 11,5 milliards de $ US, le Mexique 6,5 milliards et l’Egypte 3,7 milliards en provenance de la Diaspora. Les flux informels ne sont pas comptabilisés. Pourtant, au cours des 20 dernières années, le volume total des transferts de la Diaspora vers les pays africains a souvent égalé ou dépassé le volume de l’aide au développement et l’investissement étrangers direct notamment par exemple l’Egypte, le Nigeria, le Maroc, la Tunisie le Mali, en Afrique ou le Mexique et Haïti en Amérique latine et les Caraïbes (voir tableau 2).
Tableau 2 : Transferts financiers officiels de la Diaspora vers les régions et pays en développement,Investissement étrangers directs et Dons (excluant assistance technique)1980 – 2003/2004, en millions de $US |
||||||||
Investissement étrangers directs | Dons excluant assistance technique | Transfert de la Diaspora | ||||||
1980 | 2004 | 1980 | 2004 | 1980 | 2004 | |||
Régions en développement | ||||||||
Afrique subsaharienne | 178 | 11 300 | 3 616 | 24 216 | 1 396 | 6 104 | ||
Amérique latine et les Caraïbes | 6 361 | 42,400 | 426 | 3 195 | 1 921 | 36 920 | ||
Asie région Est et Pacifique | 1 369 | 63 600 | 1 131 | 2 738 | 1 079 | 20 259 | ||
Tous les pays en développement | 9 588 | 165 500 | 12 822 | 47 422 | 17 067 | 125 836 | ||
Pays en développement – Afrique 2003 | ||||||||
1980 | 2003 | 1980 | 2003 | 1980 | 2003 | |||
Afrique du Sud* | 3 811* | 820 | 200* | 306 | 206* | 436 | ||
Botswana | 111,6 | 86,3 | 50,6 | 14,9 | 77 | 27 | ||
Côte d’Ivoire | 95 | 180 | 27 | 284 | 32 | 141 | ||
Ghana | 16 | 137 | 22 | 414 | 1 | 65 | ||
Guinée Equatoriale | 0 | 1430,7 | 1,4 | 11,6 | 0 | 0 | ||
Mali | 2 | 129 | 104 | 294 | 59 | 138 | ||
Maroc | 89 | 2 279 | 75 | 230 | 1 054 | 3 614 | ||
Nigeria | -739 | 1 200 | 3 | 111 | 22 | 1 677 | ||
Togo | 43 | 20 | 29 | 34 | 10 | 103 | ||
Tunisie | 235 | 541 | 26 | 98 | 319 | 1 250 | ||
Pays en développement – Amérique latine et les Caraïbes | ||||||||
Argentine | 678 | 1 020 | 2 | 37 | 56 | 253 | ||
Brésil | 1 911 | 10 144 | 14 | 82 | 111 | 2 821 | ||
Haïti | 13 | 8 | 30 | 95 | 106 | 811 | ||
Mexique | 2 090 | 10 783 | 14 | 25 | 1 039 | 14 595 | ||
Pays en développement – Asie région Centrale et Sud-Est | ||||||||
Chine | 3 847** | 53 505 | 266** | 332 | 124** | 4 625 | ||
Inde | 79 | 4 269 | 649 | 606 | 2757 | 17 406 | ||
Indonésie | 180 | -597 | 109 | 283 | 0 | 1 489 | ||
Malaisie | 934 | 2 473 | 6 | 14 | 14 836 | 122 025 | ||
Thaïlande | 190 | 1949 | 75 | 50 | 383 | 1 601 | ||
* : Données de 1997 (1980 non disponibles) – ** Données de 1990
Source : World Bank, Global Development Finance 2005. |
Par contre, les travailleurs avec le plus de compétences ou de talents partent ou sont attirés vers les Etats Unis, plus de 380 000 en 1999, 129,000 pour le Japon en 2000, 86 200 pour le Canada, 39 000 pour le Royaume Uni en 2000, 30,000 pour l’Australie et 11,800 pour l’Allemagne entre 2002-2001.
2.2 Opérationnaliser le paradigme de l’interdépendance
A la différence de la nouvelle approche qui vient de l’Orient où certains pays comme la Chine souhaite promouvoir l’interdépendance avec l’Afrique en faisant fi de l’environnement politique, il convient de rappeler que la démocratie et les droits humains sont indissociables et interdépendants. Derrière les normes et le droit, c’est tout un cadre de promotion, de protection et d’épanouissement du citoyen qu’il convient de ne pas sacrifier sur l’autel du commerce des matières premières sans création de valeur ajoutée. Pourtant, tout progrès économique et social passe par la création de valeur ajoutée. Il est mondialement accepté que les pays qui ont expérimenté ou promu l’agglomération des acteurs et des institutions à des fins de création de valeur ajoutée, sont aussi les pays qui ont pu développer leur capacité d’influence et satisfaire les besoins essentiels de leur population.
Faut-il rappeler en guise d’exemple que la Colombie a vu son indice de capacité d’influence basée sur les ressources non génératrices d’endettement s’améliorer substantiellement en passant de 11,72 en 1980 à 15,34 en 2003[25] notamment grâce à un apport substantiel de la Diaspora qui a promu les normes, l’éthique, le droit et l’agglomération comme cadre de promotion du développement au service de la population. Il ne faut pas essayer donc d’exporter ou de promouvoir un modèle particulier de démocratie puisqu’il n’y a pas de modèle unique, encore moins de système représentatif universel. Les élites y compris ceux de la Diaspora doivent alors puiser dans leur propre histoire, dans leurs traditions et culture pour construire les institutions et les modèles démocratiques adaptés. Il s’agit d’un processus itératif que le monde extérieur peut ou peut ne pas soutenir compte tenu des conséquences directes sur l’autodétermination notamment sur le plan économique et politique.
La combinaison de structures locales et normes internationales et expériences de gouvernance provenant de la Diaspora ne peuvent qu’élargir le champ des valeurs qui vont faire progresser la société vers un état de droit avec plus de justice et de solidarité dans la répartition des richesses dans le pays. Si beaucoup d’attention est portée sur la gouvernance politique, il importe de s’assurer que la démocratie intègre aussi la gouvernance de la compétitivité, l’espace où les synergies entre acteurs, institutions locales et globales peuvent se neutraliser au lieu de produire de la valeur ajoutée. La participation. le contrôle par les acteurs participant à l’espace aggloméré et le débat contradictoire public reposant sur les faits et la science sont des facteurs déterminants dans l’opérationalisation du paradigme de l’interdépendance dans un espace aggloméré. Le devoir de vigilance s’impose tant pour préserver l’harmonie à l’intérieur du système de l’agglomération que pour prendre en compte les développements positifs ou négatifs provenant du monde extérieur. L’observatoire de la compétitivité, de la solidarité et de l’emploi décent devrait pouvoir remplir ce rôle en tant qu’institution publique-privée avec la participation de la Diaspora.
Promouvoir la démocratie à l’intérieur d’un espace aggloméré constitue une garantie pour une amélioration des conditions de vie de tous les acteurs, y compris les bénéficiaires des retombées en terme de valeur ajoutée et de revenus distribués.
Il n’y a pas d’opposition entre une économie de l’agglomération, le progrès social et économique et la démocratie. Bien au contraire, ils sont interdépendants et se renforcent mutuellement. Il faut donc lutter sur tous les fronts à la fois pour multiplier la création, le renforcement, le développement et l’expansion par cercles concentriques d’espaces fondées sur une économie de l’agglomération où acteurs et institutions se complètent au lieu de s’opposer. Le rôle des médias est essentiel dès lors qu’il n’y a pas de monopole de l’information par l’Etat ou un groupe privé puissant.
2.3 Coopération interrégionale et économie de proximité : rédiger une charte de l’agglomération
Pour réussir la formation d’espaces ou de zones économiques agglomérés (ZEA) et promouvoir une économie de l’agglomération basée sur une gouvernance de la compétitivité, il importe de mettre en place une plate-forme de coopération Afrique/Amérique latine et les Caraïbes où seront mis en exergue les expériences pratiques réussies, la liste des technologies, méthodes et autres savoir-faire utilisées, un représentation diversifiée des acteurs afin d’élaborer une charte de l’agglomération où coopération interrégionale et économie de proximité seront promues.
La charte de l’agglomération devra favoriser l’échange des talents, des compétences, des acteurs dotés d’un projet opérationnel. L’approche sera basée sur la méthodologie « gagnant-gagnant » et devra reposer sur la démarche du bas vers le haut (bottom-up approach) où les bénéficiaires auront librement pu s’informer avant d’accepter l’ingérence positive d’acteurs nouveaux, porteurs d’une valeur ajoutée à partager et fondatrice d’une nouvelle prospérité économique et un mieux-être social.
Les acteurs, les institutions et les projets qui émergeront doivent absolument reposer sur une démarche de recherche de synergies dans un espace aggloméré, rappeler les modalités concertées de l’amélioration de la performance et démontrer la capacité à générer une productivité accrue et à la portée des populations concernées.
Le rôle de l’Etat est indispensable. Il sera demandé justement de soutenir le processus en offrant de manière prévisible des améliorations en terme de réduction de coûts de transaction, d’accès à l’énergie et de manière générale, l’organisation et la sécurisation des infrastructures de bien-être comme l’hygiène, la santé, la justice, l’administration territoriale, la propriété, etc.
Le financement du projet d’agglomération sera public-privé. L’initiative devra provenir de préférence des acteurs intéressés eux-mêmes afin de garantir l’appropriation (ownership) et d’en assurer une pérennisation dans la gestion quotidienne.
La charte de l’agglomération ne constitue que le point de départ d’un processus de codification et de diffusion des instruments (légaux, scientifiques, technologiques, management, etc.) venant en appui à l’amélioration de la compétitivité, de la productivité, de la performance et de la modernisation structurelle des économies d’Afrique et d’Amérique latine et les Caraïbes.
Pour démarrer, il y a lieu de constituer un comité mixte Afrique-Amérique latine sur une base sectorielle (chaîne de valeur agroalimentaire (igname et tubercules associés par exemple) ou d’un projet transversal (formation pratique, organisation d’un conseil collectif lors des rééchelonnements de dettes ou encore création d’institution d’appui financier par exemple). La structuration du processus sera publique et fera l’objet d’une mise en ligne sur l’Internet pour permettre aux nombreux talents et experts et professionnels de la Diaspora comme des pays de se manifester pour promouvoir les projets d’agglomération.
Une fois cette étape franchie, il faudra identifier les financements prévisibles. Les autorités des pays d’Afrique et d’ALC doivent marquer leur adhésion de principe à cette approche par :
- une contribution substantielle de 0,1% de la taxe collectée par le gouvernement central,
- une contribution spéciale sur la recette exceptionnelle provenant des hydrocarbures et des matières premières,
- au moins 1% du budget affecté aux dépenses militaires devrait être redirigé vers les projets d’agglomération avec une participation active des militaires dans les opérations liées à la logistique et l’infrastructure,
- des frais lié à la qualité de membre de l’espace aggloméré, ce qui fera office d’adhésion à la Charte de l’agglomération,
- toutes contribution volontaire provenant de sources autorisées et vérifiables, et en
- une garantie pour la transférabilité des pensions et des prestations maladie sans pertes financières pour les hommes et femmes de la Diaspora afin de faciliter leur retour physique dans les pays du Sud[26] et une reconversion dans des activités entrepreneuriales.
Cette proposition pourrait faire l’objet d’une élaboration plus approfondie et faire l’objet d’une résolution officielle lors de l’une des prochaines réunions régulières ou extraordinaires des chefs d’Etat d’Amérique latine et les Caraïbes et d’Afrique. Un sommet Afrique-Amérique latine et Caraïbes pourra servir de rampe de lancement où chaque chef d’Etat remplacera son discours par une présentation d’une approche, d’une technique, d’une technologie, d’un droit intellectuel, etc. qui viendra soutenir cette nouvelle économie de l’agglomération en émergence. La prochaine conférence portant sur la Diaspora et les intellectuels devra alors rendre compte des progrès et approfondir et dupliquer les expériences réussies.
2.4 Du visa Diaspora au Passeport Diaspora
Pour réussir promouvoir une économie de l’agglomération, il convient de faciliter la circulation des Africains et des Amérindiens au sein de l’espace commune panafricaine. Le pragmatisme commande qu’un système de passeport de la Diaspora soit mis en place sur la base de condition précise de contribution à l’économie de l’agglomération. En attendant cette échéance, il semble plus rapide et pragmatique d’opter pour un visa Diaspora.
A ce titre, il faut rappeler l’expérience réussie du Ghana[27] qui voit dans le visa Diaspora, délivré à l’arrivée (au Ghana) à toute personne considérée comme Diaspora par les autorités ghanéennes, un moyen efficace de promouvoir, entre autres choses, son tourisme. En effet, entre 1995 et 2004, les recettes provenant du tourisme sont passés de 30 millions de $US à 495millions de $US, soit une évolution pour la même période de 1,9% à 14,2% des exportations ghanéennes. C’est en 2007 que le visa spécial pour les Africains considérés comme membre de la Diaspora se verront accorder un accès libre et sans frais au Ghana sans avoir besoin d’un visa ordinaire chaque fois qu’ils viendront au Ghana. Cette annonce a été faite par le Ministre du tourisme et des relations avec la Diaspora, Mr Jake Obetsebi-Lamptey le 22 novembre 2005. Cela n’exclut pas la possibilité d’obtenir aussi la double nationalité pour ceux qui souhaite faire des investissements de long terme.
Plus profondément, il s’agit là d’une initiative proactive de favoriser le retour des descendants d’esclaves africains qui ont été enlevés, vendus de force sur la côte de l’Afrique de l’Ouest. Nombreux sont-ils au Brésil, au Pérou, dans les Caraïbes, etc… Il est donc suggéré qu’avec la renaissance des relations entre l’Afrique et l’Amérique latine et les Caraïbes, le visa spécial Diaspora soit étendu à l’ALC. Mais au delà d’une action légitime du gouvernement ghanéen, n’est-il pas temps que les chefs d’Africains, au moins ceux de l’Afrique de l’Ouest félicite cette action déterminante d’agglomération de la part des autorités ghanéennes et se l’approprient en optant pour un visa CEDEAO (communauté économique et de développement de l’Afrique de l’Ouest) en attendant que les autres institutions sous-régionales enclenchent la marche ?
Cette initiative, qui s’inscrit en ligne droite avec l’économie de l’agglomération et de rapprochement des liens de proximité, est originale pour une autre raison. Le nombre de talents, d’experts, de métiers, de savoir et de savoir-faire des Africains qui sont disponibles à l’extérieur du continent africain doivent aussi pouvoir servir à développement le continent et servir à l’unité africaine[28], celle qu’avait rêvé Kwame N’Krumah[29], le premier président et père de la nation ghanéenne. Le gouvernement ghanéen s’est engagé à ne pas interférer dans la gestion de ce projet intitulé : « Akwaaba Anyemi », ce qui signifie « Bonne arrivée, parent[30] ».
Ce projet sera transféré et géré par une organisation de la société civile afin d’éviter que des changements de gouvernements n’affectent cette décision qui fonde une forme d’agglomération stratégique avec la Diaspora africaine. Il est prévu le 23 août 2007 une cérémonie d’ « expiation » et de « pardon » suivie par un concert de « guérison »… Au-delà de la cérémonie, c’est l’anomalie consistant dans le fait que des peuples retenus en esclavage et en exploitation et colonisation durant plus de 400 ans ont vu leur force de travail transformé en richesse dans les pays du Nord et ailleurs. Il ne faudra pas que les gouvernements africains mettent des obstacles inutiles aux nombreuses opportunités qui sont en train de s’ouvrir pour que l’investissement étranger direct. Les possibilités sont aussi nombreuses de faire investir la Diaspora africaine et amérindienne en Afrique, si l’Afrique promeut des espaces agglomérés sur la base de la performance et la réduction de la volatilité et du risque.
Une discussion en les responsables africains ne charge des problèmes des visas et des passeports sous l’angle de l’agglomération et des synergies et non pas uniquement de la sécurité du territoire serait conseillée.
2.5. Pôles de compétitivité et d’emplois : des agglomérations économiques innovantes
Il est urgent d’obtenir un consensus entre les décideurs politiques d’Afrique et d’ALC sur le besoin d’accepter la compétitivité comme un outil de progrès et de réduction de la pauvreté. Ainsi, la compétitivité de l’économie dans les zones rurales ou urbaines, dans la ville ou la région n’est que la résultante des acteurs et institutions qui organisent leur intelligence de manière plus ou moins conjuguée pour contribuer à la prospérité du pays ou de la région. Qu’il s’agisse de régions isolées ou régions transfrontalières ou entre espaces physiques éloignés mais proches par la révolution de la communication digitale, les progrès les plus significatifs en terme de création de valeur ajoutée et d’innovation se sont fait dans des espaces agglomérés. Il importe donc d’organiser et de renforcer la compétitivité des espaces agglomérés tant dans les pays qu’entre les pays et les régions d’Afrique et d’ALC. Sur le plan politique, il s’agira d’organiser la coordination d’un co-développement et d’un développement inter-régional basés sur une gouvernance de la compétitivité et des approches innovantes.
Avec des moyens financiers de plus en plus restreints, il importe de faire reposer l’efficience dans les investissements publics sur la coordination et les synergies entre les divers niveaux de création de la valeur ajoutée et de la richesse. Cela contribuera d’ailleurs à un meilleur équilibre entre les régions à l’intérieur d’un même pays et permettra de mieux programmer la réalisation d’infrastructure de bien-être au service de l’ensemble de la population. Ces infrastructures de bien-être sont souvent des vecteurs privilégiés de la cohésion sociale en offrant les mêmes chances d’accès au service public à tous.
De plus, le rôle de l’Etat devrait se fondre dans le rôle de soutien du secteur privé en renforçant les institutions et les déterminants de la croissance économique partagée où formation, diffusion de la technologie et du savoir-faire, innovation et création de valeur ajoutée se conjugueront de manière positive dans une économie de l’agglomération économique. Ce n’est qu’à cette condition que les facteurs de croissance à long terme auront des chances de passer d’avantages compétitifs en avantages cumulatifs. Cela n’empêchera pas des développements à des rythmes différents, mais ces zones économiques agglomérées auront pour mission d’organiser leur complémentarité tant à l’intérieur des frontières que dans des espaces « pays frontières » ou « transfrontières ».
Il convient absolument identifier rapidement les zones ou espaces qui fonctionnent déjà sur la base de l’économie de l’agglomération et les soutenir en termes de développement et complémentarité avec le marché et les autres espaces agglomérés transfrontières. Des concours et des prix seront offerts pour promouvoir des Programmes de développement de l’économie aggloméré, en référence à la charte de l’agglomération économique qui promeut le développement régional autonome. Avec la mondialisation économique, les frontières ne sont plus des limites à la concurrence et ne peuvent servir d’espaces de protectionnisme non constructif. Il est clair que l’Etat n’a jamais pu résoudre les problèmes de développement à lui tout seul, et qu’il serait erroné de croire que de ce fait, il n’a plus de rôle. Enfin, on ne gère pas un Etat ou un espace aggloméré comme un entreprise justement à cause de la mission de service public qui lui est assigné par les acteurs et les institutions. La vrai et unique question demeure pour tous les responsables politiques et économiques : comment assurer une capacité d’influence économique et améliorer la qualité de vie des populations ? La réponse semble passer aujourd’hui par l’institutionnalisation des soutiens à des agglomérations économiques et des liens nourris entre l’Afrique et l’Amérique latine et les Caraïbes. Ce sont ces agglomérations économiques innovantes qui vont offrir les vraies chances de création d’emplois décents pour les populations des pays et régions disposant de capacité d’influence économique faible.
2.6 Institutionnaliser les liens entre savoir, technologie, savoir-faire et marché
Plus de prospérité et de souveraineté partagées, alliées avec plus de démocratie décentralisée, ne peuvent que servir de feuille de route aux relations entre l’Afrique et l’ALC. Si le maîtrise et la transmission du savoir, de la connaissance et du savoir-faire sont des déterminants précieux pour assurer que des expertises africaines restent en Afrique[31] et en ALC, alors il faut se rendre à l’évidence que la dynamique changeante liée à la mondialisation et l’attractivité des offres du marché des pays du Nord risque de vider les pays du Sud de leur acteurs les plus talentueux ou les plus diplômés. Le lien direct entre connaissance, technologie, savoir-faire, et croissance économique a plus de chance de retenir les ressortissants des pays du Sud si des espaces agglomérés et performantes, les pôles de compétitivité émergent et s’étoffent en Afrique et en ALC.
Les universités et les centres du savoir et de la connaissance doivent nécessairement faire partie intégrante de l’économie de l’agglomération. A défaut, la tendance actuelle qui voit les Etats-Unis absorbés le nombre le plus important de cerveaux dans le monde se fera au détriment des pays du Sud. Le problème de fond aujourd’hui consiste moins à croire à une croissance économique « statique » en procédant à des acquisitions que de donner les chances aux pays du Sud de comprendre mieux comment et dans quel environnement favorable la connaissance acquise est rapidement et de la manière la plus efficace et distribuée est transformée en valeur ajoutée au profit de l’ensemble de la population. En filigrane, c’est toute une réforme en profondeur des institutions du savoir, des universités des pays d’ALC en terme de spécialisation, et d’enseignement en ligne (Internet) qui est posé. La pression du marché n’attendra pas les décisions des chefs d’Etat.
Les institutions de formation aux métiers, les universités et les centres constituant des « réservoirs du savoir » en Afrique et en ALC ne doivent plus concevoir leur rôle et leur avenir en dehors de l’économie de l’agglomération, en harmonie avec le marché et les acteurs du secteur privé. Les élites sortant de ces centres du savoir peuvent venir soutenir la performance des institutions d’appui, partie intégrante des espaces économiques agglomérés.
Conclusion : opter pour des attitudes proactives et une culture de la performance
Sur la base d’une Charte de l’économie de l’agglomération structurée autour d’un réseau d’acteurs et d’institutions, il est question de promouvoir, face à la pression du marché global, des zones économiques agglomérés (ZEA). Les membres de ces espaces agglomérés doivent s’approprier la gouvernance qui se doit de reposer sur la compétitivité et la solidarité. Les approches nationales ou globales ont montré leur limite face à l’agilité des marchés. C’est une véritable approche glocale, avec une autonomie d’action pour dans les espaces agglomérés qui est proposée ici. L’échelle régionale et régionale apparaît comme cette voie médiane et médiatrice pour aider des pays souffrant d’un déficit de capacité d’influence face aux pays du Nord d’organiser leur auto-détermination économique. Prospérité, paix et progrès constituent les trois piliers sur lesquels reposent le développement, la création de richesses et en conséquence la réduction de la pauvreté.
La convergence entre les Africains et les Amérindiens, plus connus sous le label « latino-Américains », pourrait augurer d’une évolution du rôle de l’Etat-nation. Les difficultés de la délégation des pouvoirs vers des instances supranationales où les besoins d’autonomie de gestion des espaces décentralisés rencontrent encore aujourd’hui tellement d’obstacles de la part des autorités centrales que la voie médiane des espaces agglomérés pourrait constituer une voie d’avenir où la dynamique de l’action serait laissée aux acteurs face aux pressions du marché global. Les vrais freins ne sont malheureusement pas toujours là où on les attend. Il s’agit plus de trouver des voies nouvelles pour promouvoir d’une part l’émergence d’attitudes proactives et non réactives, et d’autre part, faire évoluer des traditions fondées sur des procédés et des méthodes obsolètes sans pour autant perdre sa culture. C’est un impératif du monde interdépendant où compétition, création de valeur ajoutée et liens et réseaux de performance doivent s’organiser de manière autonome. Cette gouvernance de l’autonomie dans un espace de compétitivité est nouvelle et constitue un défi pour l’Afrique comme pour l’ALC. Ces deux régions ne peuvent continuer à avancer de manière isolée.
C’est donc une véritable culture de la performance et de la solidarité qu’il faut créer. Il ne s’agira d’ailleurs plus de renaissance mais de métamorphose. En référence à l’histoire et face à la migration des populations d’Afrique et d’ALC en constante évolution au profit des pays du Nord, une réaction s’impose. L’Afrique subsaharienne a vu près de 439 000 personnes entre 1995-2000 (migration nette) quitter son territoire. Ce mouvement est plus important en ALC avec 4 156 000 personnes. Les pays industrialisés sont les principaux bénéficiaires de ce mouvement de population avec plus de 14 104 000 absorbés dans leur économie[32]. Il est clair donc que les migrants font avancer les économies des pays industrialisés et prennent une part active dans la contribution au progrès. Le Secrétaire général des Nations Unies vient de démontrer dans leur rapport daté de mai 2006 et portant sur les migrations internationales et développement que les immigrés rapportent plus à l’Etat en impôts qu’ils ne lui coûtent en aides et prestations sociales. Il a été démontré aussi que les pays qui accueillent des immigrés et facilitent leur intégration sont parmi les plus dynamiques du monde en termes économiques, sociaux et culturels. YEA.
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Tableaux
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Tableau 1 | Indice de la capacité d’influence de régions et pays en développement
1980, 1994, 1995, 2003, 2004 |
Tableau 2 | Transferts financiers officiels de la Diaspora vers les régions et pays en développement, Investissement étrangers directs et Dons (excluant assistance technique), 1980 – 2003/2004, en millions de $US |
Diaporama
Télécharger : Capacite-d-influence-et-refondation-de-l-interdependance.pdf (3.2Mo)
Notes :
[1] Yves Ekoué Amaïzo, « Après la Baule : « la démocrafricaine l’interdépendance inachevée, in Revue Agir : « L’Afrique en chantier », n° 7 ; Printemps 2001, pp. 51-62.
[2] Yves Ekoué Amaïzo, [intlink id=”1324″ type=”post”]De la dépendance à l’interdépendance. Mondialisation et marginalisation. Une chance pour l’Afrique[/intlink], éditions L’Harmattan, Paris, 1998, 432 pages.
[3] World Bank, World Development Indicators, 2005, p. 67 ; en comparaison, la moyenne mondiale est de 54, 9 %, celle de la région Asie est et pacifique est de 47,4 %, celle de l’Amérique latine et des Caraïbes est de 24,5 %, celle de l’Afrique du Nord et le Moyen-orient est de 23,2 %.
[4] World Bank, op.cit, p. 78 ; en comparaison le nombre d’enfants de moins de 14 ans considéré comme main d’œuvre en 2003 dans les autres régions est en moyenne de 10 % dans le monde, 6 % en Asie du sud-est et Pacifique, 8 % en Amérique latine et des Caraïbes, 4 % pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient et 0 % en Union européenne.
[5] Yves Ekoué Amaïzo (sous la coordination de), [intlink id=”173″ type=”post”]L’Afrique est-elle incapable de s’unir ? Lever l’intangibilité des frontières et opter pour un passeport commun[/intlink], avec une préface de Joseph Ki Zerbo, collection « Interdépendance africaine », L’Harmattan, Paris, 2002.
[6] Thierry Meyssan, « La nébuleuse de l’ingérence démocratique », Voltaire, 22 janvier 2004.
[7] Catherine Coquery-Vidrovitch, « A propos des racines historiques du pouvoir : « Chefferie » et «Tribalisme »», in Revue Pouvoirs : « Les pouvoirs africains », n ° 25, 1983, pp. 51-62.
[1] Roland Robertson, « Globalisation or Glocalisation »? In Journal of International Communication 1 (1), 1994, pp. 33-52.
[2] Bernard Jouve, « Transition démocratique et démocratie locale : une occasion manquée », in EspacesTemps.net, paru le 08/11/2004, http://espacestemps.net/document942.html
[3] Pour le Brésil, la situation est la suivante : les revenus provenant de la Diaspora (2 821 millions de $US en 2003), les transferts liés à l’investissement étrangers directs (10 144 millions de $US en 2003) et l’aide au développement affectés à la coopération technique (321 millions de $US).
[4] Jean Tenier, « Intégrations régionales et mondialisation : Complémentarité ou contradiction », Notes et Etudes Documentaires, n° 5170-5171, mai-juin 2001, Paris, La Documentation française ; voir aussi Revue internationale des sciences sociales, 159, mars 1999 : Aspects sociaux et culturels de l’intégration à l’échelle régionale.
[5] H. Zaoual, Socio-économie de la proximité (du global au local), éditions l’Harmattan, Paris, 2005, 189 pages.
[6] Williams, Chancellor, The Destruction of Black civilization, Third World Press, Sixth Printing, Chicago, 1990.
[7] Yves Ekoué Amaïzo, [intlink id=”1324″ type=”post”]De la dépendance à l\’interdépendance : mondialisation et marginalisation : une chance pour l\’Afrique ?[/intlink] L’Harmattan , Paris, 1998, p. 425.
[8] Xavier Carpentier-Tanguy, Influences et innovations politiques : les think tanks (perspective historique), voir Centre Marc Bloch (Berlin), GSPE-PRISME UMR 701, sur http://www.cees-europe.fr/fr/etudes/revue9/r9a12.doc, paru le 30/03/2006
[9] N. Massard et A. Torre, « Proximité géographique et innovation », in B. Pecqueur et J. B. Zimmermann, Economies et proximité, Hermes-Lavoisier, Paris, 2004, 264p.
[10] Susan Strange, The retreat of the State. The Diffusion of Power in the World Economy, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 1996.
[11] Jean-François Bayart, Peter Geschiere et Francis Nyamnjoh, « Autochtonie, démocratie et citoyenneté en Afrique », http://www.ceri-sciencespo.com/publica/critique/article/ci10p177-194.pdf ; voir aussi Mustapha Kraiem, « Comment dépasser la culture de la défaite » : « Les intellectuels sont des élites organiques des pouvoirs en place », voir http://www.kalimatunisie.com/html/num7/defaite.htm
[12] Yves Ekoué Amaïzo, op. cit.
[13] Raoul Marc Jennar, Europe, la trahison des élites, éditions Fayard, Paris, 2004, 251 pages.
[14] Jean-Marc Siroen, La régionalisation de l’économie mondiale, La Découverte « Repères », Paris, 2004, 123 p.
[15] Discours de Hugo Chavez, Banjul Gambie, voir www.africa-union.org
[16] Michael E. Porter, Willis Emmons, « Asociacion Colombiana de Industrias Plasticas (Acoplasticos) », Case study, 3 February 2003 updated 23 March 2006, Harvard Business School, voir http://harvardbusinessonline.hbsp.harvard.edu/b01/en/common/item_detail.jhtml?id=703437
[17] E. H. Bowman et M. Useem, “The Anomalies of Corporate Governance”, in:
E. Bowman and B. Kogut (eds), Redesigning the Firm, New York, Oxford University
Press, 1995, pp. 21-48.
[18] Gilles Paquet, « Compétitivité structurelle et réseaux stratégiques : un défi de gouvernance », in Reflets et Perspectives, XLV, 2006/1 – 31, voir https://artemis.webserversystems.com/~gouverna/publications/05-02.pdf
[19] H. Cleveland, Nobody in Charge, San Francisco, Jossey-Bass, 2002 ; voir aussi P. Evans et B. Wolf, Collaboration Rules, in Harvard Business Review, vol. 83, n° 7, p. 96-104, 2005.
[20] Amaïzo, Yves Ekoué (sous la direction de), [intlink id=”241″ type=”post”]L’union africaine freine-t-elle l’unité des Africains ?[/intlink]Retrouver la confiance entre les dirigeants et le peuple, « collection « interdépendance africaine », éditions Menaibuc, Paris, 2004.
[21] Gilles Paquet, op.cit., p. 40.
[22] R. K. Lester et M. J. Piore, Innovation. The Missing Dimension, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2004.
[23] IOM, World Migration 2005, Section 1 – Regional overview of selected geographic regions, voir http://www.iom.int/en/news/prwmr2005_presskit_en.shtml
[24] Migration Policy Issues n. 2 – Facts and figures on International Migration, March 2003.
[25] World Bank, op.cit. p. 144.
[26] Kofi A. Annan, Migrations internationales et développement, Rapport du Secrétaire général, 18 mai 2006, 60e session – point 54 – Mondialisation et interdépendance, A/60/871, Nations Unies – Assemblée générale, pp. 22 et 82.
[27] Ghana: “Special visa for Africans in Diaspora”, News, Tuesday, 22 November 2005 voir www.ghanaweb.com, 23, November 05, at 1:27 a.m
[28] Yves Ekoué Amaïzo, (sous la coordination de), [intlink id=”173″ type=”post”]L’Afrique est-elle incapable de s’unir ? Lever l’intangibilité des frontières et opter pour un passeport commun[/intlink], avec une préface de Joseph Ki Zerbo, collection « Interdépendance africaine », L’Harmattan, Paris, 2002.
[29] Kwame N’Krumah, Africa must unite, Panaf, 1963; Né le 21 septembre 1909 et décédé le 27 avril 1972. il fut un “leader”africain anti-colonialiste, fonda l’Etat moderne du Ghana et fut l’un des plus influents promoteur du panafricanisme au cours du 20e siècle.
[30] Welcome Sibling en Anglais
[31] Kenneth Prewitt, « Higher Education, Society, and Government: Changing Dynamics», in Journal of Higher Education in Africa, Volume 2, number 1, Fall 2004.
[32] World Bank, World Development Indicators 2006, p. 362.