Ce n’est pas à la jeunesse africaine émancipée et souffrant des affres de la post-colonie qu’il fallait s’adresser, mais aux dirigeants africains qui ont brillé par leur silence et leur goût immodéré pour l’autocensure. Le «coupé-décalé» (1) a permis de conjuguer à l’imparfait un paternalisme obsolète doublé d’autocensure et de trous de mémoire sur les effets collatéraux de la «Françafrique des Etats» sur la jeunesse africaine. Si le scribe-amateur présidentiel s’était inspiré des écrits du xxe et du xxie siècle des Africains et de la diaspora décomplexés, l’histoire africaine aurait été mieux comprise. Le devoir de mémoire exige de rappeler que le progrès, l’innovation et la prospérité des Africains ont été largement retardés par des non-Africains. Le mépris sous-jacent s’adresse plus aux chefs d’Etat africains restés silencieux de peur de voir leur budget coopération fondre et leur poste remis en cause face à la «vérité des urnes des citoyens africains».
Dans un tel amalgame, la jeunesse africaine est restée sur sa faim quant à la réalité de la coopération entre l’Afrique et la France, même si le coupé-décalé entre immigration choisie, devenue immigration négociée, permet à chacun de placer la négritude et le Noir en dessous de l’égalité des chances et des droits. Aucun juif sensé ne peut dire qu’il y a eu des bourreaux bons ou mauvais suite à la Shoah. Il en est de même pour le Noir et le colon, d’autant plus qu’il n’y a pas de tentation de pureté chez le peuple noir.
La maîtrise du passage «de la dépendance à l’interdépendance» permettra d’organiser une renaissance commune civilisationnelle eurafricaine. Le «new deal» proposé par M. Sarkozy suppose une coopération décentralisée au profit de la société civile africaine avec des femmes et des hommes nouveaux.
Yves EKOUE AMAIZO
Directeur du groupe de réflexion, d’action et d’influence «Afrology» et d’Afrique nouvelles interdépendances.
(1)Pour les Africains, le «coupé-décalé» est une danse où l’on ne fait pas un pas en avant et deux en arrière, mais un pas sur le côté et deux en arrière. Où donc on recule… Voir aussi p. 42 la lettre de Mamadou Taoré à Nicolas Sarkozy.