« S’investir en Afrique » et « Entreprendre en France dans la diversité », tels étaient les deux thèmes de la huitième édition du forum Africagora, le 7 février. Cette année, l’événement avait lieu au ministère de l’Economie, sous le patronage de plusieurs membres du Gouvernement…
Avec pour leitmotiv : le co-développement.
Pas moins de quatre membres du Gouvernement français, des diplomates et des représentants de patronats… Devant un parterre de plus de 350 personnes, le fondateur d’Africagora, Dogad Dogoui, égrène la liste de ses invités prestigieux. « Qui peut encore ignorer le rôle de la diaspora dans l’établissement des liens commerciaux entre l’Europe et l’Afrique ? »,s’interrogent, en substance, les organisateurs de la rencontre. Pour sa huitième édition, les intervenants devaient y parler investissements en Afrique et en France. On s’y est aussi interrogé sur l’intégration et les discriminations. « Nous souhaitons que les talents s’expriment », lance en ouverture Hervé Novelli, le secrétaire d’Etat aux Entreprises et au commerce extérieur. En partance pour le Kazakhstan, le ministre a annonce la mise en place d’un statut de l’auto-entrepreneur « dès le printemps prochain». Une simple déclaration sur papier libre devrait désormais suffire à créer son entreprise. Par ce biais, le Gouvernement souhaite soutenir l’entreprenariat, en particulier dans les quartiers difficiles, insiste Hervé Novelli, quelques jours avant la présentation du plan Banlieues par Nicolas Sarkozy. « La démarche entreprenariale rétablit l’égalité des chances.Car en la matière, seule compte la qualité du projet », affirme-t-il. Mesure-phare de la réforme : les prélèvements sociaux et fiscaux à la source, dès le premier euro gagné, en remplacement des cotisations forfaitaires. « n’y a qu’enFrance que l’on trouve cette rapacité de l’administration, qui fait que l’on paie avant d’être payé », ose Hervé Novelli, récoltant par là même les applaudissements et les sourires entendus de l’assistance. Laide française au développement en question Mais si Africagora s’intéresse aux questions d’intégration en France, les participants y ont aussi débattu de l’aide publique au développement (APD) apportée au Continent noir.
Des flux doivent s’établir entre les pays riches, où se trouve la diaspora, et les pays pauvres, d’où elle est originaire
En réponse à des critiques venues de l’assistance, Michel Jacquier, directeur des opérations de l’Agence française de développement (AFD), rappelle que cette institution n’a pas vocation à soutenir la société civile, malgré les quelque 18 millions d’euros qui lui sont affectés chaque année. « Nous sommes une agence financière. Nous ne pouvons pas financer directement ces petites opérations », souligne-t-il, en rappelant la nécessité de négocier avec les pouvoirs publics. Une réponse bien insuffisante pour un ancien entrepreneur français installé en Afrique : « Ne croyez-vous pas qu’en maintenant cette stratégie de dialogue avec les pouvoirs publics, vous renforcez la corruption ? » Rires et applaudissements. Pour l’économiste Yves Ekoué Amaizo, directeur du think tank Afrology, ce n’est toutefois pas selon un clivage public /privé qu’il faut revoir le cadre du développement, « mais de manière plus décentralisée, au sein des collectivités locales ». Ou en « coalition », avec ONG, organisations internationales, fondations et collectivités locales, comme le suggère Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la Coopération et à la francophonie. Plus d’entreprises et moins d’aide publique. C’est aussi la recette du développement défendue par le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN). Pour Anthony Bouthelier, président délégué de l’organisation patronale, la diaspora a un rôle à jouer en convaincant les gouvernements africains de se réformer.des Chinois, qui ont su innover avec les zones économiques spéciales. Entre « ici » et « là-bas » « L’aide publique au développement… avant je croyais qu’il n’y avais que ça », confie Brice Hortefeux. Pour le ministre de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale, le co-développement est un « vrai changement». « Pendant des décennies, les pays d’accueil ont fait leur marché, poursuit-il. Aujourd’hui, nous devons nous préoccuper des intérêts du pays d’origine. » Le co-développement, « c’est l’accompagnement de vrais projets, à taille humaine, situés plutôt en province que dans la capitale », explique Brice Hortefeux qui, aux neuf milliards d’euros de l’APD, oppose le montant moyen de ses projets ciblés (trois millions d’euros). En partant du constat que les envois de la diaspora vers le Continent noir ont atteint 167 milliards de dollars en 2005 (contre 105 milliards pour l’APD), Yves Ekoué Amaizo prône quant à lui la mise en place d’un « visa diaspora ». En jumelant des unités de production au Nord et au Sud, des flux doivent s’établir plus systématiquement entre pays riches, où se trouve la diaspora, et les pays pauvres, d’où elle est originaire. Selon l’économiste, cela passe par l’élaboration d’un cadre législatif, d’une « charte de la diaspora » qui doit contribuer à créer « la civilisation eurafricaine », et la baisse du coût des transferts financiers entre l’Europe et l’Afrique. Entre « ici» et « là-bas», « faut redonner une valeur positive à la notion de visa », conclut-il. Décidément ancré dans la logique du co-développement. • DENIS MARIE
AFRICAGORA, UN CLUB PROCHE DU POUVOIR
«On nous accuse d’être proches du patronat. Nous le revendiquons ! », affirme haut et fort Dogad Dogoui, luimême chef d’entreprise. Pour le fondateur d’Africagora, « la meilleure façon de créer de la richesse, c’est d’entreprendre ». A la diaspora, il adresse donc un message des plus libéraux : « N’attendez pas qu’on vous donne. Il faut se lever ! » Aujourd’hui, le club Africagora compte 160 membres, entrepreneurs, cadres et décideurs, originaires de la diaspora africaine. Leur objectif : promouvoir la participation des minorités en Europe, tout en soutenant le développement des pays dont ils sont originaires.