Selon le baromètre mondial de la corruption de Transparency International (TI), les efforts des gouvernements africains pour lutter effectivement contre la corruption restent une préoccupation importante. La moyenne annuelle de corruption dans le monde est de 28 sur une échelle où 100 correspond au pays le plus corrompu dans le monde et 0 celui qui l’est le moins. Avec un niveau de corruption estimé à 64 et un espoir estimé à 62 que ce fléau va s’améliorer entre 2008-2011, le Nigéria demeure un pays à risque. Ce risque est corroboré par une détérioration de l’index de la perception de la corruption de TI, passant de 14 à 22(i) entre 2003 et 2007. Il existe aussi une corrélation forte entre les corrupteurs, la corruption des élites dirigeantes et la corruption du citoyen lambda. Pour accéder à des services, la « petite » corruption rampante devient un mode opératoire banalisé(ii) que les entreprises tendent tant bien que mal à intégrer dans leur plan d’affaires et prévision d’investissement au Nigéria.
1. Corruption et Zéro Tolérance : engagement et réalité
A la lumière de ces statistiques peu flatteuses, il convient de s’interroger sur l’approche du Président nigérian Umaru Yar’Adua qui affiche sans ambages sa détermination pour combattre la corruption. Il n’a pas hésité à ouvrir des dossiers compromettants pour l’ex-président Olesegun Obasanjo qui l’a pourtant « investi » le 29 mai 2007 en lui cédant les clés de la présidence et du palais d’Aso Rock. La vérité des urnes au Nigéria reste un sujet tabou puisque la communauté internationale semble s’accommoder d’une certaine « démocratie à l’Africaine ». Le paradoxe tient dans le fait que l’ex-président Obasanjo, longtemps considéré comme le « Monsieur Transparence » pour avoir été un ancien haut responsable de TI, a tenté sans succès de combattre, à sa manière, la corruption au Nigéria. Il est de fait considéré comme le responsable des élections présidentielles du 21 avril 2007 jugées comme les moins crédibles du Nigéria par la majorité des observateurs locaux et internationaux car entachées de plusieurs irrégularités. Face à une population désabusée et aspirant à la paix, le nouveau Président Umaru Yar’Adua a vite démontré une volonté, semble-t-il réelle, de se faire adouber en s’attaquant à la racine du risque numéro 1 de Nigéria, la corruption. Sa popularité s’est accrue au point que le citoyen nigérian semble devenir amnésique sur la valeur démocratique du scrutin électoral qui l’a hissé à la tête de cet Etat fédéral. Toutefois au crédit de Mr. Obasanjo, il faut reconnaître qu’il a, d’après lui, « éliminé » le risque de changement violent de gouvernement qui semblait être une sorte de culture politique (coup d’Etat et contre-coups). Cette forme de démocratie « cooptation » est bien loin des normes démocratiques internationalement acceptées.
Il faut alors s’interroger sur les raisons qui poussent l’actuel chef de l’Etat à laisser une procédure d’investigation suivre son cours avec comme objectif affiché d’entendre et de poursuivre l’ex-président Obasanjo devant la justice pour malversations et corruption présumées. En réalité, face à une crise énergétique endémique, une commission anti-corruption menant des enquêtes parlementaires a permis à des hauts fonctionnaires fédéraux de faire des révélations embarrassantes sur, entre autres, la mauvaise et non-transparente gestion des politiques sur l’énergie, les infrastructures et l’eau sous la présidence de l’ex-Président entre 1999 et 2007.
L’exemple le plus cité reste l’inauguration en 2006 d’une centrale électrique dans un des Etats du sud-est dite Cross River. En réalité, on trouve au lieu et place de cette centrale électrique un espace non viabilisé et non débroussaillé. Sur un autre plan, plus de 30 sociétés auraient bénéficié de contrats gré à gré alors qu’elles n’ont pas été enregistrées au Nigéria. L’objet des contrats n’a souvent été exécuté que partiellement ou carrément n’a même pas connu un début d’exécution sur le terrain. Certaines de ces sociétés figurent sur la liste de la Banque mondiale enregistrant les sociétés suspectées d’être des agents de la « corruption ». La société allemande Lahmeyer s’est vue attribuer un contrat de 3,2 million de USD pour réaliser une étude de faisabilité pour un méga-projet de barrage hydroélectrique de 2600 Megawatt « the Mambilla hydropower project » dans le nord du Nigéria. A ce jour, un simple « bungalow » reste visible à côté de l’emplacement du barrage… D’après la commission d’investigation, les experts de la société allemande ne sont jamais venus sur le terrain. La société se déclare non-coupable mais les sommes ont disparu.
Quelques jours avant de quitter ses fonctions de Président, Mr. Obasanjo a pu organiser l’opération suivante. Le « Mambilla hydropower project » devait être financé par un prêt de la China Exim Bank pour un montant approximatif de 1,6 milliards de USD. En échange et dans la logique de la coopération « gagnant-gagnant » de la Chine, la China National Offshore Oil Corporation (CNOOC) devait se voir attribuer quatre blocs regorgeant de pétrole dans le cadre d’une cession au plus offrant. La Chine qui n’a pas de politique précise sur la corruption n’a pas non plus de préoccupation d’ordre éthique dès qu’il s’agit des problèmes de développement. Ainsi, le Président de la célèbre China Exim Bank déclara en décembre 2007 que « vous ne pouvez stopper le développement d’un pays à cause de la corruption… Cela ne nous avance à rien. Vous ne pouvez refuser de manger parce que vous pourriez vous étouffer(iii) ». Ainsi, alors que la Banque mondiale a estimé que depuis 1970, le gouvernement nigérian a engrangé plus de 390 milliards de USD des revenus du pétrole, il n’en demeure pas moins vrai que près de 120 millions des 140 millions de nigérians vivent avec moins de 2 USD par jour. Les conséquences sont dramatiques et se nomment corruption, mal-développement, destruction de l’environnement et pauvreté abjecte.
Des retraits de plusieurs milliards de USD en provenance des revenus du pétrole auraient été purement retirés sur les comptes de l’Etat sur simple ordre de la présidence. Des sociétés d’Etat ont été cédées bien au-dessous de leur valeur réelle dans des conditions suspectes à des amis proches de l’ex-exécutif. Les chiffres varient mais 16 milliards de USD seraient le montant qui ne trouverait pas de justificatif crédible. Bref, le silence du principal concerné, Mr. Obasanjo, et la popularité du Président en exercice sont de nature à ouvrir le champ à des luttes intestines, préjudiciables à la stabilité des institutions. En réalité, c’est bien le mode de gestion non-transparent de l’ex-président fonctionnant en petits comités de personnalités influentes et proches qui est en cause et que l’actuel Président s’évertue à modifier.
D’après les dépositions de l’ex-ministre des finances, puis des affaires étrangères, Mme Dr. Ngozi Okonjo-Iweala et l’ex-ministre des « Minérais solides » Mme Dr. Obiageli Katryn Ezekwesili(iv), les procédures d’appel d’offre n’ont pas été respectées notamment pour les projets intégrés de production d’énergie. Si personne ne doute de la véracité des propos de ces deux ministres actuellement en poste à la Banque mondiale, la question reste ouverte de savoir pourquoi elles n’ont pas démissionné face à ce que « radio trottoir » qualifie de « corruption gargantuesque ». La gestion plus que présidentielle de l’ex-président et les pressions invisibles des lobbies sur leurs sécurités personnelles peuvent ouvrir le champ à un début d’explication. A ce titre, le comité d’investigation attend d’ailleurs l’autorisation de la Banque mondiale de laisser les deux personnalités venir témoigner au Nigéria. Mais la réalité est résumée dans cette adage populaire : « si vous vous attaquez à la corruption, la corruption, telle un boomerang, vous attaquera en retour ». Ainsi d’accusateur, vous risquez de devenir l’accusé. Cela pose le problème de la protection des témoins et des membres des comités d’investigation y compris parlementaires. Le problème se pose pour tous les membres des gouvernements successifs de l’ex-Président Obasanjo même si certains aujourd’hui comme le vice-président Atiku Abubakar semblent vouloir s’éloigner des critiques formulées contre celui qu’ils encensaient il y a bien peu longtemps. Le nom de plusieurs autres ministres tels Mr. Tony Anenih, l’ex-ministre pour le travail et l’habitation connu sous le diminutif « Mr. Fix it » reviennent au devant de l’actualité(v).
La haute cour de justice a aussi mise en accusation la fille de Mr. Obasanjo, Mme Iyabo Obasanjo-Bello, qui était la présidente du comité du Sénat en charge de la santé à l’époque, deux ex-ministres de la santé Mme Adenike Grange (ministre) and Mr. Gabriel Adjuku (Ministre d’Etat) qui ont dû démissionner en mars 2008 ainsi que des hauts responsables de l’administration. La Commission des crimes économiques et financiers (EFCC)(vi) a lancé contre eux 54 charges qui se résument pour le moment à la disparition de 4 millions de USD (470 millions de Naira)(vii)… Le Président Yar’Adua a déclaré qu’il ne protègerait personne et laissera la commission (EFCC) poursuivre toute personne qui aura été reconnue coupable. La zéro tolérance à la corruption semble bien en route et ne laissera pas impunie les nombreux « cadeaux » de fin d’année distribués pour apurer les reliquats financiers sur les comptes du gouvernement. Tel un gentleman, l’actuel Président a donné l’instruction que toutes les agences gouvernementales retournent l’argent non dépensé au Trésor fédéral dans les meilleurs délais…On ne s’est pas bousculé au portillon. 8 des 36 gouverneurs ont déjà perdu leur immunité afin de permettre à la Commission anti-corruption de faire son travail. Mais le procès risque de durer plusieurs années et les présumés innocents sont actuellement libres de leur mouvement.
2. Santé du Président et santé du Nigéria : risques nouveaux ?
Démarré le 8 novembre 2007 et après des discussions âpres entre l’exécutif et les parlementaires, le budget pour l’année fiscale 2008, qui s’élève à 2.748 milliards de nairas dont 1.888 milliards de Nairas pour les charges récurrentes, a été approuvé en présence, entre autres, du Vice-Président Goodluch Jonathan, le président du Sénat Senator David Mark et le porte-parole adjoint de la Chambre des représentants, Hon. Usman Bayero Nafada.
Juste après une signature retardée du budget 2008 du Nigéria, le Président Yar’Adua a dû partir le 14 avril 2008 d’une manière un peu précipitée pour Wiesbaden en Allemagne pour se faire soigner. La version officielle de la maladie d’après Mr. Olusegun Adeniyi, conseiller spécial en charge de la communication du Président Yar’Adua, serait une réaction allergique alors que plusieurs sources parlent d’un problème rénal qui aurait déjà été mentionné lors de la campagne électorale et même bien avant. Toutefois, le Président, dont la présence était prévue le 15 avril 2008 à Dakar à la réunion du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), a finalement demandé à la dernière minute à son ministre des affaires étrangères Mr. Ojo Maduekwe de le représenter à cette réunion.
Alors, les spéculations autour de la santé d’un Président reprennent de plus belle. Ce dernier semble retrouver une certaine aura auprès de la population pour sa détermination à réduire la pauvreté, à s’attaquer à la corruption y compris celle qui pourrait toucher l’ancien Président, sa famille et ses collaborateurs notamment dans le secteur de la réalisation d’infrastructures. En filigrane, c’est bien de la responsabilité et de l’obligation de rendre des comptes à la population de manière transparente qui est en train de se mettre en place avec le Président Yar’Adua. Les lobbies puissants qui s’évertuent à freiner ce mouvement ont déjà été montrés du doigt et les exégèses quant à l’origine « ésotérique » éventuelle de la maladie du Président vont bon train. Mais l’économie du pays va de mieux en mieux.
La santé du Président pourrait se révéler être un risque réel et assombrir les perspectives économiques et politiques du Nigéria même si le taux de croissance économique se situe au-delà des 6% depuis 2005(viii) avec une moyenne annuelle de l’inflation en constante diminution, de 17,8% en 2005 à 8,3% en 2006 et 5,4% en 2007. La banque centrale a atteint ses objectifs, ce qui témoigne d’un sérieux retrouvé. Mais la hausse des prix agricoles, notamment l’impact de la priorité donnée à l’exportation sur la production vivrière, les conséquences des importations dépendantes de l’augmentation du prix du pétrole pourraient conduire à revoir à la hausse de l’inflation au cours du premier semestre de 2008.
La bonne nouvelle se trouve dans le fait que le secteur hors pétrole est en train de connaître une croissance annuelle remarquée de l’ordre de 9% soutenue par une croissance du crédit offert et une demande en provenance tant des secteurs privés que publics. Cette croissance est freinée par l’insécurité grandissante dans le Delta du Niger et l’arrestation en Angola en février 2008 de Henry Okah, que l’on croit être le fondateur et la tête pensante du mouvement pour l’émancipation du Delta du Niger (MEND)(ix). L’épreuve de force qui a débuté entre ses partisans et le Gouvernement d’une part et, les collusions entre certains gouverneurs et la « MEND » d’autre part, doivent être considérées comme de nouveaux risques. L’instabilité de la région du Delta, notamment les perturbations dans l’approvisionnement pétrolier, ne pourraient avoir finalement qu’un effet de moins en moins marginal sur le marché international tout en augmentant le stress lié justement à l’absence d’anticipation des crises dans un environnement mondial caractérisé par une Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) qui se refuse à demander à ses membres d’augmenter la production pétrolière pour faire baisser les prix mondiaux.
Le démarrage du projet sous-régional de pipeline de gaz(x) pourrait améliorer la croissance économique du pays au niveau fédéral. Le surplus pétrolier enregistré depuis quelques années a malgré tout permis d’augmenter l’épargne et d’apurer la dette extérieure. Les remises de dettes consenties par le Club de Paris et les remboursements par avance du Gouvernement Obasanjo ont aussi contribué à améliorer la situation macroéconomique du Nigéria. A ce titre, l’accès direct du Nigéria au marché financier international est un signe de confiance pour les investisseurs d’autant plus que la notation du pays est bonne et que les rentrées fiscales sont en augmentation. Il faut malgré noter que la réforme du secteur bancaire (89 banques ont été regroupées en 25 banques à la fin de 2005) commence aussi à porter ses fruits puisque ce type de « recapitalisation » en fonds propres permet une plus grande offre sur le marché du crédit et contribue à soutenir directement les entrepreneurs locaux et donc l’emploi. De plus avec des réserves officielles qui sont passées d’environ 18 millions à 54 millions de USD entre 2004 et 2007, l’image du Nigéria est réellement en train de changer auprès des investisseurs malgré les craintes liées à la corruption et leurs conséquences sur la stabilité à long terme.
L’appréciation du risque Nigéria peut se résumer à la notation de Fitch Ratings(xi) qui a « crédité » le Nigéria d’un BB- pour 2006 et 2007. Standard and Poor’s a aussi reconfirmé cette notation. Ce bon résultat est d’autant plus significatif que le pays a été comparé à d’autres pays émergents comme l’Afrique du sud, le Brésil, l’Indonésie, la Malaisie, la Turquie, l’Ukraine, le Vénézuela et le Vietnam. Ainsi, le travail important fait par l’administration Obasanjo doit être reconnu malgré les insuffisances notées plus haut. Il importe de consolider cette situation afin d’asseoir définitivement la confiance par la cohérence de la gouvernance politique et économique et la stabilité projetée sur les marchés internationaux. La protection des investisseurs joue alors un grand rôle dans la perception du risque Nigéria. Face à quelques pays émergents, le Nigéria est en train de s’ouvrir sur le plan de la transparence de l’information financière (voir tableau ci-dessous).
Environnement des affaires : Protection des investisseurs, Avril 2006(Transparence et protection par la divulgation de l’information financière et le titre de propriété) Index de 0 (minimum de protection) à 10 (maximum de protection) |
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Nigéria | Afrique du sud | Brésil | Indonésie | Malaisie | Turquie | Algérie | Venezuela | Vietnam |
6 | 8 | 5 | 8 | 10 | 8 | 6 | 3 | 4 |
Source : World Bank, World Development Indicators 2007, pp. 272-274. |
Le respect de la mise en œuvre des réformes économiques au niveau fédéral ne doit pas occulter le fait qu’au niveau des gouverneurs, la situation est plus controversée. Les investissements sont en accroissement au niveau fédéral mais c’est bien la gestion sage et prudente des revenus pétroliers et le paiement dans les temps de la dette extérieure qui contribuent à donner cette nouvelle image du Nigéria. La zone d’ombre pour l’investisseur étranger reste bien la volonté du Nigéria de rediscuter tous les accords avec les groupes pétroliers sur son territoire. Cette annonce avait été faite en octobre 2007 par Rilwany Lukman, l’ex-conseiller présidentiel et Président du comité de réforme du pétrole et du gaz sur la base du manque à gagner du Gouvernement et la « mauvaise » compensation reçue des investisseurs qui continuent à s’y opposer en affirmant qu’ils sont en train de recouvrir leur coût d’investissement. Il faut savoir que la Russie, le Venezuela et l’Algérie ont déjà modifié les termes de leur contrat les liant aux investisseurs dans ce secteur(xii).
Si les améliorations récentes de la gouvernance macroéconomique sont à louer, il faut croire que le défi de l’organisation institutionnelle et les faiblesses chroniques de l’infrastructure et les incertitudes sur la capacité effective du Président convalescent à réellement s’attaquer à la corruption constituent des zones grises. De plus, au niveau des petites et moyennes entreprises, il y a de sérieuses difficultés à obtenir des bilans, à fortiori des bilans fiables. Les recouvrements de créances laissent à désirer d’autant plus que les institutions financières venant en appui aux secteurs productifs et de soutien à la productivité restent tributaires de l’amélioration globale de l’état de la corruption dans le pays.
En conséquence, malgré un marché important et demandeur, les entreprises et plus particulièrement les PME/PMI restent en général peu performantes et travaillent encore pour beaucoup en isolation. La probabilité moyenne de défaut des entreprises dépend beaucoup de la relation préparatoire et de la confiance établie avant toute transaction. L’avenir devrait se jouer sur une meilleure structuration des agglomérations et une intégration des chaînes de valeur où capacités productives peuvent rimer avec qualité et exportation. Si les approches de délocalisation et de partenariat d’entreprises prennent le dessus dans les années à venir, alors les transactions interentreprises pourraient sérieusement « démultiplier » les possibilités de croissance économique dont le partage sous forme de pouvoir d’achat distribué reste un véritable défi dans un pays où les inégalités et la distribution équitable des revenus restent un défi.
Conclusion : un nouveau départ ?
Malgré les difficultés du passé, le Nigéria a libéralisé le régime de protection des importations et a adopté le tarif extérieur commun de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui est passé de 29% à 12%. Le Président Yar’Adua est déterminé à continuer la politique de privatisation et d’attribution de contrats concessionnels dans les domaines aussi divers que l’acier, la pétrochimie, les mines, les ports et les infrastructures en général. Le dynamisme de la bourse de valeurs, l’inflation maîtrisée, des réserves plus que substantielles’, un secteur non-pétrolier en pleine expansion et un secteur bancaire prêt à accompagner les entreprises locales par un accès accru et diversifié au crédit permettent de conclure que si la communauté internationale soutient la détermination de l’actuel Président d’infléchir le taux de corruption, alors Umaru Musa Yar’Adua, le Président du Nigéria, a toutes les chances de réussir la réforme en 7 points qui passe par le développement du capital humain, les réformes économiques, l’amélioration du transport, du secteur énergétique, l’environnement légal, la réforme électorale et l’épineux problème du Delta du Niger.
La communauté internationale toute entière gagnerait à harmoniser ses positions en intégrant le document commun à l’agence de développement du Royaume Uni (DFID(xiii)) et le groupe de la Banque mondiale. Ce document vient soutenir la stratégie nationale de développement (NEEDS – National Economic Empowerment and Develpoment Strategy). En s’engageant pour mettre en œuvre l’initiative portant sur la transparence des industries extractives du Nigéria, et après avoir été enlevé de la liste des pays où s’opèrent des blanchiments d’argent(xiv), le Nigéria peut redevenir la locomotive de l’ensemble de la sous-région. Mais si la lutte contre la corruption n’accouche que d’une souris, l’effet pourrait alors devenir pervers et créer des émules dans la sous-région et ailleurs. L’impunité et l’irresponsabilité en matière de gouvernance économique à la tête des Etats africains pourraient alors s’ériger en droit commun et limiter les effets de manche sur la lutte contre la corruption. Toutefois, le sommet biannuel d’affaires Europe-Afrique organisé par le NEPAD à Hambourg en Allemagne du 28 au 30 avril 2008 pourrait servir de nouveau départ puisque de nombreuses personnalités nigérianes(xv) y seront représentées et s’inscrivent dans cette logique de rendre des comptes et d’accepter d’être tenues responsables pour des erreurs de gestion. Il restera alors aux entreprises européennes d’insister que celles qui s’inscrivent dans la logique de la responsabilité sociale de l’entreprise puissent bénéficier de quelques facilités fiscales.
Dr. Yves Ekoué Amaïzo
En tant que journaliste correspondant pour la Lettre Risques Internationaux, l’article suivants a fait l’objet de publication. Il s’agit d’une publication de Nord-Sud Expert (sur papier et en ligne et uniquement sur abonnement), voir www.risques-internationaux.com. Cette publication est spécialisée dans l’analyse du « Risque-pays » des marchés émergents, c’est un bi-mensuel.
Notes :
- (i) International Monetary Fund, IMF Country Report n. 08/64, February 2008, p. 21.
- (ii) Transparency international, Rapport sur le Baromètre mondial de la corruption de 2007 de Transparency International, Berlin, décembre 2007, voir http://www.transparency.org/policy_research/surveys_indices/gcb/2007
- (iii) Peter Bosshard, « Power sector scandal leaves Nigéria’s poor in the dark », in REUTERS, 1 April 2008; la phrase en anglais est la suivante : « You can’t stop a country’ s development because of some corruption… That does not help. You cannot refuse to eat because you might choke » .
- (iv) Toutes les deux ont des postes de haute responsabilité à la Banque mondiale.
- (v) Doublas Anele, « Obasanjo and His Critics (3) », in Vanguard, Lagos, 6 April 2008; Mr. « Fix it » était chargé de régler tous les dossiers épineux pour l’ex-président et son parti. Son attachement à la démocratie et son volonté de servir le peuple sont de plus en plus mis en doute aujourd’hui.
- (vi) The Economic and Financial Crimes Commission (EFCC) en anglais.
- (vii) Camillus Eboh, « Nigéria ex-president’s daughter charged with graft », REUTERS, 8 April 2008
- (viii) IMF, op. cit., p. 4.
- (ix) MEND = The Movement for the Emancipation of the Niger Delta
- (x) West African Gas Pipeline Company : voir http://212.96.8.17:81/
- (xi) Fitch Ratings: 2007 Sovereign Credit Ratings for Nigéria by Fitch Ratings, Press Conference, voir http://www.fmf.gov.ng/fileupload/Press%20Releases/fitch_emt%20PRESS.doc
- (xii) Economic Intelligence Unit, Nigeria Country Report, December 2007, p. 13.
- (xiii) DFID = The Department for International Development (DFID): c’est la structure responsable au sein du gouvernement du Royaume Uni en charge de la promotion du développement durable et la réduction de la pauvreté.
- (xiv) The Financial Action Task Force (FATF) on Money Laundering list of non-complying countries.
- (xv) Les personnalités nigérianes suivantes seront présentes : Dr. Goodluck Jonathan, vice president de la République fédérale du Nigéria ; Alhaji Aliko Dangote, PDG du Groupe Dangote ; Chief Ikechi Ohaki, Gouverneur de l’État de Imo ; Mme Evelyn Oputu, PDG de la Banque de l’industrie ; Mr. Donald Duke, ex-gouverneur de l’Etat de Cross River ; Chief Adutimi Alaibe, CPDG de NDDC ; Mr. Charles Ugwu, Ministre du commerce et de l’industrie ; Chief Ojo Mduekwe, Ministre des affaires étrangères, etc. ; voir ALLAFRICA, Nepad Council Organises Europe Africa Business Summit, in Leadership (Abuja), 9 April 2008, see http://allafrica.com/stories/200804090424.html and http://www.ibusiness.de/termine/tm/609049356.html