Directeur du groupe de réflexion, d’action et d’influence « Afrology »
En moyenne, près de 75 % des Africains n’ont pas un compte bancaire. Nombreux sont-ils à rencontrer d’énormes difficultés pour accéder au crédit dans des conditions compétitives, transparentes et adaptées.
Il est pourtant question depuis 1963 de mettre en place trois nouvelles institutions financières africaines notamment la banque africaine d’investissement (BAI), le fond monétaire africain (FMA) et la banque centrale africaine (BCA) pour compléter l’architecture financière et monétaire africaine. L’objectif affiché reste la monnaie commune d’ici 2021-2023, ce qui n’exclue nullement des monnaies communes sous-régionales bien avant cette échéance. Dans la Déclaration de Syrte du 9/9/99, les chefs d’Etat africains ont insisté sur la création rapide de ces institutions. Le processus de mise en œuvre n’a véritablement démarré qu’avec l’article 19 de l’Acte constitutif de l’Union africaine.
Sans aucune précipitation et en parallèle, les banques centrales africaines s’interrogeaient sur comment accélérer une coopération monétaire africaine sur un continent où la fragmentation de l’espace monétaire et financier demeure la caractéristique principale.
Dans la pratique, deux options s’opposent à savoir : d’une part, créer très rapidement ces trois institutions, voire la monnaie commune et d’autre part, organiser graduellement notamment au niveau sous-régional la cohérence, la complémentarité, l’intégration des structures financières et monétaires existantes avant d’aboutir à la fusion au niveau continental. Pourtant, les chefs d’Etat africains, pour démontrer leur engagement, ont déjà décidé du siège de ces trois institutions : Yaoundé au Cameroun pour le FMA, Abuja au Nigeria pour la BCA et Tripoli en Libye pour la BAI. Un comité de pilotage est en train d’être mis en place par l’UA pour coordonner la mise en œuvre. En réalité, plusieurs institutions africaines estiment avoir été exclues du processus et n’hésitent pas discrètement à jouer la montre sous couvert d’une prudence excessive.
Pour trouver un nouveau consensus, l’Union africaine, représentée par Dr. René Kouassi N’Guettia et l’Association des banques centrales africaines (ABCA) dont la présidence tournante était assurée par le Gouverneur de la banque centrale (BC) du Rwanda, M. François Kanimba, ont décidé de se parler et cela s’est concrétisé par un Symposium à Kigali, Rwanda le 21 août 2008 ayant pour thème « les objectifs et les conditions nécessaires pour l’établissement et le bon fonctionnement des trois institutions financières africaines, notamment le FMA, la BCA et la BAI ». La plupart des gouverneurs étaient présents ainsi que l’Union africaine. Mais il faut déplorer l’absence de la plupart des banques de développement africaines et des institutions régionales. Il faut noter au passage l’élection du nouveau Président de l’ABCA pour un an en la personne du Gouverneur de la BC de Libye, M. Farhat O. Benghara.
Il semble néanmoins qu’une approche graduelle privilégiant la création d’institutions au niveau régional d’abord, suivie par la création de l’institution continentale, émerge pour la BCA et le FMA alors que pour la BAI, il est plus question d’aller directement à la création au niveau continental en s’appuyant sur un partenaire technique et réputé africain.
Il est donc clair qu’il va falloir compter plus sur les pays qui croient effectivement à l’intégration monétaire africaine et qui disposent de réserves de change substantielles ainsi qu’un solde du compte courant important et régulier.
Lors du prochain sommet des chefs d’Etat en janvier 2009, il faudra alors répondre à deux questions :
- Qui veut payer ? Cela permet d’identifier les véritables amis de la souveraineté monétaire africaine ; et
- Qui peut payer ? Puisqu’une dizaine de pays disposant de réserves de change et d’un solde du compte courant positif depuis plusieurs années pourraient servir de locomotives à ce dossier.
Rien n’empêche les pays africains en difficulté budgétaire passagère de se faire préfinancer par un grand pays africain ami. YEA.