Directeur du Think Tank “Afrology”
Groupe de réflexion, d’action et d’influence
Il est quasiment sûr aujourd’hui que la conjoncture mondiale va se dégrader en 2009 et 2010 avec un taux de croissance mondial largement en dessous des 2,2 % annoncés par le Fonds monétaire international(1). Les conséquences sur l’Afrique ouvrent une période d’incertitudes avec de nouveaux risques d’augmentation des inégalités et de la pauvreté.
Avec environ 210 millions de sans emplois dans le monde en 2009, l’Organisation internationale du Travail (OIT) prévoit plus de 20 millions de chômeurs officiels rien que pour cette année avec un taux d’exclusion très élevé chez les moins de 24 ans. En Afrique, avec l’instabilité du travail dans le secteur informel, les conséquences de la crise financière vont aggraver la fracture sociale tout en contribuant à l’augmentation de la précarité de l’emploi. La conséquence directe sera une augmentation de la flexibilité non sollicitée dans le travail, et en définitive, un recul sérieux du travail décent et du respect des droits acquis des employés. La 2e conférence entre les partenaires sociaux organisée conjointement par l’OIT et l’Union africaine à Ouagadougou au cours du mois de février ne manquera certainement pas de rappeler l’acuité de la situation. L’Etat et des partenaires sociaux eux-mêmes doivent faire des efforts.
Il faudra nécessairement organiser des assemblées annuelles quadripartites entre Etat, patronat, actionnaires et représentants des employés pour se mettre d’accord sur les concessions et avancées à réaliser au cours de l’année et se revoir chaque année ou plus souvent pour faire respecter les engagements pris et les faire évoluer. Mais tout ceci n’a pas de sens si l’Afrique continue à négliger systématiquement la production industrielle alors que tous les chefs d’Etat africains ont approuvé en 2004 une stratégie commune de développement des capacités productives en Afrique. Faut-il rappeler que c’est sur les critères de croissance négative consécutive de trois trimestres de la production industrielle qu’une économie est déclarée en récession ? La sortie de crise pour l’Afrique risque de prendre du temps et devra être simplement intégrée dans les politiques de croissance accélérée et partagée. A défaut, c’est bien à une augmentation du chômage officiel et officieux que l’on va assister en 2009. Les banques opérant en Afrique devraient pouvoir bénéficier d’une forme de garantie des Etats afin de les amener à desserrer l’étau du crédit et à assurer, grâce à la sous-traitance, un système d’accompagnement par des sociétés de consultants locaux afin d’assurer un taux de succès plus important des affaires et projets privilégiant l’économie de proximité.
La production industrielle mondiale est en chute libre depuis près de quatre trimestres dans les pays riches avec comme conséquence un taux record de chômage prévu en 2009 et une récession. Le développement durable et la création d’emplois ne peut se faire sans le développement industriel. Aussi, le développement des capacités productives et la production manufacturière, respectant l’environnement et fondée sur la transformation et la diversification les secteurs productifs où l’Afrique présente des avantages compétitifs, doivent redevenir le moteur de la croissance de l’économie africaine. C’est pourtant à partir d’un minimum d’environ 17 % de valeur ajoutée manufacturière dans le produit intérieur brut que les économies africaines pourront certainement contribuer à créer et partager de la richesse et en conséquence réduire la pauvreté de manière pérenne avec des occupations et des emplois décents.
La contractualisation de l’activité mondiale va limiter les demandes en provenance de l’Afrique. La perte de pouvoir d’achat des populations et la détresse des jeunes, avec ou sans diplômes, risquent de devenir une bombe à retardement pour des dirigeants africains qui n’ont pas, pour la plupart, pris la mesure des nouveaux enjeux. L’audace et l’innovation au service des populations pourrait constituer une porte de sortie honorable.YEA.
(1) IMF, WEO, November 2007