Les pays de la corne de l’Afrique c’est-à-dire la Somalie, le Kenya, l’Éthiopie et Djibouti sont frappés par une des pires sécheresses depuis des décennies.
1. SECHERESSE ET FAMINE : A QUI LA FAUTE ?
La Somalie est devenu un Etat failli sous Mohamed Siad Barre, un militaire qui prit le pouvoir par un coup d’Etat et instaura le culte de la personnalité entre 1969 et 1991. Ceci faisant suite à un « interventionnisme occidental » raté et un départ précipité des troupes occidentales et une humiliation pour les Etats-Unis lorsque l’un de leurs soldats prisonniers fut trainé par une voiture sur la place publique à Mogadiscio. Depuis le temps des pharaons égyptiens négro-africains, la sècheresse est cyclique et les périodes de famine peuvent atteindre 7 ans. Mais le manque de « bonne volonté » et d’anticipation de la communauté internationale, peu intéressée à donner une chance à un semblant d’Etat de voir le jour malgré les grands discours, est palpable et ressemble beaucoup à une forme de « représailles » américano-occidentales.
L’ONU demande de cotiser. Des sommes ridicules qui sont mises à disposition pour financer essentiellement des stocks excédentaires de produits alimentaires occidentaux afin de « réguler » les marchés occidentaux d’abord, réduire éventuellement les conséquences de la faim, ensuite.
Résultat des courses : une guerre civile qui perdure sur fond de sécheresse avec l’image classique : des déplacés, des déshydratés, des morts, des camps de réfugiés à l’intérieur du pays, voire dans les pays voisins notamment au Kenya et surtout une surpopulation des camps avec une promiscuité favorable à tous les abus de part et d’autre.
Par exemple, le camp de Dadaab au Kenya, prévu pour abriter 100 000 personnes, dépasse déjà les 450 000 personnes, en fait plus car les morts que l’on enterre quotidiennement, notamment des enfants, ne font pas baisser le nombre total.
Alors qui est responsable de la situation ?
La réponse facile, commode et qui ne résout rien, consiste à dire que c’est la faute de la sécheresse, autrement dit de la fatalité, réponse paradoxale de nombreux Africains. Cela permet d’ailleurs, du fait de la pauvreté ambiante ailleurs, de lever sa responsabilité dans le niveau faible de secours des Etats Africains à la Somalie. Mais l’Union africaine a fait quelques gestes symboliques. Cela ne suffit pas pour dégager la responsabilité des dirigeants politiques africains.
Il faut savoir que de nombreux dirigeants somaliens ont choisi d’offrir, à vil prix, en location ou en vente leurs quelques rares terres à des étrangers qui ne garantissent pas que la production agricole qui sera récoltée profitera, même partiellement, aux Somaliens. Rappelons qu’un un an, les prix alimentaires ont flambé de 270 % en Somalie. Alors tous responsables ?
Regarder mourir des pans entiers d’une population du fait de la famine peut finalement servir en dernier ressort les intérêts de ceux qui n’ont plus besoin alors de faire évacuer les populations pour accéder à des espaces qui regorgent aussi de richesses au sous-sol.
Parmi ceux qui dirigent l’espace somalien qui n’est plus un Etat, il y a des groupes « intégristes et islamistes », notamment les milices Al Shebab et ceux d’Al Qaïda.
Certains noms sont connus mais les médias semblent être frappés par une censure qu’il faut bien qualifier de la « peur des représailles ». Chacun sait que pour survivre, certains de ces extrémistes, comme ceux qui sont au pouvoir et soutenus par les intérêts occidentaux, s’arrangent pour « contrôler » les stocks de produits offerts par l’aide internationale afin de les revendre sur les marchés. On peut surtout parler du riz ou des céréales, par exemple. Cela a amené certaines organisations non gouvernementales ou même onusiennes comme le Programme Alimentaire Mondial (PAM) à suspendre leurs activités notamment dans le sud du pays.
La menace est réelle. Plus de 1 million de Somaliens pourraient mourir de faim et plus de la moitié souffre de malnutrition.
2. PIRATERIE EN SOMALIE : A QUI LA FAUTE ?
En décembre 2009, les miliciens islamistes ont attaqué par deux fois à la bombe, le bureau de l’ONU à Mogadiscio en espérant leur neutralité, voire leur départ du pays. Les ONG se voient menacées de se dessaisir de leur personnel féminin qui ne se conforme pas aux « normes » de l’Islam et une forme de racket financier existe et consiste à exiger une somme variable autour de 20 000 $ US de toutes ONG afin d’assurer leur sécurité lors de leurs déplacements.
Sous le contrôle des miliciens d’Al Shebab, les enlèvements, les meurtres, les menaces et les extorsions de toutes sortes sont devenus des instruments de guerre à part entière. La catastrophe climatique se greffe d’une catastrophe humanitaire, avec en toile de fond plus de 20 ans de guerre civile. Cela fait exactement un an que l’ex-Président ghanéen Jerry Rawlings, l’envoyé spécial de l’Union africaine, a eu pour mission de « mobiliser la communauté internationale et le continent pour aider la Somalie à renouer avec la paix ». Les résultats restent encourageants mais auraient pu être pire si les troupes de l’Union africaine, seul rempart à la prise de Mogadiscio par les Shebabs, n’étaient pas là. Mais, si les pays occidentaux avaient fourni plus d’équipements et plus d’appuis logistiques de localisation satellitaires, les résultats des troupes de l’Union africaine auraient ramené la paix en alliant traques et négociation en sous-main. En effet, la force seule n’est plus d’actualité. La négociation politique suppose un peu de volonté de part et d’autre.
C’est donc avec plus de 7 200 soldats que l’AMISOM, la force de l’Union africaine, tente de freiner l’avancée des islamistes Shebabs qui estiment faire une guerre de libération en ayant comme objectif de « renverser » le gouvernement provisoire pour le remplacer par un gouvernement fondé sur un radicalisme islamiste.
C’est en parallèle qu’il faut traiter de la piraterie aux larges des côtes somaliennes, car il s’agit bien d’un moyen pour financer la guerre civile, une taxe sur la « communauté internationale » selon certains pirates qui ne se considèrent pas comme pirates mais comme de simples « agents de la fiscalité » au service d’une guerre de libération.
Jack Lang, ex-ministre de la culture de François Mitterand, est le Conseiller spécial du Secrétaire général de l’ONU pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes. Entre statu quo et impunité des pirates, c’est un débat théorique sur la « somalisation » des réponses juridiques qui a lieu à l’ONU. Il est en fait question de créer deux juridictions spécialisées (Somaliland, Putland) pour juger ceux qui seront « capturés ». En attendant, il est suggéré, de manière transitoire, de déferrer les pirates sur le Tribunal d’Arusha, en Tanzanie. Il faut 25 millions de $US et personne ne se précipite pour payer. La réalité est que près de 90% des pirates sont relâchés sans avoir été traduits en justice et que les « résolutions » de l’ONU n’ont pas toujours force de loi. Ces mesures ont été évaluées à environ 25 millions de dollars, ce qui, a-t-il dit, « est relativement modeste par rapport au coût total de la piraterie estimé à 7 milliards de dollars » et « 2000 kidnappés » en 2 ans. La composante internationale visant à former les juges, les procureurs, les avocats, les gardes pénitentiaires « est essentielle », a-t-il assuré, notant que « l’ONU, mais aussi l’Union africaine, l’Union européenne et d’autres organisations devraient y contribuer ». Il faut donc privilégier les mesures de prévention sur les mesures de répression et une coopération inter-Etats renforcée. Mais arrêter les pirates et ne pas arrêter les véritables commanditaires, dont certains se trouvent en Occident, d’une économie mafieuse, explique pourquoi la communauté internationale fait du « bougisme » sur ce dossier sans véritablement avancer. Le « silence radio » a pris fin avec l’enlèvement de deux femmes blanches (britannique et française) prenant leur retraite dans une île au nord du Kenya près de Lamu et transférées en Somalie.
L’élimination de la piraterie ne peut se faire sans un Etat et des opportunités économiques et des créations d’emplois pour la population, notamment les jeunes et les femmes. Mais qui veut et peut instaurer la stabilité en Somalie ? La même communauté internationale qui choisit les pays où il est plus facile et rapide de tirer des intérêts immédiats en termes d’accès aux matières premières et les contrats de reconstruction.
3. SOMALIE, UNE HONTE POUR L’HUMANITE
La Somalie est un scandale pour le devoir d’« humanisation du monde » des dirigeants de ce monde. C’est une honte au plan moral et éthique. Sur 9 millions d’habitants, près de 3,7 millions risquent de subir directement ou indirectement de la famine. Tout le monde ou presque n’en a cure ! YEA.