Questions sur l’actualité du 30 Janvier 2012
Devant les parlementaires africains à Addis Abéba à la mi-janvier 2012, Jerry Rawlings, un ex-président ghanéen et Haut Représentant de l’Union africaine pour la Somalie, a eu le courage de rappeler les contradictions de l’Union africaine (UA) et donc des chefs d’Etats africains. D’après lui, « Gbagbo à la Haye est une humiliation pour l’Afrique ».
Il dit tout haut ce que tous les Africains pensent tout bas.
Face à des modifications des pratiques internationales et le non-respect par les pays occidentaux des résolutions des Nations Unies, il y a eu des excès dans la pratique du droit d’ingérence en Afrique.
Le paradoxe de l’Union africaine est que dans les cas de la Tunisie, de l’Egypte, de la Côte d’Ivoire et de la Libye, on ne peut pas dire que le travail de la Commission de l’union africaine ait été couronné de succès. L’institution telle qu’elle fonctionne aujourd’hui est retombée dans les méandres des difficultés de l’Organisation pour l’Unité africaine (OUA).
L’UA n’a ni anticipé, ni pu jouer un rôle majeur dans les solutions de sortie de crise. Donc il est difficile de lui accorder un crédit pour ce qui est de garantir ou de ramener la paix. Le paradoxe est justement que le développement de l’Afrique qui est tant recherché est lié justement à la capacité productive et l’emploi, ce qui aurait permis aux Etats en difficulté de mieux répondre aux interrogations de leur peuple. Mais depuis 2004, tous les chefs d’Etat africains ont adopté une initiative de renforcement des capacités productives et très peu l’ont mise en œuvre. Huit ans plus tard, avec la crise financière et le rétrécissement du crédit et des importations occidentales d’Afrique, la marge de manœuvre africaine est réduite à sa portion la plus congrue.
Même pour des problèmes électoraux, les positions de l’UA sont interchangeables. Parfois, il faut fermer les yeux sur de véritables contre-vérités des urnes, parfois il faut chasser celui qui pourrait avoir gagné si on prenait la peine de recompter les voix. Non, cette position de « deux poids, deux mesures » que certains dirigeants africains considèrent comme « faire de la politique » a conduit à mettre en exergue une grande partie des contradictions de leur non-volontarisme. En refusant de mettre en place un tribunal pour juger les chefs d’Etat africains, les tribunaux internationaux ont pris la relève.
Aussi, Jerry Rawlings s’offusque et crie sa peine, mais aussi témoigne d’une certaine honte pour le manque de courage des dirigeants africains pris collectivement. Il a dit en substance : « Notre déroute collective doit être corrigée de toute urgence et avec détermination afin que le sang et le labeur de ceux qui ont sacrifié leur vie à rechercher le changement ne soient pas gaspillés». Aussi, malgré la diplomatie de l’ombre qui caractérise l’UA sous Dr Jean Ping, Président de la Commission de l’UA, l’organisation panafricaine a une réputation d’inaction et d’impuissance.
Les intentions ne suffisent plus. La déconnexion entre le peuple et les dirigeants s’est transformée en une déconnexion entre le peuple et les institutions panafricaines. Ils sont bien peu nombreux les chefs d’Etat africains qui se seraient rangés du côté des peuples tunisiens, égyptiens, ivoiriens et libyens pour favoriser une transition plus en souplesse. Chacun des chefs d’Etat n’est d’ailleurs pas à l’abri de ces phénomènes de ras-le-bol d’inégalités persistantes, de pratiques économiques éloignées de l’éthique et surtout de démocratie usurpée.
D’après Jerry Rawlings, c’est humiliant d’avoir Laurent Gbagbo, l’ex-président de la Côte d’Ivoire à la Cour pénale internationale à la Haye alors que l’Afrique a les moyens et la capacité de rendre sa propre justice. Il considère qu’il y a là manifestement une incapacité des Africains à contrôler leur destinée, ce qui en soi est humiliant. Mais au-delà de l’humiliation, c’est une réalité. Il a invité les parlementaires africains à cesser d’être des « observateurs silencieux » et de devenir des « véritables acteurs dans les dynamiques de changement du continent ».
Il a osé lâcher le mot qui fâche en Occident. « Nous ne devons pas permettre à une nouvelle forme de colonialisme d’engloutir notre continent et de nous transformer en marionnettes de la communauté internationale. Conjuguons nos efforts en prenant une position ferme contre cette menace imminente». YEA.
Ecouter la “Question sur l’actualité du Jour” sur Africa N°1 dans l’émission “La Grande Matinale” d’Eugénie DIECKY du lundi au vendredi à 6h33, 7h33 et 8h33.
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