Questions sur l’actualité du 22 Février 2012
C’est rare que la presse soit satisfaite du discours d’un chef d’Etat, surtout s’il est africain. C’est pourtant ce qui s’est passé en Afrique du sud le 9 février 2012. Le Président Jacob Zuma a prononcé son discours annuel, un véritable discours-programme sur l’état de la Nation arc-en-ciel devant le parlement sud-africain au Cap.
Trois défis se posent à l’Afrique du sud : pauvreté, inégalité et chômage. Il s’agit donc d’apporter des réponses économiques. Un grand plan de renforcement des infrastructures sur sept ans et qui demanderait près de 300 milliards de rands (soit 30 milliards d’Euros) d’investissements, somme dont la plus grande partie risque d’être empruntée.
Peut-être que le partenariat public-privé pourrait constituer la solution surtout lorsque la priorité semble aller pour des projets ferroviaires et portuaires. Cela peut paraître judicieux que d’améliorer les coûts de transaction en favorisant les projets de connectivité.
Mais Jacob Zuma n’est-il pas en train de répéter les erreurs stratégiques où les infrastructures sont réalisées principalement pour permettre une sortie rapide des matières premières non transformées ? Favoriser les activités minières, richesse principale du pays, en réduisant les coûts d’acheminement hors du pays devrait permettre d’améliorer la rentabilité des actionnaires des entreprises minières.
Mais, si cette amélioration des infrastructures ne s’accompagne pas d’une recherche systématique de la création des capacités et capabilités productives en Afrique du sud, ce choix politique pourrait renforcer les inégalités et provoquer des crises sociales à terme. La solution passe par une meilleure régulation du processus de création de valeur ajoutée dans une chaîne de valeurs où les trois à cinq premiers niveaux de la transformation doivent se faire en Afrique du sud. C’est cela qui garantira les emplois et une distribution de salaires et donc de pouvoir d’achat. Si les mines et l’industrie font bon ménage, alors les axes de communication et d’acheminement des produits fabriqués localement décupleront les possibilités de ce pays pour absorber les nombreux sans-emploi actuels.
Rappelons que la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique met l’accent dans son rapport annuel de 2012 sur « comment libérer le potentiel économique de l’Afrique ». Jacob Zuma rappelle dans son discours qu’il souhaite « libérer le potentiel économique et créer des emplois » en Afrique du sud. Selon les statistiques du Fonds monétaire international de janvier 2012, la croissance économique de l’Afrique du sud a été de 2,9 %, en 2010, 3,1 % en 2011. Mais les projections prévoient un retour en arrière à 2,5 % en 2012. On est bien loin des 7 % de croissance du produit intérieur brut (PIB) exigés par l’ONU pour permettre une réduction significative de la pauvreté. Pour ce qui est du chômage, il y a eu une légère amélioration entre 2010 et 2011, passant respectivement de 25 % à 23,0 %. Mais ces chiffres globaux cachent un chômage massif parmi les jeunes, mais aussi parmi les seniors, ce plus particulièrement parmi les Noirs. En réalité, le chiffre serait proche de 32,7% en y intégrant ceux qui ont renoncé à s’inscrire sur les listes de recherche d’emplois, tant ils ou elles sont désabusés par un marché excluant ceux, nombreux, ne disposant pas de qualifications.
Chacun se rappelle des mini-pogroms des sud-africains contre les travailleurs étrangers africains notamment en provenance d’Afrique australe, centrale et de l’ouest. En réalité, il y a un vrai problème pour former et mettre à niveau les populations qui pendant l’Apartheid ont été privées d’accéder à une qualification, voire une expertise. En Afrique subsaharienne, la moyenne des enfants scolarisés qui passent du primaire au secondaire était de 66 % pour les garçons et 65 % pour les filles en 2008. En Afrique du sud, ce taux est de 90% pour les garçons et 91% pour les filles. Cela reste insuffisant pour mettre en adéquation les compétences recherchées par le marché et les formations. L’apprentissage et la formation en alternance devraient rapidement trouver une place de choix pour permettre à ce discours-vision de devenir réalité. Sans ré-industrialisation et revalorisation des compétences, le pari n’est pas gagné. YEA.
Ecouter la “Question sur l’actualité du Jour” sur Africa N°1 dans l’émission “La Grande Matinale” d’Eugénie DIECKY du lundi au vendredi à 6h33, 7h33 et 8h33.