Questions sur l’actualité du 2 mars 2012
« Aussi longtemps que les lions n’auront pas leur historien, les récits de chasse tourneront toujours à la gloire du chasseur ».
Il est donc clair que ce proverbe africain s’applique à tous les Africains qui refusent de faire l’effort de se pencher sur leur histoire. Pas celle de la période de l’esclavage et de l’exploitation et de la colonie seulement. Celle bien plus glorieuse d’avant cette période, et bien avant encore lors des épopées des pharaons noirs, et même avant des rois Ethiopiens, etc.
Pour ce faire l’oralité ne facilite pas le travail. Alors en Afrique, un vieillard qui meurt, c’est comme une bibliothèque qui brûle. Quand le dit vieillard se trouve être un historien africain qui garde précieusement les preuves d’un passé glorieux des Africains, alors c’est un pan de la civilisation africaine qui disparaît en fumée.
Problème de conservation ? Certainement. Inondation ? Parfois ! En l’espèce, c’est un problème tabou qu’il convient de révéler. Les grands historiens africains font systématiquement l’objet d’un incendie inexpliqué qui fait disparaître la mémoire africaine.
Le grand et illustre feu Professeur Joseph Ki-Zerbo du Burkina-Faso a vu sa bibliothèque partir en fumée. Le grand journaliste et ex-ministre feu Atsutsè Kokou Agbobli du Togo a connu le même sort. Cela se passe régulièrement dans des systèmes politiques où la démocratie est défaillante et les forces militaires aux ordres d’ordonnateurs politiques peu conscients de la destruction qu’ils occasionnent.
On croirait qu’il s’agit d’histoires anciennes qu’il convient d’oublier. Pas du tout. Ces historiens indépendants tendent à révéler au grand jour des vérités « historiques » sur le comportement des Africains envers leur semblable. Alors, des forces des ténèbres s’acharnent à faire disparaître là où ces experts de l’histoire puisent leur information. Les responsables de ces incendies ne sont jamais identifiés.
C’est ainsi que le 9 février 2012 vers minuit en Guinée à Conakry, la bibliothèque d’un grand historien le Professeur Djibril Tamsir Niane a été ravagée par un incendie, détruisant l’essentiel de ses livres, revues, masques, photos, ses notes personnelles, ses écrits inachevés et en cours, etc. Le professeur était en déplacement. La police semble privilégier la piste criminelle. Plus de cinquante ans de recherches de cet éminent historien et écrivain sont partis en fumée. Cette bibliothèque était privée et la cause de l’incendie restent mystérieuses.
Les pompiers sont arrivés quand tout était déjà en cendre. C’est grâce à un puits tout proche et la solidarité des voisins que le feu a pu être circonscrit. Mais dès que les pompiers sont partis, le feu a repris de plus bel et il a fallu plus de 3 heures pour stopper cet incendie. Heureusement certains écrits sont à l’UNESCO. Mais, une partie du patrimoine guinéen a ainsi disparu à jamais. Comment ne pas être fâché contre ceux qui croient encore qu’en détruisant une bibliothèque, on va empêcher l’intellectuel de dire la vérité historique ? Faut-il rappeler qu’un homme ou une femme sans culture ressemble à un zèbre sans rayures ? YEA.
Ecouter la “Question sur l’actualité du Jour” sur Africa N°1 dans l’émission “La Grande Matinale” d’Eugénie DIECKY du lundi au vendredi à 6h33, 7h33 et 8h33.
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Cheick Oumar KANTE says
Vous imaginez, j’en suis sûr, M. Djibril Tamsir Niane, à quel point je partage votre sentiment devant la perte ne serait-ce que d’une infime partie de votre bibliothèque et à plus forte raison si elle était détruite dans des proportions considérables. Hypothèse que je n’ose pas envisager.
Comme toujours, malheureusement, c’est quand le tragique et l’absurde se donnent la main que se dévoilent les facettes des multiples problèmes guinéens. En l’occurrence, l’incendie de votre bibliothèque pose à beaucoup d’entre nous la question de savoir où rapatrier un jour les documents accumulés dans l’exercice de nos activités, au long de nos pérégrinations. Puissions-nous, les uns et les autres, y songer plus encore maintenant que jamais !
Votre bibliothèque a brûlé, certes mais vous l’historien, l’écrivain, l’homme de culture, (je n’ose pas dire “le vieillard”, même pour paraphraser l’acception noble du savant chez Amadou Hampaté Ba), vous demeurez. Et je vous sais capable d’être encore plus vaillant pour reconstituer, avec toutes les bonnes volontés, le patrimoine à léguer à la Guinée, à l’Afrique et au reste du Monde.