Questions sur l’actualité du 27 Mars 2012
Entre la Côte d’Ivoire et le Ghana, rien ne va plus pour ce qui est du Cacao. Bien que les pays occidentaux, sur la base du droit d’ingérence, aient modifié le cours de la vie politique en Côte d’Ivoire en 2010, cet état de fait n’a pas changé la réalité des échanges illégaux de cacao avec les pays voisins notamment avec le Ghana.
Rappelons que le prix du cacao estimé en centimes de $US par kg était à 233 cents le kg en 1970. Ce prix a connu une chute vertigineuse en 30 ans pour atteindre 91 cents le kg en 2000 et est remonté régulièrement jusqu’à atteindre 260 cents/kg en 2010.
Quand on sait qu’une partie importante du budget de la Côte d’Ivoire repose sur le cacao, chacun peut imaginer les coupes sombres tant auprès des agriculteurs et exportateurs de cacao comme au niveau du budget de l’Etat ivoirien. Au cours de la campagne agricole d’octobre 2008 à septembre 2009, le monde a produit près de 3,54 millions de tonnes de fèves de cacao. L’Afrique a produit près de 69 % du total avec 2,45 millions de tonnes. Mais deux pays, la Côte d’Ivoire avec 35 % du total et le Ghana, 21 % du total produisent à eux deux, plus de 50 % du cacao consommé dans le monde.
L’essentiel de ce cacao transite par les ports d’Europe. Pratiquement l’essentiel de la transformation se fait à l’extérieur de l’Afrique. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, la France et la Suisse transforment beaucoup. Mais le plus gros consommateur par habitant de chocolat est le Royaume Uni, près de 1,3 milliards de $US annuellement.
Ils sont nombreux les parents et les enfants occidentaux qui ne sont pas conscients de l’utilisation généralisée des enfants dans la production de cacao. Cette exploitation est régulièrement passée sous silence. Certaines Organisations de la société civile n’hésitent plus à parler d’esclavage. Si près de 30 % des enfants de moins de 15 ans travaillent dans le secteur primaire en Afrique, en Côte d’Ivoire, ce chiffre est en augmentation notamment dans les plantations de cacao. Sous couvert de la responsabilité sociale de l’entreprise, certaines multinationales se donnent bonne conscience. Mais, ce sont des hypocrites car elles exigent des conditions draconiennes dans le prix payé au paysan. Plus de 1,8 millions d’enfants en Afrique de l’Ouest travailleraient directement dans la culture du cacao.
Si le conflit ivoirien a conduit les Ivoiriens à vendre leur cacao dans les pays voisins, le retour d’un gouvernement légitimé par les pays occidentaux n’a pas changé la donne au niveau de la contrebande du cacao. Les prix sont plus favorables au Ghana voisin. Personne ne peut feindre d’oublier que le cacao a besoin d’être transporté et que certaines multinationales françaises dominent le circuit avec la complicité des régimes politiques locaux. Résultat des courses, les prix au producteur sont de plus en plus bas. Aucun commerçant ou paysan sérieux ne chercherait pas à profiter du différentiel de prix avec le Ghana. Quand la différence à la tonne peut varier en début de campagne de 900 $US/T pour finir en fin de campagne à 500 $US/T, il n’y a pas photo avec une Côte d’Ivoire qui a oublié que la concurrence joue. Les sorties clandestines se retrouvent au Ghana, mais aussi en Guinée, au Libéria et au Burkina-Faso.
Le Ghana a une politique de soutien à la filière et au paysan avec son Office national de Cacao où se détermine le prix d’achat moyen du cacao auprès des producteurs. Au cours de la campagne 2012/2013, le cours était aux alentours de 2000 $US/T contre 1930 $US/T en 2011/2012. Il y a donc une subvention de fait car les prix internationaux ont baissé. La production record de plus 1 million de Tonnes en 2010/2011 comprend aussi la partie de contrebande en provenance de la Côte d’Ivoire (20 % selon certaines sources, mais contestées par les autorités ghanéennes).
Mais il faut féliciter Kwame N’Krumah, le premier Président du Ghana indépendant, qui avait institué un mécanisme de fixation du prix d’achat au début de chaque campagne, prix qui était unilatéralement fixé par le Gouvernement au départ, puis avec le temps repose aujourd’hui sur une négociation entre les quatre principaux protagonistes notamment les producteurs, les acheteurs, l’Office national du Cacao (Cocobod) et le gouvernement. Les négociations avec les multinationales prennent en compte les décisions issues de ces pourparlers. Un fonds de stabilisation et de compensation a été mis en place pour permettre des ajustements de prix en cas de fluctuations et modifications des termes de l’échange. YEA.
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