Questions sur l’actualité du 28 Mars 2012
Les Ivoiriens de la ville d’Abengourou à 30 km de la frontière ghanéenne affirment que tout leur cacao est vendu dans la ville ghanéenne de Osseikro. Aussi, cela fait sauter la taxe qui aurait dû revenir à l’Etat ivoirien et avec le différentiel, les paysans ne peuvent que se réjouir. Alors quand on parle de ne plus faire la contrebande de cacao, ils vous répondent que vous ne comprenez rien à l’économie africaine. Non seulement, le cacao profitera encore longtemps de ce circuit, mais le différentiel de prix attire d’autres produits comme les haricots en contre saison et le fait de profiter des conditions intéressantes avec le port du Togo.
Les douaniers et autres agents de police en profitent pour oublier les règles de libre-circulation des biens, des personnes et des capitaux dans l’espace de la CEDEAO (communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest) et décident aussi unilatéralement de saisir et de se faire payer des suppléments de salaires… Il y a même eu des échanges de tir dans certains ports de Côte d’Ivoire au point de faire déguerpir certains soldats de l’ONUCI qui touchent des très bons salaires pour venir « empêcher » les locaux de mettre du « poisson dans l’Atchéké ».
Manque de ressources ? Certainement, mais avec la pauvreté et le fait d’éviter les grands groupes multinationales pingres, le système D comme « démerde » s’est mis en place avec le transport en camion jusque vers la frontière et le passage en contrebande en motocyclette, les fameux « Zémidjan » à raison de 60 kg environ par moto. Là on passe incognito sur des pistes impossibles et des sentiers en pleine brousse. A raison de 100 FCFA par kg, et 60 kg par chargement, beaucoup d’habitants frontaliers ont pu s’offrir une télévision, un réfrigérateur, payer l’éducation de tous leurs enfants, et pour certains prendre une deuxième femme… Mais cela, l’ONU n’y comprend rien en continuant à les compter parmi les populations disposant de moins de 2 dollars par jour. Tant que les multinationales occidentales fixeront des prix bas du fait d’un faux jeu de la concurrence, les pays disposant d’un espace de discussion et de fixation en commun du prix au producteur seront plus compétitifs et seront légitimés par les populations.
Alors ce n’est pas demain que le prix du cacao sera le même au Ghana et en Côte d’ivoire. Alors, ce n’est pas demain que la contrebande de cacao va s’arrêter.
Alors en attendant une réglementation commune interne et externe, l’Afrique, notamment le Ghana et la Côte d’Ivoire ne peuvent continuer à croire qu’un libéralisme sans régulation permet de garantir le pouvoir d’achat de ceux qui dépendent de la filière cacao. Il faut construire la confiance entre les opérateurs. Il faut des informations fiables, des contrôles, de la prévisibilité dans les prix et un mécanisme de compensation des fluctuations du marché international et un gouvernement capable de dire non aux multinationales pingres et gangsters. Il faut aussi que l’Etat soit plus efficient dans son fonctionnement et que les agents de la sécurité ne deviennent pas de simples racketeurs des fruits de travail des paysans dans la chaîne de valeur cacao.
Mais il faut aussi apprendre à produire et transformer les différentes chaînes de valeur (beurre de cacao, diversifier dans la cosmétique, faire des mélanges avec le karité, et aller vers la singularité que constitue le chocolat).
En stabilisant les prix, c’est tout le secteur rural et le secteur primaire africain qui sont revalorisés. C’est en filigrane tout le secteur alimentaire qui va bénéficier de l’expérience du système de compensation et de maîtrise de la stabilité des prix grâce non pas à un Etat interventionniste mais un Etat régulateur et arbitre des négociations entre les différentes forces du marché.
Il va de soi que les Etats ne peuvent donc accepter sans les réviser les plans d’ajustements structurels des organisations adeptes du consensus de Bretton-Woods qui favorisent systématiquement les multinationales et les réseaux de cartels privés puissants.
Il y va de la sécurité alimentaire des populations. Il faut en conclure que l’Etat régulateur contribue à réduire la pauvreté en créant des richesses. La fameuse contrebande ne l’est plus dans le cadre du respect de libre circulation des biens, des hommes et des capitaux en Afrique de l’Ouest. YEA.
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