Questions sur l’actualité du 30 Avril 2012
Le Président intérimaire de Guinée-Bissau, Raimundo Pereira, et le Premier ministre, Carlos Gomes Junior, ainsi que d’anciens membres du gouvernement et du parti de M. Gomes étaient aux arrêts suite au coup d’Etat militaire du 12 avril 2012 puis relâchés-expulsés le 27 avril sur pression de la CEDEAO vers la Côte d’Ivoire.
Comme chacun le sait, l’Union africaine (UA) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) les ont exclus de toute participation dans leurs instances. Il suffit pour ces instances supranationales africaines et internationales d’organiser des formes démultipliées d’embargos pour faire plier la junte.
Il est toutefois plus intéressant pour les militaires putschistes de ne pas trop apparaître au-devant de la scène. Rapidement, les institutions financières comme la Banque mondiale et la Banque africaine de développement ont suivi le mouvement de l’UA et la CEDEAO et ont gelé leur aide au développement à cette ex-colonie portugaise. Les pays occidentaux et les principaux bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux ont joints le mouvement.
C’est ainsi que l’on apprend que le nouveau Président intérimaire, un ancien candidat éliminé au premier tour de la présidentielle, Manuel Serifo Nhamadjo, a été nommé à 54 ans, Président de la Transition et Braima Sori Djalo, Président du Conseil national de Transition (CNT). Mr Nhamadjo était un dissident de l’ex-parti au pouvoir, le PAIGC et Président par intérim du Parlement avant sa nomination forcée par la junte militaire. Il y a eu des mouvements de chaises musicales puisqu’à la mort du Président Malam Bacaï Sanha, c’est Raimundo Pereira, alors Président du parlement qui a été nommé Chef d’Etat par intérim. Mr Nhamadjo était arrivé 3e du scrutin du 18 mars avec 15,75% des voix, alors que l’ancien Premier ministre Carlos Gomes Junior récoltait 48,9% des voix et était donné favori pour le 2e tour des élections qui devait avoir lieu normalement le 29 avril.
Mais voilà, le nouveau Président et le nouveau Premier ministre intérimaire ont été désignés par les putschistes pour une période de 24 mois sans avoir été consultés. Enième coup d’Etat depuis l’indépendance en 1973 la Guinée-Bissau, Pourquoi tant de précipitation ? Peur de se voir désigner comme responsable de toute cette pagaille ? Non, c’est déjà fait ! Peur de voir la population les « haïr » ? Non, c’est déjà fait aussi ! Alors peur de quoi ? Peur de devenir le bouc-émissaire d’un mécontentement généralisé car la junte, face à autant de levées de boucliers internationaux, ne connait rien à l’économie.
La Guinée-Bissau reçoit près de 4 % de son PIB sous forme d’aide publique du développement en 2011 et a vu sa dette publique envers ces mêmes bailleurs de fonds être effacée passant de 127.8 % du PIB en 2009 à 19 % en 2010. Autrement dit, la dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds est telle que si les putschistes l’avaient su, ils se seraient gardés de procéder à un coup d’Etat, car c’est parce-que les bailleurs de fond ont cru que ce pays commençait à retrouver les chemins d’une certaine démocratie que la dette avait été annulée. Aujourd’hui, ces mêmes bailleurs de fond peuvent très facilement asphyxier ce pays au plan économique surtout que les réserves sont estimées à 2,2 mois d’importations de biens et services.
Autrement dit, arithmétiquement, et toutes choses égales par ailleurs, vers le 18 mai, la Guinée-Bissau serait en cessation totale de paiement. En réalité, le solde extérieur du compte courant du Gouvernement sans l’aide publique du développement est déjà largement déficitaire avec -11,3 % du PIB (richesse nationale) en 2012 et avec l’APD, le déficit reste élevé, soit -8,8 % du PIB pour la même année.
Le solde de la balance commerciale est dans le rouge foncé avec -10,1 % du PIB en 2011 et pas d’améliorations à l’horizon 2012. Les recettes budgétaires du Gouvernement avec ou sans l’APD en 2011 n’atteignaient que 11,2 % du PIB en 2011 et devraient se détériorer sérieusement en 2012. Avec une inflation de 4,6 % en 2011 pour une croissance de la richesse par habitant (PIB/hab.) de 2,5 % pour la même année, la détérioration du pouvoir d’achat des populations est évidente. La croissance économique affichée de 4,8 % en 2011 apparaît dès lors comme un indicateur trompeur.
Alors, pourquoi les putschistes se sont dépêchés de nommer des civils sans leur consentement ? Parce qu’ils n’ont pas été en mesure de payer les salaires des fonctionnaires de l’administration publique et des agents de l’Etat le 25 du mois d’avril 2012 et préfèrent que ce soit des civils qui en portent la responsabilité. La nouvelle date de versement dépendra des pourparlers avec la CEDEAO qui exige d’abord et avant toute discussion le « rétablissement de l’ordre constitutionnel et à la formation d’un gouvernement », comme au Mali du reste.
Ce sera cette équipe formée de civils et de militaires en sous-main qui devra alors fixer la nouvelle date pour toucher les salaires d’avril. Patience et compréhension sont les mots d’ordre des putschistes à l’endroit de la population Bissau-Guinéenne. La CEDEAO exige aussi la « libération des responsables renversés et détenus par les militaires ». YEA.
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