Questions sur l’actualité du 4 Mai 2012
Plusieurs organisations non gouvernementales avaient dénoncé des « crimes racistes » contre des Libyens noirs et les migrants d’Afrique subsaharienne lors du démantèlement du régime de Colonel Kadhafi en Libye. A Misrata, les Libyens noirs identifiés comme des Africains subsahariens ont été enfermés dans des cages comme de vulgaires bêtes de zoo.
Les conditions des miliciens anti-Kadhafi appuyés par les forces de l’OTAN (organisation traité de l’Atlantique Nord) n’ont pas empêché des « humains » se faire traiter de « Kalb » (chien), insulte suprême chez certains Arabes libyens. Pour être empêchés de parler, certains devaient «avaler» des chiffons verts (ersatz du drapeau vert de la Libye de Kadhafi).
Avec l’assassinat de ce dernier, tué à Syrte en octobre 2010 grâce à l’OTAN, on pourrait croire que tout ceci s’est terminé avec l’avènement du Conseil national de Transition libyen. Pas du tout ! Au mois de mars 2012, des combats à l’arme lourde eurent lieu à 700 km au sud de Tripoli dans la ville de Sabha avec plus de 70 morts et 150 blessés.
Paradoxalement, les combats opposaient des groupes (tribu) d’Ouled Slimane, un soutien direct de feu Mouammar Kadhafi et une communauté nomade noire, les Toubous que l’on retrouve au sud de la Libye, mais aussi au Tchad et au Niger. Rapidement, un vulgaire «braquage de voiture » le 25 mars 2012 s’est transformé en des violences inouïes au point où les Toubous ont crié au massacre.
La plupart de ces Toubous n’ont pas reçu la citoyenneté libyenne mais vivent en Libye depuis des années. Le CNT et son armée nationale ont été accusés de prendre part au bombardement du camp de Tayuri, au sud de Sabha, là où justement les Toubous se seraient retranchés. Dénonçant un «plan de nettoyage ethnique», le chef des Toubous, Issa Abdelmajid Mansour a menacé de créer une province autonome « toubou », à l’image du sud-Soudan. Le CNT a nié les accusations. Ceux qui crient sur tous les toits que la colonisation et les frontières factices coloniales en Afrique sont à considérer comme des apports positifs de la colonisation devraient revoir leur copie.
Mais il n’empêche que Les Toubous sont l’exemple même de peuples déchirés et marginalisés lors des découpages des frontières coloniales, qui sous le feu Colonel Kadhafi était marginalisé car continuaient à vivre leur nomadisme grâce au commerce et trafics divers dans le désert sans nécessairement s’aligner sur le Colonel Kadhafi. Il est question aujourd’hui pour le CNT de « décider » de ceux qui doivent « rester » en Libye et ceux qui doivent quitter le territoire tout en proclamant que la Libye est « une et indivisible ».
On se demande après plus d’une génération, comment le CNT peut faire la différence sur le terrain alors que les miliciens optent pour les solutions d’éradication pure et simple, ce loin des médias. A l’est de la Libye, suite à un grand congrès entre les communautés et milices, partageant les mêmes aspirations, le peuple de Cyrénaïque (CPC) a décidé unilatéralement à Benghazi de proclamer l’autonomie de leur région le 6 mars 2012. Ils sont assis sur les 4/5 des ressources pétrolières et gazières de la Libye.
Alors le risque de partition voire de balkanisation de la Libye n’est plus une hypothèse d’école. C’est d’autant plus paradoxal que c’est le même Mouammar Kadhafi qui suggérait de scinder le Nigéria en deux, Islamistes au Nord et Chrétiens au sud. Le contrôle de l’Ouest de la Libye dite la « Tripolitaine » et le Sud « Fezzan » par les communautés autonomes n’est pas impossible. Alors, les peuples et communautés nomades et indépendantes au sud de la Libye apparaissent-ils comme étant de « trop ». L’ONG Amnesty International condamne régulièrement des abus contre les Libyens noirs, après avoir répertorié des actes de torture et des crimes contre des Libyens de la communauté Tawargha (entre 30 et 50 000 Libyens noirs).
Le problème est que le CNT libyen ne semble pas pressé d’engager des poursuites pour identifier les responsables de ces crimes contre les Noirs, donc contre l’Humanité, à moins que les Noirs ne fassent pas partie de l’Humanité, car insuffisamment rentrés dans l’Histoire, selon certains. Il est difficile de croire que les autorités libyennes ne soient pas conscientes de cette ségrégation sous couvert d’abus des droits humains frôlant l’épuration, ce en représailles d’une prétendue perception de la loyauté du peuple Tawarghas envers le feu Colonel Kadhafi. En réalité, tous vivaient dans la terreur s’ils n’obéissaient pas aux ordres de l’ex-dirigeant libyen.
Comment encore croire à la défense des droits humains dans un tel contexte ? YEA.
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