Questions sur l’actualité du 7 juin 2012
Le partenariat entre l’Union européenne (UE) et le Groupe des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) met en jeu 79 pays ACP et 27 Etats européens. Depuis 1975 avec les conventions de Lomé (1975-2000) et l’Accord de Cotonou (2000-2020), les relations asymétriques reposent sur le dialogue politique, le commerce sans industrialisation, et le financement d’un certain développement qui se fait d’abord au profit de celui qui dispose du rapport de force. Bien sûr, chacun s’accorde sur ces relations reposent sur des valeurs, des principes communs et des formes asymétriques de cogestion institutionnelle où la voix des ACP compte pour du beurre de karité. Le volume du 11e Fonds européen de développement (FED) est discuté entre la commission de l’Union européenne, le parlement européen et les Etats membres de l’UE. Concrètement, les pays ACP n’ont pas voix au chapitre et il est même question tout simplement d’intégrer ces sommes d’argent au budget de l’UE, ce qui signifie que ce sera à terme l’UE qui décidera de ce qu’elle donnera ou pas pour ce partenariat. Mais en réalité, cela permet d’éviter les longues et fastidieuses discussions avec les pays ACP qui n’ont toujours pas compris la signification et les implications d’un « partenariat asymétrique » entre UE et ACP. C’est donc bien une proposition de la Commission européenne qui fixe à 34 milliards d’Euros pour la période 2014-2020 l’enveloppe, soit 4,85 milliards d’Euros par an, soit une moyenne de 63 millions d’Euros par pays par an. Il existe de nombreuses conditionnalités implicites au point que certains estiment qu’il s’agit là d’un système de chantage pour éliminer dans les priorités à financer, tout ce qui peut aller à l’encontre des intérêts de l’UE sans nécessairement éliminer ce qui va à l’encontre des intérêts des populations africaines.
Avec l’arrivée des économies émergentes comme alternatives pour les pays ACP de diversifier les formes mêmes du partenariat et d’échapper à l’institutionnalisation-bureaucratisation du processus de négociation qui finit par se faire à l’avantage de l’UE, la révision de l’Accord de Cotonou qui se fait tous les cinq ans, le prochain en 2015, devrait nécessairement refonder le « partenariat entre l’EU et les ACP ».
En moins de 10 ans, la coopération entre les ACP et les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et l’Afrique du sud) tend à montrer que le partenariat EU-ACP est malheureusement encore trop marqué par l’ancienne approche de puissance postcoloniale paternaliste. Un double phénomène a lieu : 1. d’un côté, les douze derniers membres de L’UE orientent leur partenariat vers l’Est et moins vers le Sud et tendent à influencer l’UE des 27 vers une réorientation des ressources financières vers les pays proches de l’UE. Cette approche géostratégique tend à créer les bases d’un renforcement et élargissement vers les pays voisins géographiquement et culturellement plutôt que d’aller vers les pays du Sud, considérés comme lointains et pour certains, comme un gouffre sans fin ; 2. de l’autre côté, avec les nouvelles relations décomplexées avec les économies émergentes, les pays ACP font le constat que le partenariat ACP-EU ne représente que peu de choses en termes d’influence politique et économique. Ce constat tend à s’étendre aussi pour les dossiers portant sur la paix, la sécurité, la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée qui se traitent souvent en bilatéral ou alors aux Nations Unies. Autrement dit, c’est la pertinence même du partenariat EU-ACP qui est remis en cause discrètement car de nombreux ministres de l’UE, qui ne prennent même plus la peine d’honorer de leur présence réunions annuelles du Conseil des ministres conjoint ACP-UE. Une injure pour des ministres ACP qui concluent souvent rapidement au « désengagement de l’UE » avec en filigrane le sentiment qu’ils sont considérés comme des variables d’ajustements ou carrément comme des entités sans influence. Mais les responsables des pays ACP en retour l’ont compris et envoient aussi des responsables de « moins haut niveau » à ces messes EU-ACP. Cet intérêt décroissant au plus haut niveau entre les pays UE-ACP est une marque d’hypocrisie mutuelle qu’il convient de stopper. Peut-être que l’équipe de François Hollande et notamment le ministre délégué aux Affaires européennes, Bernard Cazeneuve, et celui au développement, Pascal Canfin, relanceront sur la base de la vérité économique et commerciale de nouvelles relations entre les ACP, les BRICS et l’UE. YEA.
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