Questions sur l’actualité du 13 juin 2012
C’est grâce à la Chine que l’Afrique commence à se desserrer de l’étau occidental (termes de l’échange inégal, des engagements non tenus de promesses faites au plan des investissements et de l’aide au développement). L’Inde, un autre acteur discret, fait son chemin, un autre grand parmi les économies émergentes.
Si les échanges entre ces deux géants -Chine et Inde- avec l’Afrique sont en progression, chacun s’accorde à noter que le contenu de ces échanges reste principalement fondé sur le couple « matières premières non transformées » pour l’Afrique contre « produits manufacturiers et des accès aux matières premières africaines » pour les pays émergents. Ce qui manque cruellement et qui explique tant la corruption, la non-transparence et de plus en plus les critiques des populations africaines, c’est la régulation de l’Etat africain.
Cet Etat, trop occupé à trouver un retour sur investissement parfois en dehors des textes réglementaires, oublie régulièrement les populations. Le « Pas de régulation au service de tous » a conduit à renforcer un nouveau mal-développement que résume la tryptique : absence de diffusion de la technologie, pas d’investissement dans les capacités productives et surtout d’une part distorsion de la corrélation entre l’investissement et le commerce et d’autre part, le développement et le mieux-être pour les populations, surtout au niveau du pouvoir d’achat. Il suffit pourtant d’une organisation efficiente de l’Union africaine avec ses 54 économies pour que toute décision importante se prenne au niveau d’un gouvernement fédéral. Les dirigeants africains contrôleraient beaucoup mieux les orientations des investissements des économies émergentes en Afrique. Alors, les Etats-Unis d’Afrique au plan économique, une chimère ? Pour le moment, c’est oui ! Le panafricanisme économique aujourd’hui ? Du vent ! Aucun des dirigeants ne veut accepter de céder au moins sur un dossier, sa souveraineté nationale héritée des frontières coloniales. Cette pagaille se voit sur le terrain. La Chine vient d’injecter près de 127 milliards de $UE dans des accords d’extraction de ressources et d’infrastructures en 2010 alors que l’Inde est autour de 46 milliards de $US dans des accords commerciaux en Afrique, et devrait atteindre les 70 milliards d’ici 2015.
Un paradoxe : les entreprises chinoises ont une mauvaise réputation auprès des populations africaines. Elles sont taxées de « brutalité économique », voire « d’inhumanité en économie ». Les relations entre l’Afrique et la Chine sont très « administrées » avec une volonté de respect des délais contrairement aux sociétés occidentales. Alors l’Etat chinois n’hésite pas à soutenir des entreprises publiques chinoises pour entreprendre de grands travaux publics (infrastructures routiers, chemins de fer, construction de stades, bâtiments publics, etc.) avec des financements publics et multilatéraux de long terme (30-50 ans) engageant la garantie de l’Etat africain. Cela a pour conséquence que la Chine importe l’essentiel de sa main d’œuvre et ne crée pas d’emplois décents en Afrique.
L’Inde, plus modestement, table sur une période d’investissement entre 2 et 5 ans et opère par le biais d’entreprises privées qui pénètrent l’Afrique par l’investissement en portefeuille et des acquisitions. Ce type d’investissement crée plus d’emplois locaux et facilite la diffusion des technologies. Les Autorités chinoises ne sont pas insensibles à ces critiques notamment en Zambie où la population n’hésite plus à en venir aux mains… Cette image négative de la Chine est liée à des dirigeants africains qui vendent ou cèdent pour des durées longues (50-99 ans) des parcelles du sol Africain sans l’aval des populations. Cette politique foncière chasse les populations africaines du sol de leurs ancêtres au point que certains ne peuvent même plus rêver de voir leurs enfants vivre sur ce sol là. Alors, est-ce cela la politique de non-ingérence de la Chine qui refuse toujours de considérer dans les contrats, le droit légitime des populations à la propriété collective du sol africain ?
La Chine ne peut réviser sa politique étrangère en Afrique sans intégrer le besoin de vérifier qu’il y a eu « vérité des urnes » et que les dirigeants africains travaillent au service de leur population. On appelle cela comment ? Ingérence ou droit à l’autodétermination des peuples ! La Chine ne peut se voiler la face de manière indéterminée sinon les phénomènes du Printemps arabe pourraient ne pas s’adresser aux dirigeants africains en premier lieu, mais aux ressortissants chinois si leur brutalité économique continuait. YEA.
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