Questions sur l’actualité du 20 juin 2012
La grande réunion de réflexion et d’échanges de projets qui s’est tenue à Libreville en début du mois (8 au 10 juin 2012) dans le cadre du New-York Forum Africa s’est terminée avec quelques contrats et beaucoup de promesses. Mais rien n’a filtré en détails sur la réalité de tout ceci. Il s’agit plus de lettres d’intention et moins de contrats fermes entre les 1000 participants venus de 50 pays du monde. 60 % d’entre eux viennent en Afrique pour la première fois dont l’américain Carl Lewis, l’ex-détenteur du record mondial du 100 m.
Les secteurs privilégiés sont les mines, la finance, les infrastructures, l’énergie, l’eau mais aussi le secteur du logement. Compte tenu des difficultés avec le secteur de la santé et l’éducation, chacun aurait bien aimé entendre que certains investisseurs s’intéressaient à ce secteur. Mais rien !
La satisfaction du Président Ali Bongo Ondimba n’est pas la même que celle des populations gabonaises sur les retombées réelles de cette grande messe des « en-haut-d’en-haut ». Il y a comme une nouvelle religion qui fait office de vision et de programme politique appelé le « Gabon émergent en 2025 ». En réalité, le marché gabonais est assez étroit. De nombreux investisseurs sont venus avec des projets pour un marché régional. On a parlé d’une lettre d’intention pour une cimenterie en Afrique centrale, sans d’ailleurs s’interroger sur la capacité des cimenteries existantes à résister à une nouvelle concurrence ou alors à un simple commerce mondial fondé sur les prix extrêmement bas sur le marché international.
Parmi les accords annoncés, le groupe marocain Adora se propose de construire une cimenterie de 500 000 tonnes de production annuelle avec environ 40 millions de $US (soit 20 milliards de FCFA) dans un pays d’Afrique centrale. Ne serait-ce pas le Cameroun, notamment Douala, où Anaïs Sefrioui, le patron d’une société marocaine, (CIMAF d’Afrique) a aussi annoncé cette construction, deux semaines avant sa venue à Libreville.
La délégation chinoise était bien représentée avec plus de 70 participants, tous au niveau décisionnel. La Chine n’a jamais caché sa volonté d’ouvrir des partenariats stratégiques avec l’Afrique. S’il faut que ces partenariats deviennent tripartites, c’est-à-dire à trois avec un partenaire tierce, pourquoi pas ?
Le Président du Gabon, Ali Bongo Ondimba a souhaité renouveler cette opération l’année prochaine. Il faudra instaurer une obligation de « bilan coûts-avantages » des lettres d’intention pour véritablement s’assurer de la rentabilité de ce genre de grand forum. Car le coût reste relativement important surtout qu’aucun des participants-investisseurs n’a véritablement parlé de comment soutenir le Gabon ou le continent à améliorer le pouvoir d’achat de sa classe moyenne et pauvre. Pourtant, ce sont ces catégories de la population africaine qui devraient absorber l’essentiel des produits manufacturiers qui pourraient sortir à terme des partenariats industriels. Le problème est que chacun regarde d’abord le potentiel énorme des ressources naturelles et minières.
C’est un peu cela que « les indignés du Gabon » ont voulu rappeler en organisant en marge et au démarrage de cet évènement New York Forum Africa une contre-manifestation qui a été rapidement, et de manière musclée, stoppée par les autorités de police. Une quarantaine de personnes ont été interpellées au motif que le contre-forum n’avait pas reçu d’autorisation des autorités gabonaises et donc était illégal. Pourtant, il suffisait d’inviter les deux leaders de la société civile gabonaise, proche de l’opposition, Marc Ona et Gregory Ngbwa Mintsa, à s’exprimer lors de ce forum pour témoigner d’un esprit d’ouverture qui fait encore défaut. Alors faut-il croire que ces investisseurs étrangers tiendront parole ? Est-ce que le Gouvernement gabonais mettra en place un environnement des affaires prévisibles et transparent permettant d’inspirer la confiance à moyen et long-terme ? Pourquoi alors sanctionner la parole de la société civile qui rappelle que de nombreux investisseurs n’ont signé aucune charte sur la transparence de leurs comptes, ni sur la protection de l’environnement, encore moins sur la responsabilité sociale de l’entreprise.
S’il est vrai que les dirigeants africains ne veulent plus être des spectateurs mais des acteurs de leur conception du développement de l’Afrique, il faut néanmoins s’interroger sur les chances de pérennisation d’un développement qui reproduirait les gaspillages, les pollutions, la course des salaires vers le bas et autres travers qu’impose de plus en plus une mondialisation non régulée. YEA.
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