Questions de Sylvain Amos(SA), Journaliste à Kanal K. Suisse.
Interview avec :
Dr Yves Ekoué AMAÏZO, Coordonnateur du CVU-TOGO-DIASPORA, Consultant International.
E : yeamaizo@cvu-togo-diaspora.org
13 mai 2017
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QUESTIONS:
Kanal K. Question 1- Samedi dernier, le 6 mai 2017, notre rédaction recevait le Coordonnateur générale de la Diaspora Togolaise Indépendante (DTI) qui a bien expliqué le bien-fondé de ce mouvement politique avec les principales résolutions, actions et vote démocratique du Bureau provisoire de 6 mois. Il faut noter que c’est bien l’une des première fois que les décisions se prennent démocratiquement et sur la base d’un Consensus dénommé : Le Consensus de Chicago. Vous y avez participez comme un grand acteur de la Diaspora indépendante. Vous y avez présenté deux sujets primordiaux :
- A. Diasporas togolaises: responsabilités et rôles nouveaux. L’émergence de la 6e région du Togo: de l’autonomie de la Diaspora
- B. Développement: création de valeurs ajoutées et richesses inclusives: contributions de la Diaspora au mieux-être individuel et collectif
Lors de la 2e présentation, vous avez insisté sur un terme économique qu’est “la valeur ajoutée et la richesse inclusive” comme solution pour les pays africains, le Togo en particulier. Expliquez-nous un peu ce concept de création de ces valeurs ajoutées et de richesses inclusives ? Pourquoi Faure Gnassingbé ne l’a pas fait, alors qu’il a de nombreux économistes comme conseillers ?
YEA:Je vous remercie pour l’invitation. La valeur ajoutée pour tout un chacun au Togo ou ailleurs est définie comme la différence entre la valeur de ce qui est produit par l’humain et la valeur de tous les biens qui ont été consommés tout au long du processus de production (matières premières, toutes les consommations intermédiaires, et divers intrants y compris le temps passé pour la réaliser le produit final). Il se trouve que lorsqu’on mesure cette valeur ajoutée dans les pays faiblement industrialisés notamment les pays africains et plus particulièrement le Togo, cette valeur ajoutée est très faible, voire inexistante. Le citoyen togolais collectivement a une forme de préférence pour un gain rapide, facile et si possible magique…. La réalité est tout autre. En exportant cette approche sur les méthodes utilisées par le pouvoir en place pour diluer la capacité de résistance et de combat du peuple togolais, on s’aperçoit qu’il suffit de distribuer des miettes d’une richesse accaparée, parfois frauduleusement, pour se créer une clientèle et affidés, prêts à verser dans l’indifférence, l’alignement et l’apolitisme. Certains ecclésiastiques qui refusent la séparation de l’église et de l’État sont devenus des spécialistes pour contribuer à faire croire que tout viendra d’ailleurs ou tout se passera après la mort des uns et des autres, ce à des conditions que vous retrouvez dans les livres religieux…
Les partis politiques dits d’opposition ne sont pas de reste puisqu’il est difficile d’entendre de leur part, un discours qui valorise l’entrepreneuriat, l’effort et la création de valeurs ajoutées, fondement d’une richesse travaillée. Il est plus question de perpétuer l’exploitation des ressources du Togo mais par des personnalités différentes de celles du pouvoir. Alors, il devient impossible de bâtir sur le long terme une société sur cette base. La richesse ainsi créée doit nécessairement faire l’objet d’une diffusion intelligente, elle-même créatrice de valeurs ajoutées. Donc cette richesse inclusive doit servir à soutenir des emplois, des entreprises et moins des rentiers ou des détrousseurs des richesses créées par d’autres. Au niveau de l’État, il faut que les relations entre la France et le Togo changent et reposent sur des bases plus saines, plus transparentes et moins ésotériques car le bilan de cette relation au niveau de la richesse (Produit intérieur brut (PIB)) par habitant est malheureusement déplorable. Avec plus de 68 % de taux de pauvreté et 80 % d’endettement en moins de 5 ans, la gouvernance du système militaro-civil de Faure Gnassingbé est en train de d’atteindre des limites où l’explosion de violence sociale pourrait prendre remplacer la stabilité militarisé.
Alors pourquoi Faure Gnassingbé n’a pas créé de la valeur ajoutée malgré ses nombreux conseillers locaux et étrangers y compris dans la Diaspora alignée, c’est qu’il faut d’abord comprendre le concept, puis vouloir la mettre en œuvre au profit des populations. La réalité est que le concept est mal compris et la mise en œuvre se fait uniquement au profit des affidés du système militaro-civil, y compris avec l’aide des multinationales privées françaises ou étrangères (Qatar, Inde, Chine, etc.).
Kanal K. Question 2. Cette décision dite du consensus de Chicago de se constituer en Mouvement Politique est un peu mal compris par certains togolais. En quoi DTI est-elle différente des autres mouvements de la Diaspora togolaise telle qu’elle existe et fonctionne actuellement ? Prenons l’exemple de votre Mouvement citoyen CVU-Togo-Diaspora?
YEA. La différence est pourtant simple. La plupart des structures associatives togolaises au pays comme dans la Diaspora sont fiers d’afficher qu’elles sont « apolitiques ». Sauf que l’apolitisme au Togo, c’est plébisciter et légitimer le « statu quo ». Alors quelles que soient les motivations, le résultat est bien 50 ans d’usurpation du pouvoir politique, économique, juridique, culturel et même spirituel par un même groupe d’individus assoiffés de pouvoir sans alternance et sans vérité des urnes.
Aussi, la Diaspora togolaise indépendante a pris conscience de cet état de fait comme condition sine qua non pour proposer une alternative crédible au peuple togolais, alternative qui doit nécessairement « augmenter le gâteau économique » sur la base de l’entrepreneuriat, le business décent, la création d’emplois, l’innovation et la richesse inclusive sur des bases écologiques. Cette DTI a choisi de se distinguer mais aussi de se séparer de toutes les autres qui légitiment le système Faure Gnassingbé, consciemment ou inconsciemment, mais aussi d’éviter les confusions du genre avec les structures dites apolitiques et qui en fait tendent à limiter la capacité de développement de la culture de combat et de résistance politique. Il faut bien sûr identifier les « recto-verso », qui sont ceux qui sont adeptes d’une forme randonnée politique entre les « alignés, les silencieux apolitiques et les indépendants sans jamais arrivés à se stabiliser… Ces arrivistes de la politique se retrouvent aussi dans la Diaspora. Il n’est pas possible de travailler à construire un Togo alternatif avec de telles girouettes qui acceptent la servitude volontaire.
Il va de soi qu’il est question par la palabre togolaise intelligente, d’arriver à persuader les uns et les autres. Mais si Faure Gnassingbé ne peut et ne veut être convaincu par le constat de son incompétence en termes de gouvernance politique et économique, il est possible pour la DTI de convaincre les pays d’accueil de ne pas continuer à soutenir une mauvaise gouvernance au Togo qui nourrit la migration non contrôlée vers les pays occidentaux. Mais pire, c’est aussi toute l’insécurité humaine produite par ce régime qui constitue une valeur négative, ce qui se traduit par des destructions de richesses, des manques à gagner et surtout une inégalité abjecte où un nombre très limité naviguant dans le giron du pouvoir s’accapare les biens communs des Togolais quand il ne s’agit pas de le sous-traiter à des multinationales occidentales qui d’ailleurs ne contribuent pas à créer des valeurs ajoutées additionnelles, encore moins des emplois.
Le Mouvement citoyen CVU-Togo-Diaspora a toujours été un mouvement politique mais qui s’investit dans l’influence auprès des pays occidentaux non hypocrites et qui veulent le mieux-être des populations togolaises. En réalité, de nombreux acteurs affichent des positions louables, mais font exactement le contraire dans la pratique… Donc, c’est un travail de vigilance que d’aider à identifier les acteurs qui travaillent contre l’intérêt du Togo et des citoyens togolais. Paradoxalement, on en trouve aussi au Togo et à la tête de certains des 111 partis politiques togolais.
Kanal K. Question 3 : Parlant de votre mouvement CVU-Togo Diaspora, il se susurre sur les réseaux sociaux que vous êtes en accointance avec l’ancien Premier ministre, Mr Agbéyomé Kodjo, qui avait entre-temps quitté le groupe unitaire de quelques partis politiques dits « CAP 2015 » contrôlés par l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) de Jean Pierre Fabre. D’autres disent également que « qui dit Agbéyomé Kodjo dit Dr Yves Ekoué Amaïzo » dès lors que l’on parle de CVU Togo Diaspora. Que répondez-vous pour éclairer la lanterne de nos auditeurs ?
YEA : Vous avez commencé par parler de « susurrer »… il s’agit donc purement et simplement de la désinformation diffusée justement par les affidés du pouvoir et vraisemblablement par esprits à la recherche de la ventrologie quotidienne auprès de ceux qui les envoient en mission de désinformation. Je n’ai jamais rencontré et même serré la main de Mr Agbéyomé Kodjo. Ce dernier n’a jamais financé un centime de mes activités, encore moins le mouvement Collectif pour la Vérité des Urnes. Je rappelle d’ailleurs au passage que le CVU-TOGO-DIASPORA a été copié sous la forme d’un CVU Togo dont la durée de vie en matière de publication et de lutte contre le système de Faure Gnassingbé se sont évaporées comme du gaz dans la nature. Vous avez aussi, à juste titre, rappelé la transhumance politique de l’ancien Premier ministre du Togo qui est en fait retourné à la source. Il n’était donc pas étonnant qu’il fasse le même coup à CAP 2015. Enfin, pour ceux qui sont sur les réseaux sociaux et semblent être frappés d’une cécité profonde, le CVU-Togo-Diaspora n’a aucune affinité avec le parti politique dit « OBUTS », ni avec les structures clientélistes financés par les gens du pouvoir qui leur servent d’alibi dans la société civile et dans les réseaux sociaux. Enfin, je ne suis ni un jumeau, encore moins un sosie de l’ex-premier ministre. Mais dans sa tradition de défense des droits institutionnels, le CVU-Togo-Diaspora avait dans le temps attaqué l’abus de pouvoir de Faure Gnassingbé qui avait unilatéralement fermé le parti OBUTS. CVU-togo-diaspora avait agi par la voie de l’influence auprès des élus occidentaux pour le respect du pluralisme politique au Togo. Bref, il faut laisser Radio Trottoir faire le trottoir…
Kanal K. Question 4. Parlons un peu d’actualité avec l’élection à plus de 66 % d’Emmanuel Macron à la tête de la France. Interrogé sur sa politique africaine, Emmanuel Macron déclarait :
« Je pense qu’il est essentiel que la France soit plus à l’écoute de la société civile et de la jeunesse africaines. (…) J’entends les aspirations démocratiques des citoyens d’Afrique. Je défendrai le respect des principes démocratiques fondamentaux partout en Afrique et je soutiendrai l’action de l’Union Africaine, qui a démontré sa capacité d’action sur ce terrain. »…Et sur le FCFA plus spécifiquement, qu’avez-vous à nous dire…
YEA. N’est-ce pas du déjà entendu ? De quel atout original dispose le Président élu français pour faire autrement, voire mieux, que ses prédécesseurs ?
Les promesses électorales n’engagent que ceux qui veulent bien y croire. Mais si on regarde la liste des multinationales et responsables politiques qui l’ont financé et soutenu, beaucoup sont en Afrique et soutiennent l’autocratie, la dictature, les abus des droits économiques, sociaux, humains, etc. Alors, il reste à attendre de voir s’il va s’entourer des mêmes inconditionnels d’une politique paternaliste avec l’Afrique qui sont souvent dans des réseaux ésotériques où l’impunité et la richesse non inclusive sont des valeurs partagées. Donc, « wait and see »… Personne ne peut mettre en cause la bonne volonté d’une personne dont le courage politique est fondé sur des approches alternatives au point de démissionner pour imposer sa vision de la France. Alors, si cette vision est au service des puissances d’argent et des ténèbres, il aura tout faux. Mais, si cette vision est traduit au plan opérationnel par une organisation de la valeur ajoutée sans usurpée l’Afrique, le Togo en particulier, alors c’est une nouvelle époque qui s’ouvre. Mais si Le Président élu Emmanuel n’a pas pu changer le Président François Hollande, alors il devra se rendre à l’évidence, qu’il ne pourra pas changer Faure Gnassingbé qui a systématiquement usurpé le pouvoir au Togo et servit les intérêts des multinationales et des autorités politiques étrangères y compris la France. Alors, oui, c’est du « déjà entendu »… mais il faut attendre la mise en œuvre.
Sur le Franc CFA, pour être court, le Président français élu ne pourra pas aller contre les lobbies français, africains et togolais qui soutiennent le maintien du Franc de la communauté financière africaine, dont le nom ancien était le Franc des colonies françaises d’Afrique. Comme il a reconnu que l’esclavage est un crime contre l’humanité, il gagnerait à reconnaître que le Franc CFA est un crime contre les Africains et générateurs de pauvreté, d’humiliation et en fin de compte de esclaves postcoloniaux. Mais la real politik ne pourra changer que si les dirigeants africains, demandant à leur ministre des finances d’être systématiquement silencieux lors des conseils d’administration de la zone franc, acceptent de créer une autre monnaie basée sur trois monnaies principales des pays avec l’Afrique fait le plus de commerce. Mais il faudra rétablir une discipline monétaire et une bonne gouvernance économique qui fait défaut. La réévaluation à la baisse de l’Afrique subsaharienne de près de 4 % à 1,5 % de croissance pour 2016 n’est qu’une réalité des pratiques de corruption et de refus de création de valeurs ajoutées et d’une distribution de la richesse de manière inclusive.
Kanal K. Question 5. À la question de savoir, Comment Emmanuel Macron appréhende-t-il la suite et le futur du compagnonnage monétaire entre la France et les pays de la zone CFA ? Aurélien Lechavallier a déclaré que « Le franc CFA est un gage de stabilité économique pour les pays des deux zones monétaires concernées (Zone du FCFA et la zone du franc comorien) »… « La question de son avenir dépendra avant tout du souhait des pays africains et de leurs dirigeants politiques et économiques, en lien avec les autorités françaises. Nous ne sommes pas opposés à des discussions et à approfondir la réflexion sur cette question importante, dans un esprit de partenariat », a-t-il ajouté. Enfin le porte-parole diplomatique du nouveau président de la France émet qu’il va permettre le progrès de l’Afrique. « Notre souhait est de renforcer la sécurité des investissements et le cadre juridique stable des relations économiques avec l’Afrique pour favoriser la croissance et la prospérité africaines », poursuit-il.
YEA : Là encore, il est préférable d’écouter Dieu que les anges… donc la parole d’un conseiller diplomatique du Président élu Emmanuel Macron n’engage que lui-même. Je note simplement que les notions de création de valeurs ajoutées et de richesses partagées ne sont pas apparues dans les extraits que vous avez sélectionnés. Aussi, que la zone FCFA soit un gage de stabilité est une position toute relative. La meilleure stabilité économique signifie le statu quo pour les populations. Une économie est et doit rester dynamique. Donc, rien ne s’oppose que ce soit des acteurs nouveaux avec des concepts alternatifs de la gouvernance économique qui président aux destinées économiques du Togo, et plus généralement des pays africains. Aussi, l’approche bipartisan du « ni gauche, ni droite » ou tout simplement la recherche de personnalités de bonnes volontés pour le progrès pourrait aussi s’appliquer à l’Afrique. Sauf que je ne vois pas comment ceux qui parlent peuvent cohabiter avec ceux qui sont des adeptes des abus des droits constitutionnels, avant d’être ceux des droits humains et des droits économiques. Affaire à suivre !!!
Kanal K. Question 6 : La Coordination des Mouvements et Associations de la Diaspora togolaise basée en Suisse a émis un communiqué assez critique envers les évêques du Togo (qui ont eux-mêmes fait un communiqué daté du 6 et du 27 avril 2017). Quelle est votre lecture ?
YEA. Les représentants de l’Église catholique de Rome ont constaté le désarroi des populations togolaises avec un constat de non-respect des promesses de Faure Gnassingbé à mettre en œuvre les recommandations des responsables d’Église. Sur le constat, il n’y a en principe un consensus. C’est sur les moyens d’avancer qu’il y a un problème. Une partie des ecclésiastiques sont à classer comme la Diaspora. Il y a des évêques et hommes et femmes religieux alignés sur le régime de Faure Gnassingbé, d’autres sont indifférents et se prétendent apolitiques et ceux qui sont engagés et indépendants. Les populations togolaises doivent apprendre à faire la distinction s’ils veulent aller au paradis en ascenseur… Sinon, nombreux sont ces mêmes ecclésiastiques – ou une partie alignée- qui ont légitimé le régime des Gnassingbé, et surtout ne se sont pas révoltés contre l’impunité… alors l’indemnisation des victimes qui n’est qu’une opération de charme qui va s’éterniser jusqu’aux prochaines élections au Togo est une opération de communication.
Surtout que les indemnisations ne se font pas ou se font au minimum, soit moins de 10 % ou moins du tout si vous ne rejoignez pas le cercle des affidés, base d’un système de clientélisme du régime militaro-civil de Faure Gnassingbé. Aussi, il faut aller vers la séparation des pouvoirs entre les confessions religieuses toutes confondues et l’État. Aussi, le rôle d’arbitre ou d’opérateurs neutres de l’Église au Togo est à condamner car il s’agit d’une structure qui freine la capacité de développement de la culture de résistance du peuple togolais. Et que personne ne vienne mystifier ce peuple en faisant croire qu’il faut passer par les évêques pour rencontrer Dieu. La recherche de Dieu est un cheminement personnel et chacun est libre de le faire ou pas, et à n’importe quel moment de sa vie. Vaut mieux tôt que tard…
Je vous remercie. YEA.
13 mai 2017.
Dr Yves Ekoué AMAÏZO.
© Coordonnateur général CVU-TOGO-DIASPORA.