LA COALITION POUR LE DIALOGUE SUR L’AFRIQUE (CoDA) 2009
Diaporama
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
Expert en architecture financière
Préparé pour la Conférence CoDA, Tunis, 28 Novembre 2009
L’une des quatre priorités de CoDA « Réponses africaines à la crise financière mondiale »
PRINCIPAUX MESSAGES
L’Afrique subit les conséquences directes d’une crise exogène liée à un excès de dérégulation et d’organisation de la création de richesse en déconnection avec la production et l’économie réelle. Par sa gestion macro-économique prudente et la faiblesse de ses infrastructures financières, l’Afrique n’opère que très peu dans le marché virtuel, encore moins sur celui de la spéculation. A ce titre, l’Afrique n’est ni coupable, ni responsable de la crise financière de 2008. Elle subit néanmoins dans la durée les effets collatéraux des externalités économiques.
A ce titre, le continent devra proposer des réponses qui ne sont pas nécessairement les mêmes que celles des riches pays industrialisés. La Coalition pour le Dialogue sur l’Afrique (CoDA) offre une lecture alternative de l’économie dominante en privilégiant le point de vue des Africains sur les réponses à apporter aux conséquences en Afrique de la crise financière de 2008. Le paradigme de dépendance économique et financière dans lequel se réalisent en Afrique les opérations économiques, les transactions financières et les arbitrages stratégiques ne répond plus aux préoccupations des agents économiques africains, à supposer qu’il leur ait jamais répondu.
Il y a donc lieu de cerner les contours d’une rupture salutaire avec l’économie palliative et d’amener les riches économies industrialisées, en marche avancée vers une civilisation postindustrielle, à ne plus considérer l’Afrique comme une variable d’ajustement. C’est d’ailleurs la tendance de cette société postindustrielle à considérer comme universelles ses propres solutions aux problèmes de création de richesse qui conduit régulièrement à des raccourcis inacceptables pour l’Afrique tels que l’universalisme de la désindustrialisation. Aussi, la crise financière ne doit pas cacher la crise systémique que traverse l’Afrique malgré les insuffisances notables en termes d’unité sur les grands dossiers stratégiques touchant la monnaie, la finance et l’économie. C’est donc dans cet environnement de recherche d’un consensus nouveau que les principaux impacts de la crise financière de 2008 seront mis en exergue avec comme objectif de sortir du cercle vicieux des éternels préceptes non mis en œuvre, sans tomber dans le piège de la « réduction de la pauvreté » qui n’est pas synonyme de création de richesse partagée.
Alors, plus que des solutions toutes faites, c’est une méthodologie préexistante en Afrique, mise en œuvre et testée par les ancêtres africains avec succès avant la désarticulation de l’économie coloniale et les transferts de ressources africaines vers l’Occident qui est rappelée. Il y a lieu de réinventer le solidarisme contractuel en économie pour mieux gérer l’après-crise 2008, assurer une veille et des anticipations salutaires. Aucune solution n’est pérenne si elle n’a pas pour objet d’abord d’aider l’Afrique à retrouver sa souveraineté économique.
L’Afrique n’est pas en récession en 2009. Elle devrait pourvoir retrouver son niveau de croissance économique d’avant la crise en 2010 et poursuivre sa lente croissance. La leçon principale de la crise financière de 2008 est que le marché n’est en rien un « bon » ou le « meilleur » régulateur des crises financières ou économiques. Le marché n’est pas réputé réduire les inégalités, alors qu’un Etat responsable et régulateur peut le faire et ajuster ainsi des stratégies de sortie de crise selon les différentes régions d’Afrique. C’est le renouveau de cette fonction de l’Etat qu’il appartient à l’Afrique d’organiser.
En réalité, la vulnérabilité financière et économique de l’Afrique repose plus sur ses arbitrages stratégiques. Cette crise financière, succédant à deux autres crises, alimentaires et énergétiques, a affaibli, entre autres, le solde budgétaire global, le solde extérieur courant et les réserves, les bases industrielles et, bien sûr, a globalement érodé les surplus liés à l’exportation. La crise financière de 2008 a eu pour effet de contracter considérablement les marges de manœuvre budgétaire des Etats africains.
Dans le cadre d’un monde globalisé, les transferts de ressources financières vers l’Afrique sont indirectement liés à l’offre économique des pays industrialisés et émergents. Il suffit de rappeler la baisse des transferts de la Diaspora, de l’investissement étranger direct, de l’investissement en portefeuille, de l’aide au développement et de la demande mondiale pour les produits africains. Cela ne doit pas empêcher de tracer les voies d’une économie fondée sur la demande locale et structurée autour d’une économie de proximité si l’on souhaite réellement ne pas sacrifier le secteur social et plus particulièrement la sécurité sociale. Prise collectivement c’est bien l’absence de souveraineté monétaire et financière du continent doublée d’une faiblesse des structures productives qui limite les possibilités de prévention et de maîtrise d’une nouvelle crise financière. L’Afrique est invitée à rechercher les voies qui mènent à la résilience économique en accélérant l’avènement de sa monnaie commune.
Avec un soutien modeste à la croissance économique mondiale, l’Afrique se doit de réinventer le paradigme du « solidarisme contractuel » en économie. Il est proposé d’évoluer vers une résilience économique et financière reposant sur « un Pacte multifacette de soutien au pouvoir d’achat, à la création de richesse et à la prospérité économique ». Cela doit s’inscrire dans la logique d’un nouveau partenariat intelligent entre les dirigeants et la société civile africaine organisée. Il est question d’utiliser la crise financière de 2008 comme un effet de levier pour fonder et promouvoir des alternatives centrées sur le mieux-être des peuples africains.
Par ailleurs, la marginalisation de l’Afrique dans les décisions multilatérales a conduit les principaux pays industrialisés à croire que décréter l’universalisme des solutions est de facto une réponse aux problèmes africains. C’est en fait la simplification à outrance de la complexité des modes opératoires économiques sur le terrain qui est à la base des erreurs stratégiques d’arbitrage et de gouvernance économique. Malheureusement, au niveau des décisions locales, les agents économiques africains, contribuables, consommateurs et électeurs, considérés comme un marché au pouvoir d’achat en devenir, se voient refuser toute transparence dans la diffusion des informations et toutes participations à la prise de décision.
Il y a lieu donc de réinventer les forces ancestrales d’une économie fondée sur le solidarisme contractuel où la régulation, le contrôle et la transparence reprendront leur droit. Cette afrocentricité de l’économie ne peut se faire que par les Africains eux-mêmes. Une grande partie de la société civile africaine ainsi que le secteur privé ne peuvent en être exclus, malgré les multiples contraintes à l’émergence de la démocratie en économie. Il est proposé d’aller vers un Pacte Africain Agile de soutien au pouvoir d’achat de création de richesses et de prospérité économique, qui peut être à géométrie régionale, sous-régionale, sectorielle ou bilatérale avec des contre-pouvoirs démocratiques composés des partenaires sociaux de la société civile et du secteur privé. Ce Pacte commun servira de « repères communs » pour baliser les choix et arbitrages alternatifs en économie et finance orientant le futur à court, moyen et long-terme de l’Afrique et des citoyens-contribuables africains.
En conséquence, l’Afrique ne peut souscrire à une future taxe sur les transactions financières internationales si celle-ci ne doit servir qu’à éponger les actifs toxiques, véritables créances irrécouvrables, au lieu de venir renflouer son futur Pacte de soutien au pouvoir d’achat, à la création de richesse et à la prospérité économique (Pacte). L’objectif est de permettre à l’économie africaine de devenir une économie classée parmi les économies à revenus intermédiaires.
Trois grandes classifications sont suggérées pour servir de cadre de proposition limité à un espace géographique précis. Il s’agit de mesures d’urgence et de court terme (1 à 3 ans), de mesures de moyen et long-terme (3-7 ans et 10-25 ans) et de mesures anti-palliatives (ou mesures anti-piège de la pauvreté). Les agents économiques ont été distribués en sept grands groupes à savoir : 1. les autorités africaines (AA), 2. les bailleurs de fonds publics (BFP), 3. les investisseurs étrangers directs (IED), 4. le secteur privé africain (SPA), 5. la Diaspora africaine (D), 6. la société civile africaine (SCA), 7. la société civile internationale (SCI). Les mesures proposées doivent nécessairement éviter de servir d’antidotes à des approches palliatives transformant parfois l’Africain en un acteur inconscient de la perpétuation de sa qualité de variable d’ajustement.
Dans la mesure du possible, il y a lieu systématiquement de proposer les modalités opérationnelles de mises en œuvre sans verser dans le « Y a qu’a ». Aussi, des propositions sur des sources de financement plausibles et alternatives seraient appréciées sans nécessairement faire appel à la dite « communauté internationale », ni systématiquement à l’Etat sauf si ce dernier a une fonction de régulateur, d’accompagnateur et diffuseur du savoir, de la connaissance et des technologies et du savoir-faire.
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