Questions sur l’actualité du 16 Avril 2012
En comparant les pays francophones et les pays anglophones, il faut malgré tout constater que les ex-colonies britanniques résolvent mieux leur crise politique surtout lorsque l’armée est neutre, reste dans les casernes et soutient la passation de la présidence à une femme, ce en vertu de la Constitution. Chacun se rappelle les difficultés au Sénégal et la pagaille des militaires au Mali.
La mort le 5 avril 2012 du Président du Malawi depuis 2004, Bingu Wa Mutharika, l’ex-Président en exercice de l’Union africaine, a surpris tout le monde. Il a été successivement un fonctionnaire de l’Etat, puis sous-gouverneur de la Reserve Bank of Malawi, ministre de la planification et du développement économiques, puis haut-fonctionnaire au service du Marché commun d’Afrique orientale et australe (COMESA), de la Banque mondiale et de l’ONU. Un pur produit de la carrière publique. Il s’est éteint à 78 ans d’un arrêt cardiaque lors de son transport en Afrique du sud. Il fut un fin connaisseur des problèmes du développement avec un intérêt marqué pour la promotion de l’agriculture. Mais que disent les chiffres ?
La croissance économique annuelle à l’arrivée du feu Président était de 5,5 % en 2004, a atteint un plancher de 2,1 % en 2006, un plafond de 9,5 % en 2007, avant de se stabiliser à 4,6 % en 2011 avec un pronostic à 4,2 % en 2012. Au niveau de la croissance du produit intérieur brut par habitant, on est passé d’une croissance annuelle de 3,3 % en 2004 à 1,7 % en 2011 et des pronostics à 1,3 % en 2012.
Au plan des prix de la consommation qui fait office de la mesure de l’inflation, le Malawi de Bingu wa Mutharika est passé d’une inflation de 11,4 % en 2004 à 8,6 % en 2011, avec une remontée à 11,5 % en 2012. Il a néanmoins réussi le tour de force de réduire le déficit budgétaire sans l’aide au développement de -14,9 % en 2004 à -8,5 % du PIB en 2011 et -8,2 % en 2012 selon les estimations du FMI. Sa gouvernance politique et économique ne devait pas être très efficace puisque l’aide publique au développement, 6,8 % de la richesse nationale (PIB) en 2004, a presque doublé pour passer à 15,7 % en 2010 avant de retomber à 6,6 % en 2011 suite à l’embargo de fait de la communauté internationale.
Les chiffres ne démontrent pas une amélioration claire de la situation économique des citoyens de Malawi. C’est même le contraire puisqu’au niveau de la gouvernance politique, le défunt Président est considéré, par une grande majorité de ses concitoyens, comme un personnage autocrate, assez peu malléable au point que le mot d’intolérance lui collait à la peau. Il aurait hérité de cette « arrogance et du complexe de professeur » de son passage à la Banque mondiale qui a tendance à voir les autres d’en haut. Paradoxalement, son nationalisme s’est aussi inspiré de Robert Mugabe, le Président du Zimbabwe au point que Bingu wa Mutharika a tiré sur des manifestants en juillet 2011, a refusé de quitter le pouvoir en 2014 et s’était mis à dos les principaux bailleurs de fonds occidentaux qui avaient bloqué l’aide publique au développement dès 2010. Mais c’est surtout le fait d’avoir « expulsé » en 2010 de « son » Parti Progressiste démocratique (DPP) Mme Joyce Banda qui l’a fait passer pour un « macho ». La guerre de succession était ouverte et Mutharika ne voyait pas d’un bon œil une femme au sommet de l’Etat.
Le destin a choisi. L’homme est mort, la femme est vivante. Mme Joyce Banda est une militante qui a fait avancer les droits à l’éducation des filles défavorisées. Cette ex-vice-présidente du parti du feu Président a été « mise de côté » pour avoir osé demandé au feu Président d’annoncer son départ. Ce dernier en a pris ombrage et a tenté de modifier la Constitution du Malawi pour rester ou, à défaut, introniser son frère Peter, le Ministre des Affaires étrangères comme son véritable dauphin. Bingu wa Mutharika a donc perdu son pari par la volonté du destin. Son frère était absent lors de la passation du pouvoir lorsque le 7 avril 2012 dans la capitale Lilongwe, Joyce Banda a prêté serment dans les bâtiments de l’Assemblée nationale construits par la Chine.
Vice-président de la République depuis 2009, Mme Joyce Banda, qui a créé son Parti du peuple, est devenue la deuxième femme africaine à accéder à la Présidence de la République. Elle peut ainsi terminer le mandat du défunt Président Bingu wa Mutharika jusqu’en 2014 avant les prochaines élections. Le pourcentage des femmes au parlement en 2010 était de 21 % et devrait substantiellement augmenter sous la présidence d’une femme militante. YEA.
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