Questions sur l’actualité du 16 Janvier 2012
A force de chercher à faire venir les investisseurs étrangers pour soutenir leur développement économique, de nombreux dirigeants africains oublient de réfléchir sur ce qu’ils font et les conséquences sur les populations africaines.
Pire, ils finissent par répondre systématiquement aux objectifs des pays étrangers, des investisseurs étrangers et des institutions internationales avant de penser à répondre à leurs propres besoins.
Comment est-ce possible ? La priorité à l’argent immédiat et si possible facile. C’est aussi grâce à des intermédiaires africains, parfois de la Diaspora, prompts à vendre au plus offrant tout ce qui peut leur permettre de s’enrichir facilement.
Le problème, c’est que ces intermédiaires africains n’ont aucune vision stratégique en tête et croient d’ailleurs contribuer au développement de leur pays. Les pays africains doivent-ils accepter les investisseurs étrangers sur le sol africain pour produire du carburant loin du sol africain avec des produits comestibles ?
La réponse n’est pas évidente. S’il s’agit de répondre uniquement aux objectifs de l’Union européenne qui orientent ces investisseurs et les Etats-africains qui reçoivent son aide vers la production de cultures agricoles devant servir d’agrocarburants afin de répondre aux attentes du secteur du transport en Europe, alors l’Afrique se trompe de stratégie à moyen et long terme en cherchant systématiquement l’argent avant sa survie et son indépendance à long terme.
De nombreux investisseurs en agrocarburant promettent tout. Les populations, avec l’aide des intermédiaires africains, tombent dans le piège des « cadeaux ». Un tel c’est un hôpital ou un dispensaire, d’autres c’est la création d’emplois, d’autres encore, c’est que le paysan n’aura plus faim puisqu’il deviendra salarié. Mais quel salaire ? Un salaire de misère, oui ! Quand il y a salaire ! La réalité est que ceux qui consomment les agrocarburants ne supportent pas les ruptures dans la chaîne de l’approvisionnement. Les cultures de manioc, d’arachide, de sorgho sucré et de maïs qui sont des cultures comestibles peuvent rapidement ne plus atterrir dans le ventre des Africains mais dans le moteur d’une voiture, d’un camion, d’une usine ou d’un avion écologique en Occident.
Alors, le Jatropha, une culture d’agrocarburants non comestibles (un arbre) tend à prendre la relève mais occupe l’essentiel des terres arables. Du coup, la concurrence directe avec les cultures vivrières pour les terres fertiles en Afrique fait rage. Les pauvres, notamment en zone rurale, sont de plus en plus menacés de perdre leur terre, de la vendre pour une bouchée de mil ou quelques kilos de manioc. Ils finissent rapidement par s’endetter et n’être plus capables d’envoyer leurs enfants à l’école, voire même à les nourrir.
Par ailleurs, la culture intensive pour l’agrocarburant est considérée à tort comme un développement durable. Cela contribue à la disparition de pâturages, de forêts. Pour certains, cela détruit même l’habitat naturel et contribue en fait à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Cette forme d’agriculture intensive peut drainer l’eau alors que plusieurs régions souffrent de sécheresse, on se demande ce qui se passe dans la tête des dirigeants africains quand ils prennent leur décision de favoriser les agrocarburants en Afrique.
Le comble est que la plupart des Etats africains ne peuvent pas vendre le produit final qu’est l’agrocarburant sur les marchés internationaux et vendent en fait les produits de base uniquement. Il oublie de procéder à des transformations locales. Sans capacités productives, pas d’emplois locaux durables. YEA.
Ecouter la “Question sur l’actualité du Jour” sur Africa N°1 dans l’émission “La Grande Matinale” d’Eugénie DIECKY du lundi au vendredi à 6h33, 7h33 et 8h33.
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