Directeur du groupe de réflexion, d’action, l’influence « Afrology »
12 décembre 2008
La crise financière occasionnée par les économies riches contribue au tassement de la demande mondiale, avec des pertes de recettes importantes pour l’Afrique en 2009. Le manque de respect des principes de précaution dans la régulation de l’architecture financière mondiale fondée sur un système économique libéral tend à valoriser la discipline monétaire de la finance islamique.
Le marché islamique de près de 2 700 milliards de $ US est concentré dans les pays musulmans au Moyen-Orient et en Asie (1).
Très méconnue, la finance islamique avec 51 pays (2) a connu une progression régulière supérieure à 10 % au cours de la dernière décennie y compris au cours de la crise actuelle. La finance islamique serait-elle immune des crises financières liées à des dérégulations qui font entrer des produits toxiques dans les échanges virtuels ? Certainement, elle est robuste et développe une résilience qui pourrait servir de bonnes pratiques en Afrique et ailleurs.
Le principe fondateur de la finance islamique repose sur le partage des risques et l’obligation pour les produits financiers d’être adossés à l’économie réelle. Il s’agit surtout :
- d’interdictions comme la pratique de spéculer, de pratiquer des intérêts bancaires notamment variables ou des obligations ou encore de récupérer l’argent (un prêt par exemple) au détriment du débiteur, l’investissement dans des produits interdits par la Charia (jeux, porc, alcool, tabac, prostitution, etc.) ;
- d’obligations comme de partager les pertes et les profits, de faire reposer tout produit financier sur un actif, de récupérer l’argent (un prêt par exemple) au détriment du débiteur.
Des produits financiers permettent d’organiser l’épargne au service de l’investissement et font de l’institution financière un intermédiaire responsable qui prend le risque avec le client. Le produit dit “Mourabaha” permet par exemple à une banque, agissant comme un intermédiaire, d’octroyer un financement et de construire sa marge bénéficiaire à partir de frais pris sur les marchandises ou des titres de propriété. De nombreuses variantes permettent de s’adapter aux principales activités commerciales humaines comme le produit dit “Ijara”, une forme de leasing d’un bien mobilier ou immobilier avec option d’achat. La propriété demeure celle de la banque alors que client jouit de l’usufruit.
La finance islamique fait aussi usage de produits dits “Sukuk”, où la banque d’investissement islamique recoure au refinancement sur le marché interbancaire par l’émission d’obligations islamiques.
Si certains des principes islamiques avaient été appliqués aux Etats-Unis, la crise financière actuelle aurait été évitée. Il s’agit entre autres de :
- l’interdiction de pratiquer des taux variables ; en cas de de défaut de paiement, la banque islamique n’applique pas de pénalités de retard ou d’expropriation ;
- l’interdiction d’échanges de dettes entre les établissements financiers (y compris en cas de défaillance), ce qui bloquent complètement les échanges de produits virtuels toxiques et irrécouvrables ;
- l’interdiction de vente à découvert, notamment les “short-selling” ; il s’agit de la vente d’un produit non possédé pour profiter d’une marge notamment lors de la chute d’un titre ; cette forme de spéculation a un effet accélérateur sur la crise financière et boursière.
En fait, ces principles modifient en profondeur le comportement des institutions financières et offrent partiellement une alternative au dogme néolibéral en finance. En fait, la finance islamique se caractérise par des projets et des engagements moins risqués. Les principes adoptés ont réussi à empêcher plus de 660 milliards de $ US de de debt swaps et de produits dérivés, des “armes financières de destruction massives” selon Warren Buffet, de pénétrer ce marché spécifique.
La finance islamique pourrait devenir une forme privilégiée de relais pour les pays africains souffrant de déficits budgétaires.
(1) Risques internationaux, n°109, 15 novembre 2009, pp. 26-31.
(2) Islamic Financial Outlook 2008.