Nicolas Sarkozy, Président français, en concertation avec les dirigeants des principales banques françaises, a décidé, dans le cadre d’une régulation accrue des activités bancaires, de différer 70 % du bonus des traders selon les résultats de la banque où ils/elles travaillent et d’introduire un système de malus qui devrait en principe sur une durée de 1 à 3 ans, repousser voire de bloquer 70% du bonus à percevoir par le trader.
1. Bonus-malus : une bonne mesure
L’originalité de la mesure consiste à différer le paiement partiel de bonus (70%) qui ne seront pas versés en cas de résultats négatifs de la Banque, même si le trader n’est pas directement responsable des mauvais résultats de l’institution financière.
Bien sûr, cela ne concerne que les Banques qui acceptent de travailler avec l’Etat français. Ces dernières pourraient faire l’objet de sanctions non précisées en cas de manquement à leurs nouvelles obligations. L’Etat refusera simplement d’apporter son concours en termes de ligne de crédit ou de garantie pour faciliter les opérations de l’institution financière. Il a été question de “mondialiser” la proposition en amenant les membres du G20[1] à l’intégrer dans leur panoplie de mesures pour tenter de mieux réguler les institutions financières et empêcher qu’une nouvelle crise telle celle liées à l’excès de dérégulation en 2008 ne puisse se renouveler.
Il s’agit donc bien d’une rupture avec l’absence de régulation qui sévissait avant la crise financière de 2008. C’est une bonne mesure surtout qu’elle a été prise de manière concertée avec la direction des institutions bancaires.
Il convient néanmoins de rappeler que le paiement des bonus étalé dans le temps et l’introduction d’un système de malus (opérationnel en cas de perte) ne porte que sur la responsabilité individuelle des traders et non sur la responsabilité collective, avec ou sans fautes, de l’institution bancaire dans laquelle travaille le trader. Par ailleurs, le problème peut se révéler complexe car il faudra prouver la responsabilité et la faute du trader avant de mettre en œuvre ses actions. Ce sera alors au tribunal de trancher, ce qui peut se révéler ne pas être très pratique à la longue.
Ainsi, la responsabilité de la direction des établissements bancaires, elle-même, responsables des traders, a habilement été omise. Donc les vraies sanctions à la tête de ces établissements ne sont pas à l’ordre du jour.
2. Efficacité limitée : besoin de transparence accrue
Est-ce que ces mesures seront efficaces. Certainement sur le plan de la responsabilité individuelle du trader car cela contribuera à changer ses réflexes de prises de risques inconsidérées vers une recherche de couverture de ses risques par une information préalable transmises à sa direction. Cela risque d’ailleurs de réduire considérablement l’agilité en termes de management dans ce genre d’opérations. Ces derniers auront tout intérêt à porter à la connaissance de leur direction respective, les risques importants éventuels sur des engagements hasardeux. Cette efficacité sera plus mitigée pour ce qui est d’empêcher la direction d’une institution financière, directement ou en sous-traitance auprès d’autres structures types Hedge funds, d’organiser l’intégration d’actifs toxiques dans un panier financier sain. Aussi, la mesure bonus-malus appliqué uniquement au trader est incomplète et ne répond que partiellement aux interrogations des clients de ces banques.
En effet, il s’avère nécessaire qu’un volet portant sur la transparence des prises de risques et des responsabilités de la direction des établissements bancaires soit proposé. A défaut, c’est le client de ses banques qui devraient comprendre que lorsqu’il y aura des pertes opérationnelles, ils ne seront plus les seuls à porter le chapeau. Les traders se verront “sucrer” 70 % de leur bonus restant à percevoir. La direction de la banque semble sortir indemne de cette opération et semble ne porter aucune responsabilité des erreurs commises lors de la crise financière de 2008.
L’économie virtuelle dérégulée où finalement toute la responsabilité était transférée au citoyen et usagers des banques, subit un toilettage. Dorénavant, les traders seront responsabilisés. Mais le principe de la dérégulation n’a pas été mise en cause surtout si l’on se réfère aux effets collatéraux sur l’économie réelle. Sur le fond, oui il y a une amélioration de la gouvernance mais il y a lieu d’accroître la transparence et aller plus loin en responsabilisant les dirigeants des institutions financières et bancaires. La responsabilité des responsables bancaires sur la gestion des actifs toxiques, leur transfert vers des portefeuilles d’actifs sains aux dépens de l’honnête citoyen n’a pas été à l’ordre du jour. Il faut espérer que les grands équilibres entre d’une part, la production et le financement de capacités productives et d’autre part, la spéculation, ne se feront pas au détriment des usagers des services bancaires et financiers et des citoyens que nous sommes. YEA.
[1] Le prochain sommet du G20 est prévu aux Etats-Unis, les 24 et 25 septembre à Pittsburgh.