La campagne électorale pour l’élection présidentielle fait que de nombreux candidats versent dans le populisme et les chiffres sur l’éducation sont souvent présentés sous le prisme de la mystification des esprits et des populations. Il faut donc faire attention à ce qui est comparé à coûts de statistiques mal maîtrisées, parfois par certains journalistes indélicats, ayant opté pour vivre de la communication au service de l’État et moins de l’objectivité attendu d’un média indépendant.
1. FAIBLE AUGMENTATION DES DÉPENSES DANS L’ÉDUCATION DANS UN TOGO NON DÉMOCRATIQUE
Les dépenses totales du Gouvernement pour l’éducation au Togo étaient de 19,6 % en 2010 et n’a été que de 16,0 % en 2018 selon les statistiques de la Banque mondiale 1. En comparaison, il faut savoir qu’en 2018, les dépenses totales du Gouvernement pour l’éducation au Sénégal était de 21,6 %, le Ghana, 20,1 %, le Bénin, 18,8 % et la Côte d’Ivoire, 18,5 %. Donc la performance du Togo est largement en dessous des pays où la démocratie fonctionne.
Toutefois, il faut reconnaître qu’il y a eu un peu de progrès car le Gouvernement togolais consacrait 4,3 % du PIB à l’éducation dans les années 1994, on est passé 5 % entre 2018-2019, ce selon les statistiques de l’UNESCO 2. L’information selon laquelle le Togo consacre plus du quart de son budget 2020 à l’éducation est inexacte. En effet, si les bâtiments dont les coûts sont souvent exorbitants finissent par occuper plus de 75 % de ces coûts, alors où est l’argent pour les services et surtout le salaire des enseignants, la modernisation par l’informatisation et enfin les cantines scolaires et surtout les toilettes qui sont disparaissent souvent dans les programmes de construction.
2. PEU D’EFFICACITÉ GLOBALE DANS L’ÉDUCATION AU TOGO
Rappelons que l’éducation est obligatoire au Togo pendant 10 ans et ce entre l’âge de 6 ans à 15 ans.
La réalité est qu’un coefficient d’efficacité dans l’éducation est mauvais du fait d’une mauvaise répartition notamment par rapport au revenu par habitant. En effet, plus de 78% des dépenses sont consacrées à financer l’éducation tertiaire notamment après le Baccalauréat, alors que 16% seulement pour l’éducation primaire et 16 % pour l’éducation secondaire. Les spécialisations techniques ou pour créer les métiers et l’entrepreneuriat sont systématiquement marginalisés, voire même oubliés.
Lorsque ce pays se vante d’avoir un taux d’exécution des projets le plus performant dans la sous-région, il faut rajouter que les rapports d’audits indépendants et des évaluations ex-post sur les résultats attendus et les objectifs poursuivis ne sont pas au rendez-vous. Il faut donc rendre compte aux populations. Par ailleurs, dans le budget des projets financés par l’international ou le bilatéral, une très grande partie, plus de 65 % retourne vers le pays donateur sous la forme d’expertise internationale ou d’équipements. Il n’y a pas de quoi pavoiser. Pour cela, il suffit de montrer le taux de chômage dans le pays.
3. DISCRIMINATION ENVERS LES FILLES DANS LE SYSTÈME ÉDUCATIF TOGOLAIS
Le système togolais est discriminatoire pour les filles dès le primaire. Sur 100 enfants qui ne peuvent pas aller à l’école car le Togo ne s’en préoccupe pas en termes de soutien boursier, 70 % sont des filles et 30 % des garçons.
En 2018, 16 % de garçons et 20 % de filles redoublaient plusieurs fois leur classe, ce au niveau des écoles du primaire et sont souvent exclus de la scolarité sans avoir d’ailleurs des possibilités alternatives structurées. Cette partie de la population est à la merci de l’exploitation sous toutes ses formes.
4. CHANGER LA CULTURE NON ENTREPRENEURIALE DE CEUX QUI AFFECTENT LES BUDGETS DE L’ÉDUCATION
Alors, il faut rester modeste sur les progrès dans l’affectation des budgets, mais la réalité sur le terrain est tout autre surtout qu’il y a un vrai problème de culture entrepreneuriale de ceux qui affectent le budget de l’État. Ces fonctionnaires ne comprennent pas souvent l’intérêt d’orienter le budget vers les formations techniques et digitales et l’entrepreneuriat pour que l’éducation serve à terme à créer des richesses et des emplois au Togo. À ce titre, le nombre de sociétés togolaises qui offrent des formations et un métier à ses employés restent modestes, soit 33 % en 2016 et une difficulté à améliorer ce chiffre compte tenu du manque de soutien de l’État.
Pour finir, si l’éducation fonctionnait si bien, il n’y aurait pas près de 2,3 millions de Togolaises et de Togolais à l’étranger et qui sont non recensés 3. Cela pose le problème de fond à savoir : est-ce que le système éducatif togolais, au-delà des affectations budgétaires de l’État, a pour ambition et objectif de construire une société où fonctionne un État de droit 4 ? On peut en douter ! En attendant, privilégions la formation à des métiers utiles pour le Peuple. YEA.
13 février 2020.
Dr Yves Ekoué AMAÏZO.
Directeur Afrocentricity Think Tank
© Afrocentricity Think Tank.
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Invité : Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
E : yeamaizo@afrocentricity.info
Sujet : Education au Togo. Emission enregistrée le 13 février 2020.
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Notes:
- World Bank (2020). World Development Indicators 2020. World Bank : Washington D.C. ↩
- UNESCO (2020). Statistiques sur l’éducation au Togo par l’UNESCO. UNESCO : Paris. Accédé le 13 février 2020. Voir http://uis.unesco.org/country/TG ↩
- UNESCO (2019). Rapport mondial de suivi sur l’éducation 2019 : Migration, déplacement et éducation : bâtir des ponts, pas des murs. Global Education Monitoring Team. UNESCO : Paris. Accédé le 13 février 2020. Voir https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000367435 ↩
- Aléza, S. (2018). L’état de droit au Togo : de la sociologie de l’éducation institutionnelle. Edition L’Harmattan : Paris. ↩