ANALYSE DU 5 NOVEMBRE 2011
Elus le 21 octobre 2011 par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations-Unies, le Togo et le Maroc, à côté de l’Azerbaïdjan, le Guatemala et le Pakistan, sont devenus membres non-permanents du Conseil de Sécurité des Nations-Unies pour le biennum 2012-2013. Le Togo s’est auto-félicité. Mais peut-on se féliciter de ne pas avoir de rôle véritable puisqu’il est difficile, voire impossible au Conseil de Sécurité, pour le Togo de ne pas voter comme la France et/ou de voter contre les Etats-Unis ? Alors, comment les dirigeants togolais réussissent-ils à organiser leur alignement-soumission au Conseil de Sécurité alors qu’ils récusent partiellement l’exécution de la décision de la Cour de justice de la CEDEAO qui a condamné les pratiques de licenciement abusif de 9 parlementaires togolais ?
1. TOGO, UN DEPARTEMENT FRANÇAIS AU CONSEIL DE SECURITE DE L’ONU
La vraie question qu’il faut poser est de savoir pourquoi l’Afrique n’est pas un membre à part entière, mais un simple observateur au G20 ? Pourquoi l’Afrique n’est représenté qu’en tant que membre non-permanent au Conseil de Sécurité, une instance décisionnelle mondiale dont les résolutions ne sont appliquées que selon la bonne volonté des grandes puissances, les Etats-Unis en tête, la France pour les pays francophones.
Alors, si un pays francophone se retrouve élu comme membre non-permanent, il ne faut pas s’étonner qu’il ait bénéficié d’un coup de pouce d’un membre permanent influent du Conseil de Sécurité. Personne ne doit donc être surpris dès lors que la position des pays francophones comme le Togo et le Maroc s’aligne sur celle de la France. S’en réjouir comme le fait le Gouvernement togolais, c’est comme un esclave qui se réjouit quand son maître lui octroie un jour sans coup de bâton. Sauf que le bâton est bien là au Conseil de Sécurité. Le Togo ne pourra pas voter contre la France ou contre les Etats-Unis.
Dans ce nouveau rôle, le Togo va apprendre comment l’on vote à main levée au Conseil de Sécurité. Cette façon de voter va surprendre les autorités togolaises qui n’arrivent pas à assurer la vérité des urnes au Togo : ni avec des bulletins secrets, ni avec des souches et des fiches électorales contrôlées et contrôlables. Alors imaginez s’il fallait voter au Togo à main levée dans les différents organes non-indépendants ou infiltrés par le pouvoir, ce serait la fin de l’hypocrisie électorale au Togo.
Le premier cas pratique pour le Togo est lié à la Palestine. C’est le 23 septembre 2011 que le Président palestinien Mahmoud Abbas a officiellement déposé une demande d’adhésion de la Palestine à l’Assemblée générale des Nations-Unies. En attendant la décision du Conseil de Sécurité et alors que les Etats-Unis ont déjà indiqué qu’ils poseront leur véto, une agence des Nations-Unies a eu le courage de choisir de témoigner de son indépendance et de sa liberté dans la constellation des Nations-Unies.
La Palestine est devenue le 195e Etat membre à part entière de l’UNESCO, une agence spécialisée des Nations Unies en charge de l’éducation, de la science, de la culture. La France a voté en faveur de la demande d’adhésion de l’Etat palestinien à l’UNESCO mais a confirmé le 4 novembre 2011 qu’elle s’abstiendra en cas de vote au Conseil de sécurité de l’ONU, comme au demeurant la Royaume-Uni et la Colombie. Il faut au moins 9 voix au Conseil de sécurité pour qu’une majorité se dégage mais elle est symbolique car le véto d’un des membres permanents du Conseil peut tout bloquer.
Si la France dit « oui » au niveau de l’UNESCO et n’ose pas dire « non » au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU, devinez ce qu’ont fait les diplomates togolais ? Le Togo a voté « oui » pour l’adhésion de la Palestine à l’UNESCO et n’osera pas s’opposer à la position de la France. Les dirigeants togolais sont incapables de soutenir une confrontation inutile qui pourrait d’ailleurs avoir comme conséquence de leur faire perdre le soutien indirect de la France pour le maintien au pouvoir de Faure Gnassingbé, comme au demeurant Paul Biya au Cameroun. Le Togo a compris que pour passer sans problèmes les 2 années (2012-2013) au Conseil de Sécurité, et après avoir assimilé la formation préparatoire à gérer la présidence du Conseil de sécurité en 2012, il suffit de voter automatiquement « abstention ».
Le Togo, en s’alignant systématiquement sur les positions françaises et américaines, a trouvé la meilleure des formules, l’abstention. Cela permet d’ailleurs au passage d’être invité à déjeuner ou dîner régulièrement avec tous les autres membres du Conseil de Sécurité qui n’ont pas compris que les représentants du Togo se comportent comme s’ils étaient un département français. Au demeurant, Faure Gnassingbé est-il un Président élu par la vérité des urnes au Togo, ou s’agit-il indirectement d’un Préfet d’une entité déconcentrée de la zone franc qui risque d’être limogé dès lors qu’il ne met pas en œuvre les instructions venant du véritable décideur sur les affaires stratégiques du Togo, assis bien loin de Lomé ?
2. ABSENCE DE SOUVERAINETE ET ABSENCE DE VERITE DES URNES
Rappelons qu’en représailles et conformément à des lois internes de leur pays, les pays comme les Etats-Unis et Israël ont décidé de suspendre leur contribution financière au fonctionnement de l’UNESCO, donc le blocage d’au moins 25 % des fonds finançant les programmes de coopération de l’UNESCO. Alors imaginez si le Togo ose dire « oui » au Conseil de Sécurité, il n’est pas impossible que ceux qui ont adoubé Faure Gnassingbé pour devenir membre non-permanent du Conseil de Sécurité risquent de venir le chercher par la culotte pour le remplacer rapidement à la tête de l’Etat. En retour, en choisissant l’abstention, tout continue comme avant au point de permettre au Togo de refuser d’appliquer totalement une décision de la Cour de Justice de la CEDEAO, décision qui fait autorité sur les décisions de la Cour constitutionnelle du Togo. C’est le Togo qui a cédé une parcelle de sa souveraineté à la CEDEAO. Le Togo, ne peut revenir dessus maintenant si la justice sanctionne ses errements de gouvernance. L’article 106 de la constitution togolaise n’a aucune valeur dans le cas d’une acceptation de la subsidiarité. Mais c’est vrai qu’au Togo, le Gouvernement n’est pas à une infraction près en matière de droit et de justice.
Pour revenir au cas palestinien, La France propose à Mahmoud Abbas d’opter pour le statut d’Etat non membre devant l’Assemblée générale des Nations-Unies. Sans succès pour le moment. En comparaison, le Togo, en versant dans le mimétisme tel un perroquet, apparaît comme un département de la France à l’ONU, ce qui fait penser que le Togo a un statut d’Etat membre permanent d’une Communauté française politique, ce qui exclut son indépendance et remet en cause sa souveraineté. Il est donc normal dans cette circonstance que la contre-vérité des urnes soit tolérée dans le cadre des élections présidentielles en 2005 et 2010 pour permettre de continuer à faire partie de cette Communauté française tant souhaitée par le Général De Gaulle. Dans cette logique, rien n’exclut les élections présidentielles de 2015 et de 2020.
Que cela déclenche des marches pacifiques de contestations depuis plus de 18 mois au Togo ne pose pas de problèmes à ceux qui défendent Faure Gnassingbé tant que ces manifestations sont circonscrites en continuant à jouer sur la division des forces et partis politiques qui offrent des alternatives au Peuple togolais.
3. LE TOGO, UNE PREFECTURE DE LA FRANÇAFRIQUE
Il faut offrir des alternatives sinon un dirigeant politique togolais ne peut être considéré comme étant dans l’opposition. Le problème de l’opposition togolaise est qu’il y a de nombreux déçus ou non-élus dans le système RPT/AGO (Rassemblement du Peuple Togolais et les Amis de Gilchrist Olympio) qui n’offrent pas d’alternatives ou d’opportunités nouvelles autres que d’opter pour une démocratie de la convivialité partagée tout en permettant à l’homme d’Eglise non démocratiquement élu à la tête de la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) de conduire lentement le Peuple togolais à pardonner ceux qui ont tué, massacré, blessé, volé, violé, humilié les Togolais et Togolaises.
Les audiences publiques, privées ou à huis clos de la Commission vérité, justice et réconciliation n’attirent pas les foules et ne donnent aucun gage de transparence. Tout ce qui est important, c’est de continuer à endormir le Togolais et la Togolaise en expliquant que tout sera réglé après la mort. En attendant, le CVJR demande au Peuple togolais de parler, de pleurer, de s’indigner et de pardonner…
Pardonner est en fait un ordre ! Un ordre religieusement qui veut que si tout se passe bien, chacun ira au paradis.
Mais est-ce qu’un religieux peut réussir le pari d’annihiler moralement les violences subies et vécues lors des consultations électorales passées ? Ceux qui estiment travailler pour Dieu sur terre peuvent-ils dénier la soif de justice et de transparence réclamées par les Togolais et Togolaises conscients du gâchis de gouvernance que subit le Togo ? Dès lors que le Peuple togolais continue à donner la priorité à l’urgence du ventre, cette science exacte qu’est la « ventrologie » cumulée avec l’autre science de la servitude « le fofoïsme togolais » tiré du respect religieux de grand-frère ou du vieux, le Togo risque de continuer à tolérer des gouvernants qui gèrent une préfecture de la françafrique.
4. LA DEMOCRATIE TELEGUIDEE DE L’EXTERIEUR NE MARCHE PAS
Alors si le Togo est une préfecture de la Françafrique, il faut croire que la démocratie n’est pas téléguidée qu’en zone francophone. Les partis d’oppositions qui offrent des alternatives refusent de plus en plus de participer aux élections présidentielles ou législatives.
Alors, comme le vote démocratique ne permet plus l’alternance comme actuellement au Cameroun et au Libéria, l’absence de réflexion en profondeur entre les acteurs de l’alternance et le refus d’anticiper le renouvellement de Faure Gnassingbé au pouvoir en 2015 devrait logiquement conduire à maintenir l’opposition togolaise dans une division, une sorte de guerre froide.
Toutefois, il faut distinguer entre ceux qui travaillent pour le Peuple togolais et ceux qui font semblant afin de se faufiler entre les mailles pour obtenir un poste, juteux si possible. Ces traitres n’ont d’autres objectifs que de s’assurer de diviser ou d’empêcher l’organisation d’une option alternative pour les citoyens togolais. Les réseaux ésotériques servent alors de rempart, de protection et d’impunité.
5. TOGO SOUS INFLUENCE COMME LE LIBERIA ET LA COTE D’IVOIRE ?
Après le premier tour des élections présidentielles au Libéria le 11 octobre 2011 et la contestation sérieuse des résultats qui ne reflètent pas la vérité des urnes, l’opposant Winston Tubman et son parti Congrès pour le Changement Démocratique (CDC) refuse d’aller au deuxième tour prévu le 8 novembre 2011. L’Afrique va ainsi bientôt assister à la première femme, la Présidente sortante Ellen Johnson-Sirleaf, choisie d’abord par les puissances extérieures qui lui ont octroyé un Prix Nobel de la paix fortement contestée, à être déclarée Présidente d’office, choisie sur les bases de la contre-vérité des urnes.
Le problème est que l’opposition propose comme solution des « manifestations pour la paix », un clin d’œil au prix Nobel téléguidé accordée à Ellen Johnson-Sirleaf et un clin d’œil aux marches de protestation qui ont lieu au Togo. Le paradoxe est que ce qui est réclamé, c’est un scrutin transparent, bref, la vérité des urnes. Tout le monde sait que le boycott n’empêche nullement l’organisation du scrutin sans l’opposition. En Côte d’Ivoire, ce sont les principaux membres du Front Populaire Ivoirien (FPI), le parti de l’ex-dirigeant Laurent Gbagbo, qui brillent par leur absence dans les prochaines législatives. Cela n’empêche pas le pouvoir imposé par la France de tenter de diviser pour que des petites formations issues du FPI et poussées par la ventrologie puissent donner un semblant d’élections législatives dans ce pays.
Au-delà des ingérences et des interférences qui neutralisent la souveraineté et l’indépendance de certains pays africains, quelques pays occidentaux qui promettent la démocratie en Afrique, souhaitent bien mettre à la tête des Etats, un dirigeant africain, homme ou femme. Mais ce dirigeant doit d’abord accepter de se comporter comme un véritable « préfet » au plan national comme au plan international.
Le Togo, la Côte d’Ivoire, le Libéria seraient-ils des préfectures occidentales ? La vérité est bien plus proche du Oui que du Non. Alors au Togo, pour éviter les contestations qui pourraient tout bouleverser, le pouvoir de Faure Gnassingbé a choisi d’organiser la dictature de la Cour constitutionnelle 1 et tente de structurer depuis le 1er janvier 2011, un « dialogue inclusive » qui n’inclut que ceux qui veulent évoluer au sein de la mouvance présidentielle. Bref, il veut créer un parti unique convivial.
6. GOUVERNEMENT TOGOLAIS : NON-RESPECT D’UNE AUTORITE JUDICIAIRE SUPRANATIONALE
Lorsque la Cour de justice de la CEDEAO a condamné le Gouvernement togolais pour ce qu’il convient d’appeler aujourd’hui une forme nouvelle de licenciement abusif de 9 parlementaires togolais 2, elle n’a pas imaginé que le Gouvernement togolais soit passé maître dans la gestion de la capacité dilatoire. Cette discipline scientifique spécifique au Gouvernement RPT/AGO permet de donner l’image d’un Gouvernement bien intentionné mais qui joue avec le temps pour mieux berner tout le monde. La Cour de justice a clairement indiqué :
- que les députés togolais n’ont pas démissionné de leur mandat parlementaire et doivent donc être réintégrés dans leur droit ; et
- que l’Etat togolais est condamné à payer la somme de 3 millions de FCFA par député en guise de réparation de la violation des droits humains.
Le Gouvernement, dans sa décision prise en Conseil des ministres du 2 novembre 2011, choisit de payer mais pas de réintégrer les députés de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) pour le moment.
En s’assurant que les délais impartis pour exécuter la décision de la Cour de justice sont passés, il y a lieu de faire constater par la Cour de Justice de la CEDEAO que le Togo refuse de respecter l’autorité de la chose jugée et de le faire constater afin de rappeler à la France qui soutient Faure Gnassingbé que ce dernier a peut-être oublié de suivre la formation adéquate pour respecter des décisions judiciaires. Sur un autre plan, il importe de sensibiliser tous les parlementaires français, européens et américains que le Togo a trouvé une technique pour licencier les parlementaires, une façon nouvelle d’usurper et de neutraliser le mandat électif dès lors que les élus ne s’inscrivent pas dans la majorité présidentielle. Alors bien sûr, il suffit pour Faure Gnassingbé d’inventer le « dialogue inclusif » pour que les mêmes responsables occidentaux continuent à faire semblant de croire que le Togo est en marche vers la démocratie.
Il ne faut donc pas s’étonner qu’on ne puisse pas avoir de consensus au sein des membres du Cadre Permanent de dialogue et de concertation (CPDC) lesquels croient que le problème du Togo est lié au choix d’un régime politique approprié que ce soit un régime dictatorial, présidentiel, semi-présidentiel, parlementaire ou semi-parlementaire. Ils oublient que Faure Gnassingbé pense tous les matins, lorsqu’il se rase, à changer la limitation du mandat présidentiel au-delà de 2 mandats de 5 ans et à créer son parti politique pour mieux enterrer le Rassemblement du Peuple togolais (RPT), le parti de son père.
7. RECOMMANDATIONS DE CVU-TOGO-DIASPORA
CVU-Togo-Diaspora recommande alors à la Communauté internationale et aux citoyens togolais y compris ceux de la Diaspora que Faure Gnassingbé refuse toujours de recenser pour les exclure des prochaines élections, de :
7.1 s’indigner de la dégradation institutionnalisée du droit et du non-respect par le Togo d’une décision supranationale alors que le Gouvernement a accepté le principe de subsidiarité ;
7.2 informer tous les élus là où ils sont dans la diaspora comme au Togo des pratiques hors-la-loi du Gouvernement de Faure Gnassingbé ;
7.3 se mobiliser pour réintroduire les 9 députés qui sont les premiers parlementaires licenciés abusivement par le pouvoir togolais ;
7.4 renvoyer une recours en révision à la Cour de Justice de la CEDEAO afin de notifier le refus du Gouvernement d’exécuter la décision une fois les délais impartis passés ;
7.5 demander aux institutions internationales de soutien de financer directement les partis de l’alternative dont la direction est élue démocratiquement sous la condition que ces partis politiques et mouvements citoyens se retrouvent dans une sorte de conseil national de l’alternance au Togo ;
7.6 arrêter de croire qu’un régime politique quel qu’il soit peut fonctionner au Togo sans la vérité des urnes ;
7.7 comprendre que l’avenir d’un Togo démocratique ne peut pas être paisible sans l’abandon du système RPT/AGO, ou à défaut la démission de Faure Gnassingbé lui-même.
Le 5 novembre 2011.
Dr Yves Ekoué AMAÏZO Coordonnateur Général |
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Notes:
- Yves Ekoué Amaïzo, « Togo : la dictature de la Cour constitutionnelle », in cvu-togo-diaspora.org, 26 octobre 2011, voir < https://cvutd.afrocentricity.net/2011/10/26/togo-la-dictature-de-la-cour-constitutionnelle/5588 > accédé le 5 novembre 2011. ↩
- Voir l’arrêt de la Cour de Justice, n° ECW/CCJ/JUD/09/11 du 7 octobre 2011 et relatif à l’affaire qui oppose neuf députés ANC à l’Etat togolais. ↩