Lever l’intangibilité des frontières et opter pour un passeport commun
Collectif (Jonas Rano, Mathieu Mounikou, Atsutsé K. Agbobli, Philippe Lavodrama, Robert Charvin, Philippe Engelhard, Pathé Bolé Dieng, Joseph Ki-Zerbo) sous la coordination de Yves Ekoué Amaïzo – Préface de J. Ki-Zerbo
L’exploitation du continent africain, la colonisation, les ingérences multiples, l’allégeance alimentaire ont pu perdurer en Afrique grâce à l’absence d’unité. L’Afrique n’arrive-t-elle à s’unir que sur ses désaccords ? Sans organisation et actions collectives sur le continent, c’est un monde sans les Africains qui est en train de se dessiner. S’organiser collectivement, c’est assurer l’avènement d’une diplomatie nouvelle à savoir : l’influence sans la puissance. Au cours du XXIè siècle, l’Afrique sera-t-elle capable de construire collectivement cette interdépendance émergente ?
Editions de L’Harmattan | ISBN : 2-7475-2256-3 • 2002 • 664 pages
Résumé :
Malgré tous les efforts dits bienveillants d’une communauté internationale principalement occidentale, pour prévoir et projeter en Afrique un certain développement sans emplois, c’est l’organisation de la désunion selon la formule diviser pour préserver ses intérêts qui a prévalu sur le continent africain au cours de cette fin de 20e siècle. Parfois, il fut aussi question d’organiser entre autres, l’élimination des Africains d’ Afrique en faisant le commerce des armes grâce à la gestion télécommandée des guerres civiles, à la globalisation du sida, ou encore grâce à toute une technique subtile d’attraction des élites vers les pôles de richesses situés actuellement en Occident. Il est possible de constater que tout est en place pour empêcher l’ Afrique de s’unir. La globalisation de l’économie a révélé un développement mutilé de l’ Afrique.
Pourtant les Africains ne sont pas neutres dans cette histoire. Beaucoup, avec un cynisme froid importé de là d’où proviennent les instructions de gouvernance, ont préféré opter pour des politiques de trahison de la cause de l’unité, annihilant les chances véritables d’émergence d’une Afrique plurielle et interdépendante. Les dirigeants actuels semblent aveuglés par un besoin viscéral d’organiser l’unité africaine sans la société civile. Les populations sont parfois même sommées de se taire ou de subir, souvent dans la chair, la dure réalité de la conception de l’ordre public africain inhérent à la gestion patrimoniale de l’Etat-nation importé. Mépris, arrogance ou déni d’existence ? Non, peur de la transparence. Le masque de la langue de bois est alors souvent appelé au secours.
La collusion entre les dirigeants occidentaux et leurs amis africains finit par fàire croire que l’objectif ultime de l’Union africaine ne relève, au mieux, que d’une plaisanterie d’un mauvais goût, ou plus simplement de la naïveté. En faisant obstacle à la participation dc la population grâce à une gouvernance de la non-transparence, il est question d’empêcher la société civile de prendre conscience de sa souveraineté, de se réveiller et de réclamer ses droits à l’autodétermination, L’Afrique, reine du rythme et de la rumba, est une société à vitesse lente qui ne peut se permettre de cautionner cette nouvelle et virtuelle partition du continent selon les schémas de 1885, établis à Berlin. Malgré tant d’efforts pour exploiter ce continent sans en faire bénéficier la population autochtone, malgré les mouvements chaotiques de modifications forcées des frontières par des mouvements armés, malgré l’apurement de la dette en trompe-l’oeil, malgré l’aide-conditionnée où les conditionnalités prennent le pas sur la volonté d’aider, malgré la volonté de dé-populationner l’ Afrique par tous les moyens, c’est au fond le constat d’échec des politiques importées et de gestion du quiproquo qui apparaît au grand jour. Ces dernières ont pourtant réussi à faire oublier l’urgence de l’organisation collective en Afrique.
Au-delà de l’égoïsme des dirigeants occidentaux et de leurs amis africains, c’estfinalement la difficulté à contrôler ce continent et sa résistance émergente qui retiennent l’attention. Bref, c’est l’impossible indivision d’une Afrique considérée comme un bien public global. Vouloir en faire un bien privé de quelques Etatsnations occidentaux dans le cadre de la globalisation est une erreur qui risque de coûter chère aux contribuables occidentaux, considérés comme les payeurs en dernier ressort.
En réalité, c’est d’interdépendance dont a besoin l’Afrique et c’est ce message qu’ilconvient de soutenir et de rendre opérationnel. Finalement, être incapable de s’unir,c’est organiser collectivement, et de manière prévisible, le suicide collectif de cecontinent. Au contraire, s’organiser collectivement, en se jouant des anomies del’imprévisibilité et des ingérences non-neutres, c’est assurer l’avènement d’une diplomatie nouvelle, à savoir: l’influence sans la puissance. L’Afrique en est-elle capable au cours du 21e siècle ? That is the question! Elle ne pourravraisemblablement pas prétendre émerger au cours de ce siècle si elle ne retrouvepas sa légitimité populaire notamment en organisant l’avènement de parlementssupra et infra-nationaux.
II suffit d’évoquer l’idée d’une prise de conscience collective des intérêts de l’Afrique pour que les vieilles querelles, marquant la création de l’Organisation de l’UnitéAfricaine (OUA), se réveillent parfois attisées par des forces extérieures à l’Afrique.Depuis la volonté affichée de l’Afrique du Sud d’appuyer la renaissance de l’Afrique, la croisade libyenne de construire à une vitesse soutenue les Etats-Unis d’Afrique, lebesoin du Ghana de rappeler que les dirigeants n’ont pas toujours oeuvré pour lebien de la population, et la volonté affichée de plusieurs Chefs d’Etat de consoliderles progrès au niveau de l’intégration sous-régionale ) , il faut malheureusement se rendre à l’évidence que le plus petit dénominateur commun consistant à dépoussiérer l’OUA en guise de réforme semble demeurer la triste réalité des avatars de l’Union africaine. Faut-il en déduire que la politique des petits pas nesemble plus fonctionner ?
Certains responsables d’Etats africains ont trouvé plus facile de consolider leurs cordons ombilicaux avec l’ex-colonisateur, inaugurant en cela le paradigme du nombrilisme; d’autres ont préféré chercher à joindre discrètement des structuresrégionales existantes extérieures à l’Afrique plutôt que de construire l’Afrique dedemain. Il devient urgent de redonner une priorité égale à une Afrique économique,une Afrique politique et une Afrique sociale, cette dernière n’a pas encore fait l’objetd’une inscription à l’ordre du jour des discussions. Faut-il croire alors que face àl’histoire, les Chefs d’Etats africains sont collectivement des irresponsables ? Assurément pas !
Avec le phénomène de la globalisation des économies et la circulation de produitspermettant à l’Afrique d’organiser sa propre déstabilisation, l’Etat-nation occidentalimporté en Afrique est devenu obsolète et dangereux. Il est donc clair qu’enrecherchant l’union sans adhésion et participation de la société civile, les dirigeants africains ont choisi la voie rapide et risquée de l’unité des Chefs d’Etat. Même cela semble impossible à réaliser… Bref, on ne décrète pas l’unité africaine. Il faut d’abordprendre conscience que la globalisation a permis de mettre en exergue l’extraordinaire interdépendance de l’Afrique avec elle-même et avec le reste du monde. Ne présentant aucun danger militaire pour les Occidentaux obnubilés par une vengeance toujours possible à cause des 400 ans d’exploitation de ce continentet de ses habitants, l’Afrique demeure, aux yeux de ceux qui dirigent le monde, unrisque systémique. Elle est à tort :
- sujet d’insécurité du fait, entre autres, de flux migratoires en mouvement versles pôles d’attraction des richesses mondiales et du sida.., et en même temps
- objet d’insécurité principalement à cause de guerres intestines ayant pour objet de lever l’intangibilité des frontières selon un schéma d’appropriation du sous-sol pas toujours dicté par l’extérieur .
Du coup et malheureusement, les repères collectifs devant servir de fondation à laconstruction d’un système de rassemblement des Africains sont encore dans le flouet doivent être redéfinis et librement acceptés collectivement.
Il faut ré-apprendre collectivement à défendre les intérêts africains partout où cela estpossible et ne pas tomber dans le piège de la naïveté quand aux solutions importéescomme allant nécessairement dans le sens du bien-être du peuple africain. Mais qu’en est-il de ses représentants ? Sont-ils prêts à défendre les intérêts de la sociétécivile africaine ? Sont-ils prêts à proposer une Charte africaine de l’interdépendanceau suffrage de tous les Africains ? L’Afrique est-elle incapable de s’unir pourdéfendre ses intérêts ? Certainement! Surtout si elle compte plus de traîtres dans ses rangs que de véritables responsables prêts à réduire les souffrances d’un peuplemeurtri par l’histoire et un système néo-libéral devenu arrogant face au vide politique laissé par la fin de la guerre froide. Ce système basé sur une logique de conflits, deguerres, de division et d’usurpation ne peut s’appliquer tel quel à l’Afrique. Il devenait urgent de trouver un autre paradigme interne à, l’Afrique : l’interdépendance.
Malgré la désinformation ambiante et l’afro pessimisme hypocrite, ce ne sont plusdes solutions, mais des logiques de comportements et de prise de conscience quisont proposées pour que l’Afrique retrouve la confiance en elle et en ses enfants d’hier , d’aujourd’hui, et de demain en misant sur la transparence et le refus d’annihiler la conscience de la souveraineté. L’Afrique doit pouvoir être capable dedire non collectivement sur des dossiers où ses intérêts sont bafoués. Elle doit aussi être capable de dire oui et respecter ses engagements collectivement. A défaut, elleorganise son exclusion du 21e siècle. Il faut avoir le courage d’innover. Il est doncproposé de lever pacifiquement l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation et d’opter pour un passeport commun pour les Africains d’hier, d’aujourd’hui et de demain. En se jouant de l’imprévisibilité en optant pour la transparence, les Africains et les amis de l’Afrique pourront collectivement favoriserl’émergence de zones interdépendantes d’échanges, de production et de bien-être.Les dirigeants africains auront-ils le courage de soumettre une Charte de l’Interdépendance, véritable constitution de l’Afrique pré-confédérale, au référendumde tous les Africains ? Rien n’est moins sûr ! Il reste néanmoins à convaincre ceux qui décident de l’avenir de l’Union africaine que cette démarche passe parl’organisation de l’interdépendance africaine avec la société civile. Un défi qui n’abesoin que d’un peu de volonté, de détermination face à l’adversité et de respect des citoyens africains.
Le refus de l’improvisation, le besoin de vérité et de réconciliation entre Africains etune flexibilité dans le rythme d’adhésion et de mise en oeuvre deviennent des conditions essentielles du succès de la démarche menant à l’unité plurielle desAfricains, et à terme de l’Afrique.
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