On ne sanctionne pas sans conséquences les pays pauvres s’ils sont soutenus militairement. Ne pas l’avoir compris conduit à des erreurs stratégiques qui vont coûter « cher » à tous les pays qui oublient que l’Afrique entre de plain-pied dans sa phase de deuxième décolonisation territoriale, économique et financière. Cette prise de conscience ne peut être occultée par les médias défendant des intérêts étrangers en Afrique, au Mali en particulier.
1. SANCTIONS ANTI-MALIENNES : GERER L’ILLEGALITE DES INJONCTIONS VENUES D’AILLEURS
Le Gouvernement malien avait annoncé en début février 2022 qu’il n’a pas été en mesure de s’acquitter des sommes dues fin janvier sur le marché financier sous-régional. La raison principale : le pays a été soumis à de lourdes sanctions le 9 février 2022 par l’Union monétaire Ouest-africaine (UMOA), l’Union économique et monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) et par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), avec comme mesures collatérales, la suspension des comptes créditeurs du Mali à la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), membre de la zone franc et assujettie au trésor français pour la convertibilité du FCFA en devises.
Afrocentricity Think Tank, un groupe de réflexion et d’action, estime que le Mali a plusieurs alternatives pour diversifier sa gouvernance et sa dépendance des institutions sous contrôle ou liées de près ou de loin à la France. Il est question de trouver des partenaires internationaux qui ne s’alignent pas sur les positions françaises et par ricochet, celles de la CEDEAO, peu soucieuse de respecter ses propres textes et règles de fonctionnement. Au demeurant, les décisions prises par l’UEMOA, la CEDEAO et la BCEAO sont illégales et la France d’Emmanuel Macron le sait parfaitement.
2. SANCTIONS ILLÉGALES DICTÉES POUR FAIRE ÉCHEC À LA SOUVERAINETÉ DU MALI
Rappelons l’essentiel des quatre principales sanctions illégales intervenues entre les pays membres de la CEDEAO et le Mali :
- la fermeture des frontières terrestres et aériennes ;
- la suspension des transactions commerciales ;
- le gel des avoirs de l’Etat malien auprès de la BCEAO, qui ne peut convertir le FCFA en devises que sur l’autorisation du Trésor français ;
- le gel des avoirs de l’Etat malien et des entreprises publiques et parapubliques dans l’ensemble des banques secondaires dépendantes de la BCEAO, notamment les banques commerciales.
Autrement dit, il s’agit d’un véritable embargo. L’objectif des sanctions sous-régionales instrumentalisées par la France et des pays de la sous-région assurant le service après-vente des instructions françaises, vise à asphyxier les autorités de la transition politique au Mali et directement le Peuple malien. La réalité est que les sanctions asymétriques ne peuvent perdurer que si la victime du complot refuse de s’adosser à une force militaire équivalente ou supérieure à celle du véritable donneur d’ordre, en l’espèce, un étranger.
3. SANCTIONS : EFFETS BOOMERANG, CONTOURNEMENT ET DIVERSIFICATION
En attendant les effets « boomerang », notamment sur le patronat de la sous-région et plus particulièrement celui de la France, un système de communication et de désinformation a été mis en place. Air France, pour ses vols entre Paris et Bamako, a choisi de faire escale à Conakry en Guinée pour contourner l’embargo franco-CEDEAO. Les patronats de la sous-région ont choisi d’augmenter les sommes décaissées dans les points de contrôles informels ou formels en guise de corruption de proximité, pour que les marchandises puissent être acheminées. Les frontières étant poreuses, les patronats locaux sont devenus des victimes des décisions des chefs d’Etat de la CEDEAO. En effet, les contournements et la diversification des partenaires commerciaux risquent de faire tomber des rentes de situation établies.
L’effet boomerang pourrait conduire les responsables de la CEDEAO à revoir leur copie, tant ces responsables sont déconnectés des réalités économiques africaines et sont branchés sur les injonctions venues d’ailleurs. Aussi, tous les moyens sont engagés pour parvenir à une forme d’arrangement à l’amiable entre le Mali et la CEDEAO. Mais le Burkina-Faso a déjà choisi d’avancer sans attendre les ingérences illégales de la CEDEAO. En effet, la durée de la transition fixée par les nouvelles autorités du Burkina à 36 mois, soit trois ans, continue à faire problème au Mali. Comment est-ce que la CEDEAO, n’écoutant que la voix de son « maître », par ailleurs champion d’une diplomatie du « deux poids deux mesures », peut-elle continuer d’insister pour que le Mali abaisse la durée de sa transition en dessous de cette période, tout en sachant que le Mali doit d’abord assurer sa souveraineté territoriale et bouter militairement les terroristes-djihadistes hors de ce vaste territoire ?
4. MALI, TERRORISME ET DÉSINFORMATION : PLUS DE RÉSULTATS PROBANTS DES FAMA EN 5 MOIS QUE DE LA FRANCE EN 8 ANS
L’essentiel de la désinformation, ou plutôt l’information partielle et donc partiale en provenance de l’étranger, sert d’abord les intérêts des dirigeants des pays propriétaires de ces médias. Il s’agit principalement et soigneusement de refuser de mettre en valeur les efforts consentis par les autorités maliennes pour contenir le terrorisme et les premiers résultats probants sur le terrain[1] obtenus en moins de 5 mois, qui n’ont pas été possibles avec les forces françaises ou onusiennes au Mali en huit ans[2]. Les exactions reprochées à l’armée malienne ne reposent sur aucune preuve mais sur des témoignages avec des amalgames sur la réalité des morts et l’absence de preuves, dans un rapport avec des affirmations d’exactions de « Human Right Watch[3] » relayé par Radio France Internationale.
De source malienne officielle, notamment M. Fousseynou Ouattara, le Vice-président de la Commission Défense du Conseil National de Transition (CNT), l’organe législatif de la transition malienne, plus de 300 villages sur 16.000 villages furent occupés entre 2012-2021, soit pendant 9 ans, alors que la France avec ses différentes opérations militaires dépensait au moins l’équivalent de 2 milliards de FCFA par an pour des opérations de sécurisation du Mali. Or, en 4 mois, plus de 12.000 villages ont été libérés par les forces armées maliennes (FAMA), plus de 80.000 maliens déplacés ont rejoint ces villages et sont sortis des griffes des terroristes-djihadistes grâce au changement officiel de partenaire militaire, notamment la coopération militaire de la Fédération de Russie[4].
La désinformation sert d’abord à empêcher de populariser ce bilan encourageant pour le Mali, qui semble conforter la stratégie et l’action militaire menées par les autorités de la transition du Mali. Les 53 soldats français et les nombreux morts maliens et africains (civils et militaires) sont-ils morts uniquement à cause de la lutte pour le terrorisme-djihadiste, ou alors s’agissait-il aussi d’assurer une forme d’approvisionnement en matières premières non encore enregistrées dans les comptes publics de l’Etat malien ? La deuxième hypothèse doit être prise en compte puisque la dépendance énergétique de la France ne peut reposer sur les accords de défense et monétaires hérités de l’ère coloniale.
5. VIOLATION DU DROIT INTERNATIONAL : AMNÉSIE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU SUR LE MALI
L’Organisation des Nations Unies (ONU[5]) a élaboré des dispositions du droit international qui interdisent de sanctionner un pays enclavé. Il est interdit de priver un État de son droit d’accès à la mer. Il s’agit en l’espèce d’une violation flagrante de la Convention et du Statut de Barcelone, ainsi que l’accord d’Almaty, qui reconnaissent aux pays enclavés, le droit d’utiliser les océans dans les mêmes conditions que les États riverains, y compris le droit de traverser le territoire d’un ou de plusieurs pays en vue d’atteindre la mer… Alors, amnésie ou alignement du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, sur certains membres du Conseil de Sécurité ? Il est devenu « plus secrétaire » que « général » !
6. TRAHISON DES CHEFS D’ETAT DE L’UEMOA ET DE LA CEDEAO : CRÉDIBILITÉ ZÉRO !
Aucun texte de l’UMOA[6], l’UEMOA[7], ni de la CEDEAO[8], encore moins de la BCEAO[9] ne permet en droit de sanctionner le Mali. D’ailleurs, le Mali a porté plainte devant les institutions de l’UMOA pour principalement abus de pouvoir, vice de procédure et vice de forme. La BCEAO n’a fait que du mimétisme politique. Il se trouve que les dirigeants de la Commission de la CEDEAO et de la BCEAO sont des ivoiriens, qui ont bénéficié de l’appui du Président ivoirien, et lui sont redevables. Ceci peut expliquer cela !
De toutes les façons, le blocage des avois maliens par la BCEAO est nul et non avenu en droit, donc illégal. Il s’agit d’une décision politique qui par son caractère partisan et dissymétrique, permet aux populations de mieux comprendre comment fonctionne le « syndicat des chefs d’Etat » qu’est devenu la CEDEAO et les institutions qui se soumettent volontairement à Paris, quand elles n’excellent pas dans le zèle au service des autorités françaises.
L’absence de justificatif juridique probant de la CEDEAO a conduit officiellement le Président du Niger, Mohamed Bazoum, à marquer « son désaccord avec les critiques du Président français [Emmanuel Macron ndlr], sur la réaction trop timide de la Cédéao au double coup d’Etat au Mali[10] ». Le Président Bazoum connaissant la montée en puissance du sentiment d’injustice qu’éprouve une grande majorité de sa population a clairement indiqué en juillet 2021 à son homologue français au palais de l’Elisée que « les mesures de fermeture des frontières, ça n’existe pas dans le Traité de la CEDEAO[11] ». Autrement dit, les présidents qui ne bénéficient pas d’un appui militaire extérieur à la France, sont malgré tout lucides pour dire quelques « vérités » à la Présidence française.
7. LE SILENCE ASSOURDISSANT DU NIGERIA S’EXPLIQUE : LES CONSÉQUENCES DE LA CORRUPTION ET DE L’ALIGNEMENT SUR LES PAYS OCCIDENTAUX
On peut se demander pourquoi un pays comme le Nigeria qui est intervenu par le passé pour rétablir le « droit » dans la sous-région reste silencieux, voire complaisant envers les chefs d’Etat de l’UEMOA. En fait, le coup du remplacement illégitime de l’ECO-CEDEAO par l’ECO-UEMOA et orchestré par Paris et Abidjan, semble l’avoir réduit à un repli sur les problèmes du Nigéria. Mais cet argument est incomplet car voici un pays où la corruption n’a pas de limites au point d’être dépendant à plus de 95 % du pétrole raffiné en provenance de l’extérieur alors que le pays regorge de pétrole brut et de gaz[12].
En réalité, la bourgeoisie arriviste de ce pays, civils et militaires y compris, ont préféré la solution de la facilité que constitue la corruption à tous les étages. En effet, en plus des erreurs stratégiques de non-raffinage du pétrole brut nigérian, une très grande partie des produits raffinés pétroliers importés sont frelatés selon la Compagnie Pétrolière Nationale (NNPC) Les quatre raffineries de ce pays de 220 millions d’habitants sont à l’arrêt ou fonctionne en sous-capacité. De fait, le Nigéria est devenu vulnérable à tous problèmes de logistiques et d’approvisionnement de pétrole raffiné au point d’être responsable du blocage de nombreuses activités dépendantes du carburant, tant les ménages, les entreprises que l’Etat dont les hôpitaux.
C’est ainsi pour éviter toutes velléités de la part du Président Muhammadu Buhari du Nigéria de faire rayonner la « justice et le droit » au sein de la CEDEAO, des pays étrangers ont aussi profité de la crise militaire entre la Russie et l’Ukraine, pour stopper net l’approvisionnement en pétrole raffiné du Nigéria. Cette autre forme d’embargo sur l’économie nigériane est passée inaperçue, mais demeure très efficace pour expliquer le silence, voire l’effacement des autorités nigérianes dans le dossier Mali. Bref, le « grand » Nigeria, qui a choisi de ne pas rejoindre le groupe des non-alignés à savoir les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud) a été mis à genou par certains pays occidentaux. Le silence assourdissant du Nigéria doit être recherché dans les multiples et complexes conséquences de la corruption et de l’alignement des autorités fédérales de ce pays sur les pays occidentaux
Il est vrai que le médiateur officiel de la CEDEAO est M. Goodluck Ebele Jonathan, ancien Président de la République Fédérale du Nigeria qui a brillé par ses piètres capacités de négociateur au point de recevoir de la part des Africains conscients des enjeux maliens, le nom et sobriquet de : « la France m’a dit ». Il ne pouvait qu’échouer dans le dossier malien pour avoir renié les valeurs africaines héritées de la Maât de l’Egypte ancestrale : vérité, justice et solidarité. Peut-être qu’il est temps pour la CEDEAO de ne plus faire confiance au syndicat des chefs d’Etat pour identifier des médiateurs. En effet, de nombreuses personnalités brillantes peuvent être identifiées pour leur panafricanisme, leur éthique et sens de la redevabilité au Peuple africain au sein de la société civile et de la Diaspora pour mener des médiations au service des peuples africains.
8. LA COUR DE JUSTICE DE L’UEMOA A DIT LE DROIT, ET A RENDU JUSTICE AU MALI
Suite à la décision du 9 janvier 2022 de la Conférence des chefs d’Etat de l’UEMOA télécommandée par la France pour mettre en exécution tout un dispositif d’embargo politique, économique, commercial et logistique du Mali dans la sous-région et au-delà, l’Etat malien a porté plainte auprès de l’institution compétente avec deux recours au motif que les décisions des chefs d’Etat de l’UEMOA étaient entachées d’illégalité, ce en référence aux textes, objectifs et mission de l’UEMOA. L’Etat malien a demandé :
- l’annulation des décisions des décisions préjudiciables à l’Etat malien ;
- la suspension de l’exécution des sanctions eu égard aux effets gravement préjudiciables à l’Etat malien, aux populations maliennes et africaines, vivant au Mali.
Voici que la Cour de justice de l’UEMOA, basée à Ouagadougou au Burkina-Faso, a rendu le 24 mars 2022 une ordonnance « portant suspension des sanctions adoptées contre le Mali par les chefs d’Etats de l’UEMOA[13] ». Une victoire pour le droit, une victoire pour les autorités maliennes, une victoire pour le Peuple malien, une victoire pour le Peuple africain audacieux épris de panafricanisme !
Un échec pour les chefs d’Etat de l’UEMOA et de la CEDEAO, un échec pour la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), un échec pour le Président Emmanuel Macron et sa politique africaine à géométrie variable, un échec pour les institutions de Bretton Woods incitées à augmenter les conditionnalités d’usage, un échec pour les traitres africains qui se sont alignés sur l’injustice, enfin, un échec pour la partie du Peuple malien lâche et prête à vendre son « frère et sa sœur » pour des miettes perçues du faux ruissellement occidental, un échec pour la partie du Peuple africain couarde qui ne rêvait que de l’échec de l’expérience courageuse malienne !
La Cour de justice a refusé de subir les pressions des chefs d’Etat. Le sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la CEDEAO prévu le 25 mars 2022 à Accra a été annulé sine die. Il était prévu d’y inviter Assimi Goïta, le Président de la Transition malienne en fonction depuis le 28 mai 2021 et exclu arbitrairement et illégalement de tous les sommets de l’UEMOA et de la CEDEAO. Les Chefs d’Etat ont enfin reconnu Assimi Goïta comme l’un des leurs… Un vrai progrès forcé car les sanctions sont contre-productives et deviennent des sanctions boomerang… et les populations africaines ne sont pas d’accord avec les positions des chefs d’Etat… le risque de coup d’Etat dans certains pays de la CEDEAO n’est pas à exclure dans la volonté de réintégrer le chef d’Etat du Mali.
Personne ne sait si cette réunion avait pour objectif de s’excuser collectivement ou alors d’en finir (physiquement ou ésotériquement) avec M. Assimi Goïta. Heureusement, les autorités maliennes ont décliné l’invitation « physique » et ont proposé en retour un sommet par vidéo-conférence. Avec la décision de la Cour de justice de l’UEMOA, c’est comme si les chefs d’Etat, du haut de leur arrogance, avaient reçu un par un et collectivement une gifle aller-retour. Vexés, ces mêmes chefs d’Etat, honteux, déshonorés, ayant perdu le peu de crédibilité qui leur restait, ont choisi de ne pas affronter la « VÉRITÉ » de la leur « CONTREVÉRITÉ COLLECTIVE ». Ils ont annulé le sommet par vidéo-conférence proposée par le Mali. Ces chefs d’Etat de l’UEMOA devraient démissionner de leur fonction pour trahison du Peuple malien et non-assistance à un Peuple pris en étau par le terrorisme-djihadiste au Sahel d’une part, et un Etat néocolonial de l’autre, le second étant à l’origine du premier.
9. MALI : 2 COUPS D’ETAT POUR ENCLENCHER LA 2e DÉCOLONISATION DE LA FRANCE ?
Paradoxalement, les sanctions de l’UEMOA, de la CEDEAO, de la BCEAO et donc de la France contre le Mali impactent davantage les populations maliennes et les opérateurs des pays dont les présidents ont pris des sanctions sans concertation avec leur patronat local respectif. L’effet non prévu fut l’unité du Peuple malien dans sa grande majorité en soutien aux nouvelles autorités de transition du Mali, issues de deux coups d’Etat, et inversement un sentiment de rejet de la position française, attisé par son rôle ambigu au Mali au cours des huit (8) années de « guerre » contre le terrorisme-djihadiste.
Le coup d’Etat salvateur devient un instrument de deuxième décolonisation de la France, mais aussi de la rupture avec les contrevérités des urnes et des comptes publics qui ont permis de soutenir les précédentes « élections » dites démocratiques qui ont humilié le Peuple malien, et plus particulièrement l’armée malienne.
Il n’y a pas de « campagne anti-française » mais bien un constat d’échec de l’armée française (Barkhane) et onusienne (Takuba) au Mali et une volonté de diversification avec les autorités russes. La France a fomenté et réussi des coups d’Etat constitutionnels en Afrique au cours des 6 dernières décennies avec des barbouzes issus de la légion étrangère, des mercenaires et autres agents peu recommandables, le tout sous couvert d’accords secrets de défense avec les pays de la zone franc. Le Mali n’a fait que changer de partenaire pour que la France, habituée à l’absence de contradicteur en Afrique, refuse la palabre africaine intelligente qui aurait conduit au départ de la France de ses pré-carrés post-coloniaux et illégaux.
De fait, la seconde décolonisation du Mali va passer par le volet militaire d’abord, avec le retour de la souveraineté territoriale. Avec les sanctions monétaires, financières et économiques illégales, les voies de la souveraineté monétaire du Mali risquent de s’élargir compte tenu de l’exemple de la Mauritanie qui a quitté la zone Franc et la CEDEAO en s’en porte extrêmement mieux.
10. SOUS-TRAITANCE FRANÇAISE EN AFRIQUE : CHOISIR DES ELITES AFRICAINES NON PATRIOTES
Paradoxalement, les pays qui sanctionnent le Mali font le constat amer que les sanctions imposées illégalement par leurs dirigeants au Mali, impactent de plus en plus directement leur propre économie. Les soutiens au Mali viendront d’abord des pays africains qui ne participent pas à ces sanctions. Ceux-ci en profiteront pour sceller de nouvelles alliances et projets commerciaux et économiques pour sortir ensemble de la dépendance envers les pays africains alignés sur les autorités françaises actuelles. Ensuite, il s’agira de diversifier l’ensemble des échanges du Mali et rechercher la coopération « gagnant-gagnant » qui apparaît de plus en plus comme étant le fondement du désintérêt pour la France au Mali.
Avec l’appui militaire étranger, l’approche asymétrique française d’un monde unipolaire centré sur Paris se termine au Mali. Le temps de suspension est nécessaire pour que chacun reprenne ses esprits. Ce temps sera d’autant plus court que le patronat français commencera à faire les calculs de son manque à gagner, à vouloir systématiquement croire que l’adaptation des principes coloniaux sur des êtres considérés comme des « marchandises » au temps de l’esclavage et de la colonie, peut faire l’objet d’adaptation et de sous-traitance avec la complicité de certains dirigeants africains, traitres à la cause du panafricanisme. Et surtout en faisant passer en priorité, les intérêts de leurs réseaux oligarchiques et ésotériques, avant ceux de leurs Peuples respectifs. La stratégie de la guerre civile comme au Biafra n’est pas une alternative pour la France.
11. L’INJUSTICE DE L’EMBARGO-ASPHYXIE DU MALI RÉVÈLE LA DEPENDANCE DE LA FRANCE DES MATIÈRES PREMIÈRES AFRICAINES
La vérité et la justice sont le fondement des ruptures avec la gouvernance des coups d’Etat constitutionnels adoubés par la France en zone franc. Les Occidentaux, notamment ceux de l’Union européenne, devraient se rappeler que ce sont justement les sanctions économiques contre la fédération de Russie de Vladimir Poutine, qui a conduit ce pays à organiser son autosuffisance et sa souveraineté dans plusieurs secteurs (alimentaire, métaux, armement, énergie, etc.).
Si les sanctions de la France, relayées par les dirigeants africains « perroquets » de la CEDEAO, peuvent conduire les populations du Mali à une prise de conscience des enjeux mondiaux, et à s’organiser pour retrouver leur souveraineté militaire, puis alimentaire, énergétique, etc., alors un monde nouveau débarrassé de la condescendance est en gestation au Mali. Il s’agit donc non plus d’un coup d’Etat, mais bien d’une révolution pour la souveraineté du Mali avec des partenaires plus fiables. Les positions maliennes révèlent l’extrême dépendance de la France des matières premières africaines. Cela explique l’alibi partiel du terrorisme-djihadiste toujours présent, mais pas que… La France a choisi au plan stratégique la voie de la prédation et de l’accaparement des biens d’autrui. Il suffit de trouver le « bon prétexte » que les populations françaises et internationales pourront accepter et de communiquer à longueur de journée comme s’il s’agissait de la « bonne action » au sens religieux. Sauf que ce subterfuge est en train de prendre fin au Mali, et vraisemblablement au Burkina-Faso et ailleurs.
En réalité, l’embargo-asphyxie du Mali est une injustice face aux résultats désastreux de la démocratie à l’occidentale imposée au Mali. Si les dirigeants de la CEDEAO ne peuvent pas s’affranchir des fourches caudines de la France, les dirigeants du Mali n’ont pas d’autre choix que de suspendre temporairement leur participation à la CEDEAO pour retrouver leur souveraineté territoriale, afin de décider librement et sans pression, de leur avenir, vraisemblablement sans la France. Le Rwanda a dû passer par cette étape pour retrouver le respect des autorités françaises…
12. INJUSTICE DES DIRIGEANTS OCCIDENTAUX EN AFRIQUE : ACCAPAREMENT ET REJET DU SACRÉ
Le Mali est arrivé à un point où il est justifié de « suspendre » ses relations avec l’UEMOA, la CEDEAO, voire de la France pour réussir la transition que souhaite le Peuple malien. Alors, la décision de la Cour de justice de l’UEMOA a imposé le Mali comme un acteur incontournable dans la CEDEAO. La honte des 14 autres chefs d’Etat a besoin d’un peu de temps pour être dirigée. En effet, faire le « gros dos » comme à leur habitude, ne passe plus face à la transparence de la vérité et de la justice.
Au-delà, face à l’injustice, les Peuples africains ont Dieu à leur côté. Le monde occidental devrait réviser les leçons qu’enseigne son histoire, fondée sur les agressions perpétuelles des autres peuples pour accaparer leurs ressources. La désinformation subtile n’y changera rien car le dossier n’est plus politique, mais relève de la justice intemporelle, donc divine.
L’accaparement de la « natte des autres[14] » sans payer et le rejet du sacré et de Dieu sont aux antipodes de l’expérience historique africaine. C’est pour cela que l’innocence et la justice finiront toujours par triompher de la mystification. Les partenariats militaires et bientôt ceux en cours dans le domaine de la communication et de l’information devraient accélérer le mouvement d’autodétermination et de libération territoriale, monétaire et économique du continent africain. YEA.
25 mars 2022
Dr. Yves Ekoué AMAÏZO
Directeur Afrocentricity Think Tank
© Afrocentricity Think Tank
Note :
- FAMA (2022). « Mali : plusieurs terroristes neutralisés par les FAMA après un ratissage ». In actuburkina.net. 22 mars 2022. Accédé le 23 mars 2022. Voir https://actuburkina.net/mali-plusieurs-terroristes-neutralises-par-les-fama-apres-un-ratissage/ ↑
- RFI (2022). « M. Fousseynou Ouattara, Invité Afrique Matin ». Invité de David Baché. In www.rfi.fr. Accédé le 18 mars 2022. Voir https://rfi.my/8G1U.F ↑
- Human Rights Watch (2022). « Mali : Nouvelle vague d’exécutions de civils ». In www.hrw.org. 15 mars 2022. Accédé le 22 mars 2022. Voir https://www.hrw.org/fr/news/2022/03/15/mali-nouvelle-vague-dexecutions-de-civils ; L’ONG Human Rights Watch (HRW) a fait des allégations sur la base de témoignages de « nouvelle vague d’exécutions de civils » ainsi que des pillages par l’armée malienne et les jihadistes dans le centre et le sud-ouest du Mali… Sauf que la pauvreté fait qu’avec un peu d’argent, on peut faire dire ce que l’on veut à qui l’on veut. ↑
- RFI (2022). Op. Cit. ↑
- L’Organisation des Nations Unies fonctionne en Afrique sous influence des décisions des principaux membres du Conseil de sécurité, autrement dit, sans grande influence des Africains, réduits à des rôles d’exécutants ou de subalternes. ↑
- Union monétaire Ouest-africain : elle est en charge des questions monétaires avec le siège de la commission de à Abidjan. ↑
- Union monétaire et Economique Ouest-africain : elle est en charge des activités de développement, de l’intégration économique. ↑
- La communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest a pour objectif principal est de promouvoir la coopération et l’intégration avec l’objectif de créer les conditions favorables pour une union économique et monétaire ouest-africaine et l’avènement d’une monnaie commune dite ECO-CEDEAO. Ses activités se sont élargies en matière de maintien de la paix ici et là selon les protagonistes. Son rôle ambigu lui a fait perdre sa crédibilité au niveau des peuples de la sous-région. La CEDEAO est considérée comme un syndicat des chefs d’Etat africains de la zone et assujetti à des injonctions étrangères, notamment française. ↑
- La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) est l’institution monétaire de l’UMOA et a son siège à Dakar, au Sénégal avec des agences dans chacun des 8 pays membres de l’UMOA. Rappelons que c’est le 21 décembre 2019, le président ivoirien Alassane Ouattara avait annoncé avec fanfare le remplacement du franc CFA par l’ECO-UEMOA pour le 1er juillet 2020, ce au cours d’une conférence de presse commune avec le président français Emmanuel Macron en visite officielle en Côte d’Ivoire. A ce jour, cela ne s’est pas réalisé et la monnaie commune des 15 pays de la CEDEAO, l’ECO-CEDEAO qui aurait dû voir le jour a été paralysé, suite à cette initiative considérée comme une trahison. ↑
- France 24 (2021). “Mohamed Bazoum, président du Niger : “Ce n’est pas à la France de faire la guerre au Sahel”. In www.france2.com. 10 juillet 2021. Accédé le 19 mars 2022. Voir https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/l-entretien/20210710-mohamed-bazoum-pr%C3%A9sident-du-niger-ce-n-est-pas-%C3%A0-la-france-de-faire-la-guerre-au-sahel ↑
- MaliRech (2022). “ Mohamed Bazoum : « Les mesures de fermeture des frontières, ça n’existe pas dans le Traité de la Cédéao » (Palais de l’Elysée, le 9 juillet 2021) ». In www.malirech.com. 14 janvier 2022. Accédé le 19 mars 2022. Voir http://malirech.com/mohamed-bazoum-les-mesures-de-fermeture-des-frontieres-ca-nexiste-pas-dans-le-traite-de-la-cedeao-palais-de-lelysee-le-9-juillet-2021 ↑
- Rédaction Africanews (2022). « Nigeria : pénurie d’essence chez le 1er producteur de pétrole d’Afrique ». In fr.africanews.com. 16 février 2022. Accédé le 23 mars 2022. Voir https://fr.africanews.com/2022/02/15/nigeria-penurie-d-essence-chez-le-1er-producteur-de-petrole-d-afrique/ ↑
- Cour de Justice de l’UEMOA (2022). « Ordonnance n°06_2022_CJ du 24 mars 2022 relative à l’affaire Etat du Mali contre Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement ». In courdejusticeuemoa.org. 24 mars 2022. Accédé le 24 mars 2022. Voir https://courdejusticeuemoa.org/jurisprudence/#84-103-ordonnances ↑
- Ki-Zerbo, J. (1991). La natte des autres. Pour un Développement endogène en Afrique. Editions Karthala : Paris. ↑